Nouvelle aventure professionnelle pour Anne Sinclair. A partir du dimanche 3 septembre, la journaliste prendra les commandes d'une nouvelle chronique publiée chaque semaine dans "Le Journal du dimanche". Placée dans la rubrique "Opinions", cette dernière lui permettra de revenir de manière libre sur l'actualité de la semaine écoulée. puremedias.com a rencontré la co-fondatrice de la version française du "Huffington Post" qui garde un oeil toujours aussi aiguisé sur l'actualité politique française.
puremedias.com : Que promettez-vous aux lecteurs du JDD avec cette nouvelle rubrique ?
Anne Sinclair : Je ne promets rien, c'est plus prudent (rires). J'ai envie - c'est ce que m'a proposé le directeur de la rédaction du JDD, Hervé Gattegno - d'évoquer avec ma plume, ma sensibilité, ce que j'ai retenu de la semaine. Il y aura un peu d'actualité politique, internationale, culturelle, un peu de mes rencontres, de mes ressentis, de mes indignations aussi. Ce sera une sorte de prolongement de mon livre "Chronique d'une France blessée". Cela sera très personnel et sûrement pas exhaustif, d'autant que je n'ai que 4.500 signes chaque semaine. Je pourrai traiter de ce que je veux. Le JDD m'offre une liberté totale.
Pourquoi le JDD ?
Parce qu'ils me l'ont proposé tout d'abord. Et puis, parce que je trouve que le journal s'est beaucoup musclé ces derniers mois. Je le trouve vraiment bon. Il est grand public et permet à la fois d'avoir un regard distancié sur la semaine écoulée. Cela me convient très bien.
Continuerez-vous malgré tout d'écrire pour le "Huffington Post" ?
J'ai pris un peu de champ avec le "Huffington Post" en n'en assumant plus la direction éditoriale. Elle est désormais assurée par le co-fondateur de la version française du site, Paul Ackermann. Il a tout cela parfaitement en main et en a fait quelque chose de brillant. Les équipes du "Huff" sont grandes désormais et ont beaucoup moins besoin de moi, même si je les aime tendrement. Ce site est un peu mon bébé et je reste malgré tout auprès de lui. Je continuerai d'écrire dans le "Huff" à chaque fois que j'en ai envie. C'est ce que j'ai dit au JDD, qui l'a très bien compris.
Continuerez-vous d'animer "Fauteuils d'orchestre" sur France 3 cette saison ?
Oui. J'ai fait une première émission avec Ruggero Raimondi, une deuxième avec Renaud Capuçon, et on refera une émission à la fin de cette année. Il est encore un peu trop tôt pour donner davantage de détails. Vous voyez, je fais une émission tous les huit ou dix mois, je n'encombre pas les canaux (rires). Plus sérieusement, j'aime les choses nouvelles et j'adore la musique classique et l'opéra depuis que je suis enfant. Je suis très heureuse que France 3 m'ait offert la chance de pouvoir en parler à une heure de grande écoute.
"On m'a proposé des émissions politiques pendant la campagne"
Vous a-t-on proposé d'animer des émissions politiques pendant la campagne présidentielle ?
Oui, on me l'a proposé. Les gens vous envisagent toujours dans le même domaine... Je suis allée faire quelques commentaires politiques durant cette période, d'autant que cela coïncidait avec la sortie de mon dernier livre. Mais je ne veux pas être la commentatrice de service de l'actualité politique ! J'ai envie de bouger, de changer, de faire des choses différentes.
Que pensez-vous de cette nouvelle tendance des politiques à devenir des éditorialistes pour la télévision et la radio ? Est-ce que cela ne met pas de l'eau au moulin de ceux qui dénoncent la collusion entre les médias et la politique, l'existence d'un "système politico-médiatique" ?
Il faut avouer que c'est troublant de voir des politiques faire du commentaire. Les frontières dans ces métiers de la parole publique ont du bon. Quand elles deviennent floues, on ne sait plus qui parle et au nom de quoi. Rien n'interdit ce passage, de même que depuis toujours des journalistes se sentent à un moment donné plus à l'aise dans l'action politique que dans le commentaire. Il faut savoir que dans ce cas, c'est souvent très dur de faire le chemin inverse.
Comment avez-vous trouvé le traitement médiatique de la dernière campagne présidentielle ?
D'un point de vue médiatique, cette campagne a été très intéressante, ne serait-ce que par les surprises qu'elle a réservées aux électeurs. On a vu monter de nouvelles figures et les débats ont été plutôt passionnants.
"J'ai trouvé très flatteur qu'on me propose le ministère de la Culture"
Cette multiplication des débats à la télévision est-elle saine ou excessive ?
Non, c'est sain. Il ne faut pas, en période plus tranquille, en abuser car cela lasse les gens. Mais là, on a vu un intérêt formidable ! La campagne s'est ainsi beaucoup jouée à la télévision, ce qu'on n'avait pas forcément prévu au départ. Les débats ont été essentiels, des primaires jusqu'à celui de l'entre-deux-tours marqué par l'effondrement de Marine Le Pen. Il y a eu une sorte de renouveau d'intérêt pour le débat public en France. Il s'envole d'ailleurs aussi vite qu'il est venu (rires).
Le nouvel exécutif vous a-t-il proposé d'être ministre de la Culture comme l'avait fait le précédent ?
Non (rires). On me l'a proposé une fois, j'ai refusé. J'ai trouvé très flatteur qu'on me le propose, et normal que je refuse, mais il ne faut pas confondre les genres. Moi, je suis journaliste, je ne suis pas encartée. J'aurais du mal à défendre une politique unique. Je suis davantage observatrice qu'actrice.
Comment analysez-vous la communication très verrouillée d'Emmanuel Macron depuis son élection ?
Il voit que la parole rare ne permet pas d'expliquer sa politique et l'éloigne des Français. Il va donc sans doute essayer d'être plus présent, de revenir à une pratique plus traditionnelle. Le problème est de trouver la bonne distance entre la nouveauté et l'habitude. Barack Obama avait su trouver cela. Il était très fort en images, en symboles, dans le maniement du verbe. Et en même temps, il se soumettait à des conférences de presse tous les mois, très rudes d'ailleurs ! Plus généralement, je trouve que le problème est qu'on parle beaucoup de communication et pas assez de fond. La com' et le commentaire sur les commentaires, ça va ! Voyons un peu ce qu'il se passe sur le fond. Il y a des problèmes sociaux, d'éducation, de politique européenne, les Etats-Unis de Trump, le Venezuela, etc... autrement plus importants que la communication autour d'Emmanuel Macron ou l'arrivée de Neymar au PSG dont on aura parlé tout l'été. Il faut revenir un peu à l'essentiel je pense.
"Je ne suis pas une 'bouffeuse de micro'"
Justement, est-ce que cette chronique dans le JDD sera pour vous l'occasion de rappeler ce qui est important ?
A l'occasion, mais je ne suis pas non plus une donneuse de leçons ! Chacun écrit avec sa plume, sa sensibilité. Personnellement, je préfère davantage manier l'ironie et la dérision. Mais je ne m'interdis pas de commenter tout ce qu'il se passe.
Allez-vous refaire de la radio cette saison ?
Cette saison, non. Les dirigeants d'Europe 1 m'ont très cordialement proposé de revenir à l'antenne mais j'ai préféré m'abstenir pour l'instant. Je ne suis pas à la recherche de créneaux médiatiques, et certainement pas une "bouffeuse de micro". Je ne suis pas en demande, j'aime bien prendre le temps des décisions.