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David Pujadas (P3) : "Je ne souhaite pas de poste de direction à France Télévisions"
Publié le 12 mars 2015 à 17:09
Par Prune P.
Dans la troisième partie de notre journée spéciale consacrée à David Pujadas, le journaliste de France 2 revient sur la couverture des récents attentats par les médias et sur la nomination à venir du président de France Télévisions.
David Pujadas David Pujadas© RUSSEIL Christophe/FTV
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Avant-dernière partie de notre journée spéciale avec David Pujadas. Dans cette dernière, le présentateur du 20 Heures de France 2 revient pour puremedias.com sur les sanctions prononcées par le CSA contre France 2 pour sa couverture des attentats de janvier. Une partie dans laquelle David Pujadas évoque aussi la montée actuelle de l'autocensure dans les médias mais aussi la course à la présidence de France Télévisions.

Propos recueillis par Benjamin Meffre et Benoît Daragon

Concernant les attentats de janvier, le CSA a prononcé des sanctions contre de nombreux médias dont France 2, est-ce que ça vous a mis en colère ?
Le CSA a voulu taper très fort et je pense que ça nous interroge tous sur l'exercice de notre métier. En tout cas, je pense que ça mérite débat.

Le CSA est-il allé trop loin ?
Je ne sais pas s'il est allé trop loin mais ça pose question. Quand on dit qu'il ne faut pas dire que l'assaut est donné alors qu'on voit les forces de l'ordre en action même à 150 mètres des lieux, ça pose question. L'assaut sur l'imprimerie est quasiment public. Tout le monde voit ce qui se passe. Ca me paraît difficile de ne pas en parler. En revanche, si vous êtes vous dans une position particulière, privilégiée, et que seul vous voyez une image qui peut mettre en danger des gens, là, cela se discute bien sûr.

"Je pense que chacun tâtonne, le CSA comme nous"

Le problème, c'est le timing. Ce que le CSA vous reproche comme à d'autres, c'est d'avoir dit en direct ce qui se passait à l'imprimerie alors que la prise d'otages à Vincennes était toujours en cours...
Toute la question est de savoir à partir de quand c'est une scène publique ou une scène cachée. Mais si c'est une scène publique, si tout le monde peut y assister et la relayer, ça me semble compliqué de ne pas en parler... Peut-être que le cordon de sécurité était mal fait. Peut-être aurait-on dû davantage nous éloigner du lieu à ce moment-là. C'est une question de curseur. Ca peut se discuter au cas par cas.

Le CSA est un peu déconnecté de la réalité du terrain selon vous ?
Je pense que chacun tâtonne. Le CSA comme nous. C'était un évènement d'une ampleur inédite avec deux prises d'otages simultanées.

Quelle différence faites-vous entre France 2 en mode breaking news et BFMTV dans ces circonstances dramatiques ?
Dans la mission, il n'y a pas de différence. On a la même. Après, chacun le traite avec ses tempéraments. Peut-être que les chaînes info sont plus à l'affût du scoop. C'est possible... On a peut-être plus une culture de prudence. Mais sur le terrain, on a les mêmes journalistes, les mêmes cartes de presse et le même souhait de bien faire le boulot.

La réaction des médias aux sanctions du CSA a été assez vive. Un réflexe corporatiste ?
Dieu sait que souvent on peut être corporatiste, nous les journalistes ! Mais là, en l'occurence, je pense que c'est quelque chose qui concerne tous les citoyens car cela porte sur le droit d'informer. Ce n'est pas une affaire de journalistes, ça concerne tout le monde ! Si vous ouvrez la porte à une forme de censure, vous ne savez pas où cela peut s'arrêter. On est en plein dans le débat entre la responsabilité et la liberté. Et il n'y a pas de recette magique. Mais ce n'est pas un réflexe corporatiste.

"Il y a eu un loupé au 12/13 le 7 janvier"

On a l'impression en tout cas qu'il faut un drame pour que les médias se posent ce genre de questions...
Parce que d'ordinaire, le problème ne se pose pas. Là, vous avez une double prise d'otages simultanée. Le coeur de l'affaire est là ! S'il n'y en avait eu qu'une, le problème ne se posait pas. Il est donc normal que ce cas de figure particulier crée du débat et des tâtonnements.

France 3 a été victime d'un "crash éditorial" le 7 janvier dernier. France 3 passe-t-elle après France 2 durant ce genre d'évènements ?
Je ne crois pas, honnêtement. Je ne connais pas très bien le dossier mais le drame venait de se produire quand le 12/13 a commencé. Les équipes du 13 Heures ont eu 35 minutes de réflexion en plus pour évaluer l'évènement, ça change beaucoup de choses. Je pense qu'il y a eu un loupé au 12/13 mais peut-être que le facteur humain a fait qu'il était difficile de savoir l'ampleur de l'attentat à ce moment-là.

Vous faites beaucoup de breaking news quand l'actualité le demande. Est-ce que c'est le bazar dans la rédac ou les choses sont assez organisées ?
Il y a quand même une culture du breaking news à France 2. Evidemment, elle est moins forte que sur une chaîne info mais elle existe et on sait s'organiser rapidement. Quand on est en breaking news, ce n'est pas le même fonctionnement que d'habitude. On entend des cris dans les couloirs, et on voit des gens courir avec des papiers dans les mains mais ce n'est pas l'anarchie.

Les médias sont souvent accusés de faire monter les tensions communautaires ces derniers mois. Est-ce qu'inviter Michel Houellebecq au 20 Heures comme vous l'avez fait le 6 janvier y contribue selon vous ?
Attention, ne regardons pas Houellebecq avec des yeux "post-attentats". Je l'ai reçu avant ces évènements dramatiques... Sinon, non. Je ne pense pas du tout. C'est le plus grand écrivain français dans le monde aujourd'hui, le plus lu et le plus vendu. Un roman de Houellebecq, c'est toujours un évènement. On l'avait invité la dernière fois en direct. On l'avait réinvité quand il avait eu le prix Goncourt un mois plus tard. Quel que soit le sujet de son bouquin, on l'aurait invité de toute façon. Moi je trouvais passionnant d'avoir ses explications sur ce roman-là. Là aussi, on est dans un entre-deux. Mais il ne faut pas que, au nom du "Attention, tout ce qui risque de...", on ne puisse rien dire ni inviter des voix importantes même si elles peuvent être controversées.

"On peut appeler ça de l'autocensure ou du tact"

Sentez-vous monter l'autocensure ?
Elle est évidente. Quand on a fait le "Des paroles et des actes" du 22 janvier sur les attentats, le vivre-ensemble et la liberté d'expression, on s'est penché sur le rire aujourd'hui autour des communautés. On s'est dit qu'on allait faire un saut en arrière de 25 ans et voir comment cela se passait à cette époque. On a retrouvé le sketch de Pierre Desproges sur Auschwitz pour montrer comment on pouvait rire à l'époque. Mais même ce sketch, on s'est dit que c'était impossible de le repasser aujourd'hui tellement il semblait inaudible. Et nous, on n'est pourtant pas particulièrement précautionneux. Donc bien sûr, l'esprit général a changé et on est beaucoup plus prudent. On peut appeler ça de l'autocensure ou du tact. Je ne sais pas. Mais en tout cas, il n'y plus du tout la même liberté de rire ou de dire qu'avant.

Vous, personnellement, vous faites plus attention qu'avant à ce que vous dites ?
Je pense qu'on fait plus attention, oui, c'est sûr. Mais ces sujets-là étaient aussi beaucoup moins présents il y a 25 ans. Moi j'ai démarré il y a 27 ans. Je m'occupais des banlieues. C'est évident qu'à l'époque, on n'avait pas du tout la même conscience des mots, des phrases, des paroles qui pouvaient heurter les gens. Mais je vais plus loin : je faisais avant une émission qui s'appelait "Madame, Monsieur bonsoir" (diffusée sur France 5, ndlr) qui portait sur la manière dont la télévision parlait de la société avant. On a fait une émission sur le racisme et on a retrouvé un reportage des "Dossiers de l'écran" au début des années 1970 dans lequel on demandait aux gens dans la rue s'ils étaient racistes. Et certains répondaient oui tranquillement face à la caméra et expliquaient pourquoi. Impossible de diffuser ça aujourd'hui et c'est bien ! On peut le regretter pour Desproges mais c'est bien aussi qu'on ne laisse pas dire tout et n'importe quoi alors que la diversité est une réalité plus présente en France et qu'elle est parfois mal vécue.

"Rémy Pflimlin ne nous a jamais emmerdés"

Dans les mois à venir, le CSA va désigner le président pour les cinq années à venir. Est-ce que vous souhaitez prendre un poste de direction ?
Non, je ne souhaite pas prendre de poste de direction. Ce sont des métiers très différents. J'admire ceux qui ont la capacité de manager une équipe. C'est une qualité que je ne suis pas certain d'avoir.

Souhaitez-vous que Rémy Pflimlin reste pour un deuxième mandat ?
Je ne peux pas m'immiscer dans la désignation du président. Sur Rémy Pflimlin, je dis simplement que pour nous, il a été un bon président parce qu'il nous a laissé une liberté absolue. Il ne nous a jamais emmerdés. Il y a des gens qui, quand ils reçoivent des pressions, ont vite fait de les répercuter. Nous, ça n'a jamais été le cas. C'est très appréciable. J'ai pu créer "Des paroles et des actes" en toute liberté. Donc, de ce point de vue-là, je lui en suis reconnaissant. Après, le choix du PDG, c'est une affaire qui me dépasse...

Les économies imposées à l'info n'ont pas été mal perçues ?
L'époque où on pouvait ne pas faire attention est révolue et ça fait déjà un moment. Chacun comprend qu'il faut faire des choix. C'est normal.

Quelles qualités indispensables doit avoir le président de France Télévisions selon vous ?
La principale qualité, c'est d'avoir une ambition pour la télé publique. Une ambition qui ne soit pas seulement de gérer le flux quotidien en évitant les emmerdes parce que ce sont des postes à emmerdes. Mais qu'il y ait une ambition, des choix, des envies et aussi des avis. Parce que souvent vous avez des gens qui n'ont pas d'avis.

On sait que vous êtes proche de Thierry Thuillier. Avez-vous envie qu'il reste directeur de l'info de France Télévisions sous la prochaine présidence ?
Oui, j'en ai envie, bien sûr. Mais parce que son bilan parle pour lui ! C'est un très bon patron. Il n'y a pas 36 personnalités sur la place de Paris qui sont à la fois dynamiques, ambitieuses, qui ont du pif et qui aiment profondément l'info.

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