La défense du service public. Dans une tribune publiée aujourd'hui dans les colonnes du "Monde", Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture sous la présidence de François Hollande, alerte sur "la menace directe contre la liberté d'informer" en ce début de campagne électorale. La femme politique évoque notamment la scène de la semaine dernière d'Eric Zemmour, jouant à pointer une arme non-chargée sur des journalistes.
"Les attaques contre les journalistes se multiplient. La scène du fusil pointé sur eux par Eric Zemmour est évidemment autant un programme qu'une provocation. Cette mise en scène vise à banaliser le recours aux armes dans le débat public", commence Aurélie Filippetti. Et de poursuivre : "Ce n'est pas, nous dit-on, du 'premier degré'. Bien, prenons-le donc au second degré : il s'agit donc de faire mine de cibler les journalistes, ce qui est l'exacte définition de les menacer. Pourquoi chacun y a-t-il lu une menace fort peu imagée ? Parce que la pression sur la presse est actuellement constante".
L'ex-ministre de la Culture réfute par ailleurs dans son texte toute "pression imaginaire" d'une "prétendue gauche des médias", "qui déverserait sa propagande soviétique dans le service public transformé en 'Pravda'". Elle cite ensuite la Une "indigne" du "Figaro Magazine" - "lui-même largement bénéficiaire des aides à la presse écrite" - vendredi dernier, titrée "France Inter, France Télévisions, à gauche toute" : "Elle est au fond un procédé rhétorique bien connu pour accuser les autres de ce dont on est soi-même coupable. C'est-à-dire le refus du pluralisme".
"Le rôle du service public audiovisuel, ce n'est pas de prétendre à une supposée neutralité de chacun de ses intervenants, c'est donner un espace de libre expression à chacun avec sa sensibilité et la déontologie", souligne Aurélie Filippetti, estimant que le journaliste, le chroniqueur et le comique sont réunis "dans une ligne éditoriale qui n'impose pas une idéologie comme unique vision du monde", "mais qui donne à penser", "qui permet à chacun, auditeur ou téléspectateur, de réfléchir, de percevoir les différences" et "de dégager sa propre opinion à partir de ce qui lui aura été librement proposé".
Pour l'ancienne socialiste, "s'en prendre à des journalistes" ne relève pas de la "critique" de "leur corporatisme" ou d'une "énième variation démagogique contre les 'élites'" : "C'est bien s'en prendre à ce qu'ils pourraient dire contre celui qui les tient en joue. C'est tout simplement leur intimer l'ordre de se taire face à la violence qui vient". "Le moment est grave. Le débat public en France aujourd'hui fait honte à notre pays et à tous ceux qui se sont sacrifiés pour sa liberté", indique l'ancienne membre du gouvernement de Manuel Valls. Et de mettre en garde : "C'est le retour de la terreur et de la violence, de l'injure publique et du piétinement des libertés, des mensonges historiques et des manipulations algorithmiques". "Il est urgent de réagir. Pour éviter qu'à l'effondrement du débat public ne succède la catastrophe", conclut-elle.