Le livre d'Emmanuel Todd n'en finit pas de susciter la polémique. Dans "Qui est Charlie ? : Sociologie d'une crise religieuse" (Ed. Seuil), l'essayiste remet en cause la sincérité de la manifestation du 11 janvier et de ceux qui y ont participé. "Des millions de Français se sont précipités dans les rues pour définir comme besoin prioritaire de leur société le droit de cracher sur la religion des faibles", écrit Todd.
Le livre a fait la semaine dernière la Une de L'Obs, qui a publié les bonnes feuilles de l'ouvrage. Ce coup de projecteur apporté par l'hebdomadaire, sans contradiction en pages intérieures, n'est pas du goût du philosophe Alain Finkielkraut. "C'est un véritable tapis rouge ! Libération a eu au moins la décence de faire un débat", a-t-il taclé hier soir dans "Zemmour et Naulleau" sur Paris Première. Le quotidien a en effet choisi, dans son édition du 4 janvier, de confronter la théorie de Todd à Laurent Joffrin, patron du journal.
Alain Finkielkraut reproche à L'Obs d'avoir fait trois mois auparavant une couverture sur Charlie, "Continuons le combat". "Je veux bien que l'ancien journal des idées devienne un magazine de mode mais pousser l'irresponsabilité jusque-là, cette manière de faire des scoops, c'est saisissant" a-t-il taclé. Avant d'enfoncer le clou : "Ce livre et cette interview chient sur la tête des lecteurs de L'Obs, j'espère qu'ils sauront réagir et qu'ils protesteront !".
Alain Finkielkraut n'est pas le seul à dénoncer la démarche de L'Obs. Maurice Szafran s'en étonne aussi dans colonnes de Challenges... petit frère de l'hebdo. "Mais pourquoi donc L'Obs estime-t-il inutile de prendre ses distances avec les affirmations de Todd si contradictoires avec ce que Jean Daniel et Jacques Julliard ont défendu dans Le Nouvel Observateur durant près d'un demi-siècle ?", s'interroge-t-il. "Todd pense à l'envers et à l'inverse de ces convictions-là. C'est son droit. Mais L'Obs aurait pu souligner ces contradictions avec sa propre histoire. Ses lecteurs, et nous en sommes depuis plus de quarante ans, ont au moins le droit à une explication".