Interview
Didier Roustan : "Sur Europe 1 ou sur la chaîne L'Equipe, je suis en pilotage automatique"
Publié le 5 juin 2018 à 14:00
Par Florian Guadalupe | Journaliste
Passionné de sport, de politique et des nouveaux médias, Florian Guadalupe est journaliste pour Puremédias depuis octobre 2015. Ses goûts pour le petit écran sont très divers, de "Quelle époque" à "L'heure des pros", en passant par "C ce soir", "Koh-Lanta", "L'équipe du soir" et "La France a un incroyable talent".
A l'occasion de la Coupe du monde de football en Russie, le chroniqueur de L'Equipe et d'Europe 1 s'est confié auprès de puremedias.com.
Didier Roustan Didier Roustan© Pierre Olivier – Capa Pictures – Europe 1
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puremedias.com au rythme de Moscou. A l'occasion de la Coupe du monde de football en Russie du 14 juin au 15 juillet, les personnalités de l'univers du ballon rond se confient pendant un mois pour parler du mythique tournoi de football et de leurs actualités à la télévision ou à la radio. Ainsi, Didier Roustan, journaliste sur Europe 1, la chaîne L'Equipe et sur RoustanTV, a répondu à notre sollicitation.

Propos recueillis par Florian Guadalupe. Entretien réalisé le 22 mai.

Partie Coupe du monde

puremedias.com : Quel est votre meilleur souvenir d'une Coupe du monde ?
Didier Roustan : Il y a celle de 1982 en Espagne. Le Brésil pratiquait un football fantastique. Malheureusement, ils ne sont pas allés au bout. Mais c'était très spécial et agréable à commenter. J'ai commenté une Coupe du monde avec Cantona en 94, forcément, ça ne s'oublie pas compte tenu du personnage. La plus touchante pour moi, c'est celle de 1970. Je ne l'ai pas faite professionnellement, parce que j'avais 12 ans - même si je suis précoce, il y a des limites à tout. Je supportais le Brésil de Pelé. Avec le décalage horaire, les matchs passaient à minuit en France. J'allais encore à l'école. Mon père me réveillait à minuit pour aller voir les matchs. Il y a un soir où j'étais très fatigué. C'était le Brésil contre la Tchécoslovaquie. Dix minutes après le début du match, Petras a ouvert le score pour la Tchécoslovaquie. Mon père est venu me réveiller. Mon sang n'a fait qu'un tour. Je me suis levé tout de suite !

"La France pourrait aller jusqu'au bout si toutes les planètes sont alignées" Didier Roustan

Quel est le plus mauvais souvenir ?
La Coupe du monde à Séville en 82 n'est pas mon plus mauvais souvenir, malgré la triste défaite de la France face à l'Allemagne. Pour TF1, je commentais avec Henri Michel l'autre demi-finale entre l'Italie et la Pologne. On avait vu le match des Bleus à la télé. On n'a pas ressenti la portée du truc sur le moment. La France menait 3 à 1, s'était fait remonter à 3 à 3 et avait perdu aux tirs au but. On était déçu. Mais on était à une époque où on était tellement content d'avoir fait jeu égal avec les Allemands et d'avoir fait une demi-finale, ce qui n'était pas arrivé depuis 1958. Il y avait un sentiment d'injustice. Mais après, on est sorti, on a bu des verres et on est allé se coucher. Ce n'était pas dramatique.

Quel joueur a marqué ce début de siècle ?
C'est Messi. Pour moi, il est au-dessus de Ronaldo.

Qui sera la surprise pour cette Coupe du monde en Russie ?
Peut-être la France ! Je vois trois favoris : l'Allemagne, l'Espagne et le Brésil, à des degrés différents. Je mets la France en outsider au même titre que trois ou quatre équipes. Je pense que si Deschamps arrive à associer dans l'axe Mbappé et Griezmann, on peut avoir quelque chose de pas mal. Ce sont deux joueurs qui ont tellement de qualités ! Après, une Coupe du monde, il faut un peu de chance au tirage au sort, sur le terrain, sur les blessés, sur l'arbitrage. Il y a des tas d'éléments qui peuvent entrer en jeu.

Les Bleus peuvent-ils aller jusqu'au bout ?
La France pourrait... si toutes les planètes sont alignées. Il faut un ensemble de choses. Après c'est une dynamique, ça tient à peu de chose. Je ne la mets pas en favorite.

Partie Médias
"Je ne suis qu'un stewart qui intervient de temps en temps pour servir les téléspectateurs" Didier Roustan

Comment abordez-vous cette Coupe du monde en Russie ?
Tranquillement. Comme ma énième Coupe du monde. Je vais avoir beaucoup de travail, parce que j'ai un site, RoustanTV, sur lequel je fais des interventions tous les jours. Il y a la chaîne L'Equipe et l'émission sur Europe 1. Moi qui suis assez bordélique, il faudra forcément que je l'aborde comme un sportif, c'est-à-dire en ayant une vie un petit peu réglée. Elle le sera forcément car à partir de 14h, il y a des matchs. Et jusqu'à 2h du matin, je vais bosser. Je n'aurai pas trop d'échappatoires. Je me souviens quand j'ai fait des Coupes du monde sur place, je perdais 7 à 8 kilos. Mais il y avait les voyages d'avion, l'attente dans le stade et une sorte d'engagement physique. Là, c'est quand même plus simple.

Vous êtes sur Europe 1, vous êtes sur L'Equipe, vous avez votre propre webtélé. Toujours pour parler de football. Vous n'avez pas peur de l'overdose ?
Non, parce que quand on maîtrise son sujet - c'est un peu prétentieux de dire ça -, et qu'on est passionné par son sujet, on se rend moins compte de la difficulté. Il y a des moments pénibles. Il y a des moments où je suis au bout du rouleau. Je tiens le coup parce qu'il le faut bien. Si on connaît un peu son sujet, on n'est jamais pris de court. On a toujours des idées. Ce qui me demande le plus de travail, c'est le site RoustanTV. Je fais beaucoup plus de créations. Sur Europe 1 ou sur la chaîne L'Equipe, moi, je suis en pilotage automatique. Il y a quelqu'un qui conduit l'avion. Je ne suis qu'un stewart qui intervient de temps en temps pour servir les téléspectateurs et auditeurs.

Quelle est la différence de traitement de l'information entre votre webtélé et les médias plus traditionnels ?
Je fais en sorte de parler de choses d'une manière différente que sur les autres médias. J'essaye de créer une alternative. Si je devais répéter les mêmes choses qu'on entend ou lit partout, ça n'aurait aucun intérêt pour l'internaute. Donc, il faut que j'aille chercher plus loin. C'est un bon exercice. Ca me permet de réfléchir plus et ne pas faire dans la facilité.

"Avant, Canal+ était dans l'esprit que tout était possible" Didier Roustan

Acceptez-vous le surnom de "légende" que vous donne assez souvent Thomas Thouroude ?
Il y a pire comme surnom (rires). C'est un jeu. C'est plutôt flatteur !

Vous êtes donc sur plusieurs médias. Appréciez-vous aujourd'hui ce rôle de chroniqueur en chef ?
J'ai eu beaucoup de responsabilités pour des émissions sur le football. C'était quelque chose de plus dur. On doit tout contrôler. Disons qu'aujourd'hui, ce rôle de chroniqueur me laisse une plus grande liberté. Les choses un peu plus profondes, je les exprime sur RoustanTV ou sur les réseaux sociaux.

Le 18 mai dernier, vous avez retweeté une vidéo datant de 1991. Vous animiez une émission sur Canal+. Dans un vestiaire, vous interrogiez des joueurs quelques dizaines de minutes après le match pour analyser la rencontre, avec les images à l'appui. Est-ce qu'il serait encore possible de faire aujourd'hui ce genre de format ?
Je pense que ça serait impossible. Déjà, quand je l'avais proposé à Charles Biétry à l'époque, ça lui paraissait impossible. Mais avant, Canal+ était dans l'esprit que tout était possible. Du coup, on avait un décor mobile qui ressemble un vestiaire. On avait placé une petite télé. Je faisais très vite un petit montage où on revoit les actions principales du match. On essayait de choper trois ou quatre joueurs de chaque équipe, qui ont eu un rôle important et on refait le match avec eux. Ce format avait bien marché, mais je pense qu'aujourd'hui, pour des tas de raisons, ce serait impossible. Parce qu'il y a une haine, une forme de violence... A l'époque, on parlait beaucoup plus de football, et moins des à côtés. On connaissait les joueurs, beaucoup plus que maintenant.

"Les rapports entre les joueurs et les médias sont un peu inexistants" Didier Roustan

Vous avez démarré à TF1 en 1976. Comment avez-vous vu évoluer le métier de journaliste sportif en 40 ans ?
Avant on parlait de football. On n'était pas à faire des thèmes "Est-ce que celui-ci est plus fort que l'autre ?". Après, c'est difficile de faire trois ou quatre heures de football par jour. Mais là où je suis en admiration, c'est qu'il y a des gens qui regardent ça. S'il y a un public, il faut le satisfaire. S'il est satisfait avec ça, moi, ça ne me dérange pas. Je pense que parler trois heures de football par jour, c'est étrange. Moi, je m'adapte, j'essaye de recentrer les choses d'un point de vue footballistique, émotionnel, humain. Je pense qu'on passe à côté de plein de choses.

Est-ce que la starisation des joueurs et l'ultra communication des clubs rendent plus difficile la relation entre les joueurs de football et la presse ?
Oui ! Moi, j'ai été privilégié car j'ai travaillé pour TF1 et pour d'autres grandes chaînes. En 1976, quand j'appelais un joueur et que je lui disais "Je veux faire un sujet sur toi" ou "J'aimerais t'interviewer", le gars était content et me répondait tout de suite. Il aimait répondre aux journalistes. Les joueurs étaient des gens comme vous et moi. Ils avaient un peu plus de notoriété et gagnaient plus d'argent, mais ils avaient une vie comme monsieur tout le monde. Aujourd'hui, les joueurs sont dans un autre monde. Ils sont starisés et infestés de micros, de caméras. Même si moi je téléphone à l'arrière droit de Dijon et que je demande à le voir, ça va être compliqué. Il y a peut-être une chance sur deux pour qu'il dise non. Pour eux, c'est une manière de se protéger. Il y a ceux qui se prennent pour d'autres et il y a ceux qui ne peuvent pas répondre "oui" à tout le monde. Du coup, les rapports entre les joueurs et les médias sont un peu inexistants.

"Peut-être qu'il y a eu une surprise de perdre beaucoup d'auditeurs et qu'on n'a pas forcément laissé le temps aux gens" Didier Roustan sur Europe 1

Vous êtes très présent sur les réseaux sociaux. Pourquoi cette importance pour vous d'échanger avec les internautes ?
Je trouve sur Twitter du bon et du moins bon. Déjà, il y a des tas de personnes qui suivent le football et qui ont de bonnes idées. Ce n'est pas parce qu'on est journaliste sportif qu'on est supérieur en connaissance de football. Ca nourrit mon inspiration. J'aime bien échanger dans la mesure du possible avec eux. Ne serait-ce que par politesse ! Je ne peux pas répondre à tout le monde. Mais, pour moi, c'est un moment de détente. C'est aussi un bon outil d'information. Par ailleurs, il y a toujours quelques personnes qui vont m'insulter. C'est normal quand vous êtes un petit peu connu. Mais j'estime que j'ai beaucoup de chance par rapport à d'autres. Je ne suis pas beaucoup touché. Si le gars est insultant, je le bloque et on n'en parle plus.

Vous connaissez la station Europe 1 depuis plusieurs dizaines d'années. Avec votre expérience, comment analysez-vous les difficultés de la station ?
La radio est un média plus compliqué que la télévision. A la télé, un programme peut ne pas marcher, mais l'autre marche. On peut vite rectifier le tir. Alors que là, c'est une sorte de porte-avion. Pour changer de cap, il faut du temps. D'après ce que j'ai compris ici, peut-être qu'il y a eu une surprise de perdre beaucoup d'auditeurs et qu'on n'a pas forcément laissé le temps aux gens. Il faut parfois passer par des échecs pour repartir. Ca a mis du temps à descendre. Ca mettra sans doute du temps à remonter. Je pense que c'est le système qui veut ça. Il y a aussi le positionnement. Il y a eu des erreurs de fait ici et là.

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