Musique
Alain Chamfort : "La sortie d'un disque n'intéresse plus personne"
Mis à jour le 5 février 2010 à 10:25
Publié le 5 février 2010 à 10:25
Par Julien Mielcarek
Entretien inédit sur Ozap.
Alain Chamfort Alain Chamfort© Thomas Vassort
La suite après la publicité

Cela fait cinq ans qu'on l'attendait mais Alain Chamfort, lui, n'était pas pressé de revenir. Alors, c'est avec surprise que le dandy de la variété française a choisi de faire son retour. La semaine prochaine sort, uniquement en digital et en physique exclusivement sur vente-privee.com, "Une Vie Saint Laurent", un disque retraçant la vie du couturier Yves Saint Laurent. Pierre-Dominique Burgaud, auteur du "Soldat Rose", est à l'origine du projet qui a donné lieu à un des plus beaux albums de variété de ces dernières années. Pour Ozap, Alain Chamfort nous raconte le projet mais évoque aussi son avenir et son rapport avec le milieu du disque et des médias. Entretien.

Ozap : Quand on vous a proposé le projet, vous avez expliqué avoir trouvé l'idée « saugrenue ». Saugrenue parce que c'est à vous qu'on venait le proposer ?
Alain Chamfort : C'est juste que je ne m'y attendais pas du tout. Je n'étais pas dans cette perspective-là, je n'attendais rien de spécial. J'étais un peu dans l'inertie totale (rires). Je ne travaillais pas et je n'avais pas spécialement envie de travailler. Et Pierre-Dominique Burgaud m'a proposé l'idée de faire un disque conceptuel sur la vie d'Yves Saint Laurent. Je lui ai dit "D'où tu sors ça ?".

 

« Je ne m'y attendais pas du tout »



Et vous lui avez donc dit "Je ne veux pas travailler !"
(rires). Dans un premier temps, je connaissais très peu d'éléments de la vie d'Yves Saint Laurent donc ça ne m'a pas paru tout de suite évident. L'image que j'avais d'Yves Saint Laurent est celle d'un homme discret. Je savais qu'il était considéré comme une icône mais on le voyait apparaitre que rapidement à la fin de certains défilés. Ce n'est pas comme si il m'avait dit qu'on faisait un album sur la vie de Karl Lagerfeld où j'avais un tas d'éléments car il s'est tout le temps mis en scène. Je me suis donc dit que si ça ne me parlait pas à moi, qui suis quand même quelqu'un d'ouvert, qui vis à Paris, je suis demandé ce que ça voulait dire à Angoulême - je dis Angoulême comme ça, c'est un exemple -. Je me disais que ça n'allait parler à personne alors que la chanson a vocation à parler au plus grand nombre. 

Et après cette première réaction ?
Pierre-Dominique m'a alimenté de textes et ça me donnait un moyen de commencer à me mettre au travail. J'ai mis un texte en musique puis un deuxième, un troisième... Ensuite, j'ai commencé à lire des biographies de Saint Laurent et là, effectivement, ça m'a intéressé. J'ai trouvé que c'était un personnage de roman, un destin tout à fait hors du commun. 

Vous ne l'aviez donc jamais cotoyé ou croisé.
Jamais. Il était très protégé, très en dehors, même s'il était très conscient de la réalité de la vie et qu'il a beaucoup participé à accélérer des mouvements. Il était timide, introverti. C'est uniquement quand on commence à s'y intéresser qu'on découvre la richesse de sa création et leurs retombées.

Il y a une chanson d'amour sur la rencontre entre Saint Laurent et Bergé. Comment a-t-il réagi ?
Je pense que Pierre Bergé a surtout réagi sur l'ensemble en voyant qu'on n'avait rien trahi et qu'on avait bien compris son parcours. De sentir sa vie défiler devant lui a été l'objet l'a ému. Il était assez bouleversé à la fin et a eu du mal à se reprendre. C'était vraiment très touchant de voir cet homme très impressionnant, un peu froid, fondre en laissant apparaître sa sensibilité.

Saint Laurent avait eu connaissance du projet ?
Oui mais il ne l'a pas entendu.

 

« La sortie d'un disque n'intéresse plus personne »



Vous parliez d'inertie avant qu'on vienne vous proposer ce projet. Vous dites que c'est finalement mieux de proposer un album concept qu'un album classique. Vous n'aviez pas l'angoisse de la page blanche mais juste pas envie ?
Honnêtement, le contexte général actuel de la crise du disque ne me donne pas très envie de me jeter dans des projets. On est tous un peu freinés et à se questionner. Quand on voit l'investissement qu'on passe sur un disque et qu'on voit qu'en gros, ça n'intéresse plus personne... Les gens continuent d'écouter de la musique mais la sortie d'un album est devenue un élément qu'on ne remarque même plus.

C'est étonnant de vous voir arriver à cet extrême...
Quand je vois les gens dans les majors qui ont des moyens, des projets comme Julien Clerc, Alain Souchon, des artistes qui sont dans des positions extrêmement reconnues et dont la sortie des albums est très soutenue, avec des présences importantes. Au bout de quinze jours, on ne sait plus ce que c'est devenu. C'est terrible. Eux qui sont déjà plus favorisés que moi et qui appartiennent encore à des majors qui les soutiennent. Moi, à mon niveau, ça revient à une perte de temps (rires).

C'est triste !
Oui mais c'est aussi une forme de lucidité.

Donc l'idée d'un album concept vous permet d'avoir une existence médiatique différente.
D'un seul coup, indépendamment des chansons qu'on était en train de faire et de l'intérêt qu'elles pouvaient avoir, je me suis rendu compte que le thème général avait aussi une valeur d'intérêt, qui n'était pas négligeable et qui pouvait aussi nous servir à ne pas être totalement invisibles.

 

« Les maisons de disques nous décourageaient »



Vous en êtes où avec les majors ? Vous êtes totalement seul au monde ?
Pierre-Dominique souhaitait que ce projet sorte dans des conditions normales et qu'on aille rejoindre un label. Moi, j'y étais opposé mais j'ai respecté son envie et on est allés voir les labels. Ils ont écouté mais aucun n'a été enthousiaste. On nous a dit "Oui, c'est compliqué". Ils nous décourageaient plutôt qu'autre chose. On a même eu droit à "Pourquoi vous n'avez pas fait un disque sur Zidane ?". Petit à petit, Pierre-Dominique a fini par me rejoindre. Après, on s'est dit que quitte à se retrouver dans une maison de disques et à devoir souffrir des doutes des uns et des autres pour vendre 12..000 disques à l'arrivée, on s'est dit qu'on allait les vendre tout seuls.

Vous évoquiez Souchon ou Clerc, des artistes très médiatiquement présents. Vous, on va dire qu'on ne vous voit pas.
Peu.

On ne vous voit pas. On a l'impression que la télé ne vous invite pas.
La télé n'invite personne quand vous n'avez pas d'actualité.

On ne peut pas dire que vous soyez omniprésent quand vous sortez un disque.
Non mais chacun a une position différente sur le sujet. Moi, je ne suis pas un bon client pour les médias. Je ne crée pas de scandale, je ne joue pas la provocation. Je ne suis pas sur ce registre et eux ont besoin de personnalités qui font de l'audience, qui viennent entretenir leurs besoins. Je suis comme je suis mais je ne mets pas en scène pour jouer le spectacle.

C'est quelque chose qu'on a pu vous dire ?
Non mais je le sais. Les gens qui font de l'audimat, on les connaît. Ce sont d'ailleurs surtout les comiques aujourd'hui parce qu'ils savent détendre les gens. Nous, on arrive, on parle de nos projets, ça ne passionne pas les foules.

Vous êtes totalement défaitiste en fait !
Mais non ! La télévision m'ouvre gentiment ses portes quand j'ai une actualité mais ça reste dans des secteurs qui ne sont pas particulièrement en quête d'audience. Je vais peut être faire quelques journaux télévisés, des petits reportages, des émissions de variétés traditionnelles... Mais quand je n'ai pas de projet, on ne m'invite pas pour venir animer. Je ne suis pas un animateur. Il y a Dave par exemple qui fait ça très bien donc c'est normal qu'il soit invité. Je ne fais pas ça.

Ca n'a pas l'air de vous manquer en tout cas.
(rires) Non, non.

La suite du projet, c'est une émission spéciale autour du disque ?
Des producteurs de télévision planchent sur l'idée de monter une émission autour de Saint Laurent où la musique du disque sera présente.

En l'écoutant, on imagine forcément le disque sur scène.
C'est vrai qu'il y a une espèce d'évidence. Ce ne sera pas du tout une comédie musicale mais plutôt un concert illustré d'éléments le concernant, comme des archives, certaines de ses robes, certains de ses décors... Le projet doit aboutir en 2011. Sinon, on a eu des producteurs qui nous ont approché pour qu'on fasse des concerts, j'aimerais bien.

 

« Je vais sans doute faire un album de duos »



Et alors, la suite pour vous, pas de chansons inédites alors ?
Si ! J'ai retrouvé le plaisir, la motivation. Parmi les projets futurs, il y a une maison de disques qui m'a approché pour faire un album de duos avec mes anciennes chansons alors pourquoi pas. J'ai fait beaucoup de chansons qui, pour des raisons que j'ignore en partie, n'ont pas eu une belle exposition.

Mais on va aussi vous demander de chanter "Manureva" et les autres tubes.
Oui, "Manureva" fera l'objet d'une reprise mais ce ne sera pas forcément la meilleure.

Je crois que vous aviez expliqué en avoir un peu assez qu'on vous resserve tout le temps "Manureva".
Oui, les grosses émissions de variétés invitent les gens à chanter la chanson qui a marqué le plus et on vous associe constamment à cette chanson-là. Tout le reste est occulté et je n'ai plus envie de faire ça. On a fait plein d'autres chansons qui méritent aussi de la considération.

 

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