Une interview qui l'a poussée vers la sortie. La journaliste Barbara Olivier-Zandronis, présentatrice de la radio privée RCI en Guadeloupe a été écartée de l'antenne après un échange tendu avec le président du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella. Son éviction a suscité ce dimanche 10 décembre de nombreux commentaires désapprobateurs venus de la gauche. Dans la séquence diffusée dans le journal de 13 heures de la station de radio le vendredi 8 décembre 2023, la présentatrice déplorait notamment que l'eurodéputé d'extrême droite ne porte "pas de propositions" au Parlement européen, malgré un haut taux de présence.
Plusieurs fois durant l'interview, la journaliste a recadré son invité, tentant d'obtenir des réponses à ses questions alors que celui-ci répondait sur d'autres sujets. "Je suis obligée de vous couper puisque ici, on ne parle pas de l'Assemblée nationale, on parle du Parlement européen donc pourquoi les députés du Rassemblement national ne votent pas les lois en faveur des RUP (régions ultra-périphéques, ndlr), nos régions", a-t-elle par exemple demandé lorsque l'élu défendait une proposition de Marine Le Pen à l'Assemblée nationale en réponse à une question relative à l'absence de votes des eurodéputés du RN concernant les dispositions relatives aux territoires ultra-marins.
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À l'issue de leur échange, Jordan Bardella a à son tour interrogé la journaliste, lui demandant dans quel parti politique elle avait sa carte. "Vous m'agressez depuis à peu près neuf minutes en faisant les questions et les réponses", a-t-il déploré, avant d'ajouter que "les écoles de journalisme ne sont plus ce qu'elles étaient". Malgré ces attaques personnelles, la journaliste est restée dans le cadre de son interview, répétant ses questions et terminant en remerciant son interlocuteur.
En CDD depuis septembre, Barbara-Olivier Zandronis a ensuite été démise de ses fonctions à la tête du journal de la mi-journée tout en conservant sa place dans la rédaction insiste la direction de la station.
"Ce n'est pas la première rédaction au monde où quelqu'un est retiré de l'antenne quand il y a un couac", a justifié ce dimanche Hervé de Haro, directeur délégué de RCI Guadeloupe auprès de l'AFP. Il estime qu'au-delà d'une interview, la journaliste a mené "un débat politique". "Nous ne sommes pas une radio d'opinion, et si cela avait été un autre parti cela aurait été la même chose", a-t-il insisté.
Cette mise à l'écart a provoqué de vives réactions politiques, principalement à gauche de l'échiquier. Cinq parlementaires de Guadeloupe, les députés Elie Califer, Max Mathiasin, Olivier Serva et les sénateurs Victorin Lurel et Solanges Nadille, ont exprimé leur "indignation" dans une lettre ouverte, estimant que "la véritable essence de la liberté de la presse est incarnée lorsque les hommes politiques sont confrontés avec des questions fondamentales et franches".
Sur X, le nouveau nom de Twitter, le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a fait le parallèle entre les réactions suscitées par sa publication à l'encontre de la journaliste de LCI Ruth Elkrief une semaine plus tôt et le peu de soutien adressé à Barbara Olivier-Zandronis. "Cette indignation à géométrie variable est l'aveu d'une dérive nauséabonde", a-t-il estimé. Interrogé par Thomas Sotto dans "Télématin" ce lundi 11 décembre, le député LFI des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard a déploré que la journaliste guadeloupéenne n'a pas "obtenu le même soutien assez unanime qui a été exprimé après la polémique sur Ruth Elkrief. (...) J'observe juste que quand cette journaliste-là a été écartée de l'antenne parce qu'elle a interrogé soi-disant un peu trop vivement M. Bardella, il n'y a pas le même concert de soutien qu'il y a eu alors que Ruth Elkrief avait utilisé des pratiques à mon égard que je trouvais inacceptables".
Dans un communiqué, le groupe RCI dit considérer "toute ingérence dans (son) entreprise comme inacceptable". "Un média n'est pas un espace où un journaliste donne son opinion", "le rôle d'un journaliste [....] est de donner la parole et de travailler les interviews". Le retrait de Barbara Olivier-Zandronis de la présentation du journal de 13 heures "est une décision d'entreprise", explique le groupe, "motivée par notre engagement envers l'amélioration continue de notre média et le développement professionnel de nos journalistes".
La direction de RCI insiste : Barbara Olivier-Zandronis "n'a pas été mise à pied, ni exclue de l'antenne. Elle demeure partie intégrante de la rédaction". Le groupe dit également refuser "toute complaisance, indépendamment des relations et des pressions externes. Nous considérons toute ingérence dans notre entreprise comme inacceptable."