Aurélie Filippetti veut réformer la chronologie des médias. La ministre de la Culture souhaite ainsi raccourcir le délai existant entre la sortie au cinéma d'un film et sa mise à disposition sur les services de vidéos à la demande (VOD), comme elle l'a expliqué dans une interview au Figaro (article payant). "L'objectif général est qu'après la salle, le public puisse accéder plus rapidement et légalement aux oeuvres. Je propose donc d'avancer de deux mois la disponibilité des films à la télévision et, pour la vidéo à la demande par abonnement, de ramener le délai après la sortie en salle à 24 mois, contre 36 actuellement" a-t-elle expliqué.
La ministre de la Culture s'est toutefois empressée de préciser que cet aménagement ne devrait concerner que "les services qui participent au financement et à l'exposition des oeuvres françaises et européennes". Un clin d'oeil à peine dissimulé à Netflix, dont l'arrivée en France est attendue pour l'automne. Rappelons que l'entreprise américaine compte se lancer sur le marché français depuis un pays étranger afin de ne pas avoir à respecter les nombreuses obligations, notamment en matière de financement de la création, auxquelles sont soumis les acteurs français. "Depuis 2009, les pratiques et l'environnement concurrentiel ont considérablement évolué. Il est temps d'en tenir compte et de donner un nouvel élan à nos industries culturelles" a ainsi annoncé Aurélie Filippetti.
Alors que l'arrivée de la plate-forme vidéo américaine inquiète de nombreux acteurs français, le ministère de la Culture tente ainsi depuis plusieurs mois d'inventer de nouveaux dispositifs réglementaires pour favoriser les opérateurs hexagonaux. Aurélie Filippetti a ainsi indiqué être engagée "dans une stratégie de souveraineté culturelle et numérique de la France".
"L'objectif est de valoriser le 'made in France' culturel. Il faut promouvoir et développer l'excellence des acteurs hexagonaux dans le domaine de la vidéo à la demande. Il faut faciliter l'accès des internautes aux offres légales en travaillant sur leur visibilité et leur disponibilité. Dès la rentrée, je lancerai un appel à propositions pour un dispositif de référencement des sites de vidéos qui contribuent au soutien et à l'exposition de la création française et européenne" a annoncé la ministre, qui prévoit aussi de favoriser "toutes les coopérations possibles entre les opérateurs français de vidéos à la demande et de télévision". Aurélie Filippetti s'est aussi félicitée au passage que son principe d'un soutien automatique par le CNC à la VOD et SVOD ait été accepté récemment par les institutions européennes.
Autant de mesures qui ne déplairont sans doute pas à Canal+, qui prépare depuis plusieurs mois la bataille avec Netflix. Le groupe de Bertrand Méheut mise ainsi beaucoup sur sa propre plate-forme de VOD, Canalplay pour amortir le choc mais tente aussi, en parallèle, de mettre en avant dans le débat public de nouveaux dispositifs de protection des acteurs hexagonaux. Son directeur général, Rodolphe Belmer, a ainsi plaidé récemment par exemple pour une remise en question du principe de neutralité du net afin de protéger les acteurs français.
Une idée que semble partager le président du CSA, Olivier Schrameck, qui a affirmé récemment vouloir "en finir avec la conception absolutiste de la neutralité du Net". Avec les mesures de patriotisme économique qu'elle veut promouvoir, Aurélie Filippetti semble sur la même longueur d'ondes.