Difficile de faire la part entre la réalité et la fiction. Sortie le 18 octobre sur Prime Video, la série "Culte" plonge les spectateurs dans les coulisses et les secrets de fabrication de "Loft Story". Parmi les personnages, une version revisitée de la célèbre productrice Alexia Laroche-Joubert, s’appelle Isabelle de Rochechouart dans la fiction. De son côté, Angela Lorente, présentée comme la papesse de la téléréalité en France, est représentée sous les traits d’une certaine Elena Valente.
"Honnêtement, elle est bien faite, efficace", admet-elle à propos de la série dans une interview accordée au "Parisien". "C’est une fiction sur le pouvoir dans le monde de la télévision. Mais ce n’est pas la réalité, c’est une vision partielle, ce n’est pas ce que j’ai vécu. Isabelle de Rochechouart, ce n’est pas Alexia Laroche-Joubert, et Elena Valente, ce n’est pas moi, même si elle est drôle", précise-t-elle. Retour en 2001 : Angela Lorente, déjà journaliste chevronnée, est recrutée pour intégrer l'équipe de production de la toute première téléréalité française de grande ampleur. "À l’époque, j’avais dix-huit ans de carrière en tant que journaliste, réalisatrice de reportages, de documentaires. Pour ‘Vie privée, vie publique’, l’émission de Mireille Dumas, je suis allée en Espagne pour en faire un sur ‘Big Brother’. J’ai eu un coup de foudre professionnel."
Grâce à une recommandation de Marie Genest, alors collaboratrice chez Endemol, elle rejoint le projet de "Loft Story" pour travailler aux côtés d’Alexia Laroche-Joubert, en tant que rédactrice en chef. "On travaillait main dans la main. On n'était pas toujours d'accord, on était le yin et le yang, mais ça a fonctionné grave !". Si elle a souvent été présentée comme la casteuse des "lofteurs", Angela Lorente le précise : "J’étais rédactrice en chef, pas responsable de casting comme on l’a dit souvent ou comme c’est suggéré dans la série. Après des repérages en Espagne, j’ai notamment ramené l’idée de recruter des scénaristes pour le montage des émissions quotidiennes à la manière d’une fiction." Ainsi tous les jours, "six journalistes, appelés story editors, se relayaient pour regarder les lofteurs toute la journée. Ils sélectionnaient les moments importants, les trois scénaristes construisaient ensuite leur histoire. Moi je validais le final cut de la quotidienne", explique-t-elle.
"Les vrais héros de cette histoire, ce sont les lofteurs"Angela Lorente
"Loft Story", programme pionnier, doit son succès à une équipe de près de "140 personnes", rappelle Angela Lorente. "D’abord, le génie, c’est John de Mol, le créateur néerlandais de ‘Big Brother’. Au niveau du business, ce sont les producteurs, Stéphane Courbit et Arthur. Chez M6, il y avait Louis-Alexis de Gemini, qui a défendu le programme. Ensuite, ce sont Alexia et moi, à la tête de ce barnum au quotidien, et toute l’équipe des journalistes, des techniciens", assure-t-elle. "Mais les vrais héros de cette histoire, ce sont les lofteurs. Ils ont donné une partie de leur vie, ils ne l’ont pas fait pour l’argent ni la célébrité. Ils ont vécu leur vie, et nous, on en a fait un show." Des "lofteurs" auxquels elle est encore attachée aujourd’hui. "J’étais aussi un peu la boss des lofteurs. Avec mes journalistes, j’étais la seule à leur parler dans le 'Loft'. C’étaient des gamins ! Je m’inquiétais pour eux et c’est pour ça que je suis devenue comme une mère de substitution. Ils m’appelaient ‘maman’, et ils continuent quand ils me voient !". Angela Lorente regrette cependant leur prise en charge quasi inexistante après la fin de l'émission. "Les lofteurs, qui étaient le cœur du système, ont été un peu, beaucoup même, lâchés," déplore-t-elle.
Loana en particulier, s’est vite retrouvée submergée, au centre d'un tourbillon médiatique. "Quand je l’ai vue, j’ai eu un coup de foudre et je me suis dit : On ne peut pas faire sans elle", se rappelle-t-elle. La scène emblématique de la piscine, elle s’en rappelle comme si c’était hier, alors qu’elle faisait le tour du loft avec une amie. "Je vois Loana et Jean-Édouard de loin dans la piscine. Je dis au cadreur : ‘Ils sont mignons, ils se baignent.’ Et là il me répond : ‘Non, ils se baignent pas, ils baisent !’" L’équipe doit alors vite réagir : "Le temps que je refasse le tour et que j’aille en régie, évidemment, c’était passé en direct sur TPS. Là, j’appelle tout le monde dont Alexia, qui n’est jamais venue en fait. C’est vrai qu’elle a dit : ‘Il faudra changer l’eau de la piscine’, ça m’a fait beaucoup rire." La production a dû également affronter d’autres moments de crise, comme lorsque la vie privée de Loana devient publique après une publication de "France Dimanche" sur sa maternité, rapidement relayée par la presse. Une situation délicate, explique Lorente, qui souhaitait protéger la participante : "La question était de savoir si on le lui disait ou pas, à Loana. Moi, je ne voulais pas, je cherchais vraiment à la protéger." Elle finit cependant par plier face aux autres membres de l'équipe et lui annonce elle-même la nouvelle, avec l’aide d’un psychologue et d’un avocat pour l’accompagner.
Pour Angela Lorente, "Loft Story" n’a pas été qu’une aventure professionnelle ; ce projet a véritablement marqué sa carrière, lui ouvrant de nouvelles opportunités. Contrairement à la version romancée de "Culte", elle n’a pas été renvoyée. "Au contraire, j’ai été débauchée par TF1, j’ai eu un pont d’or. J’ai travaillé sur ‘Star Academy’, j’ai produit ‘L’Île de la tentation’, ‘Greg le millionnaire’, ‘Mon incroyable fiancé’… Puis j’ai arrêté la téléréalité parce que moi, ce que j’aime dans la téléréalité, c’est la réalité, et ça a disparu." Alors qu’Alexia Laroche-Joubert a évoqué dans "Le Figaro Madame" la possibilité d’un retour de "Loft Story", Angela Lorente assure qu'elle ne sera pas de la partie. "Pourquoi pas, s’il y a des gens qui ont envie de le faire, mais moi ça ne m’intéresse pas. Je ne vis pas du passé", conclut-elle. La "vraie" télé-réalité, pour elle, se trouve désormais sur les réseaux sociaux, où chacun est libre de "raconter sa vie" en direct.