La star française de Twitch en interview. Le streameur Domingo*, alias Pierre-Alexis Bizot, a débuté sa quatrième saison à la tête de l'émission phare de la plateforme d'Amazon, "Popcorn". La saison dernière, il a multiplié les projets ambitieux comme "L'échappée" ou le "Popcorn Festival". Dans une série d'entretiens, accordés à puremedias.com et qui seront mis en ligne tout au long de la semaine, le créateur de contenus, passé par la station NRJ, raconte dans cette première partie son parcours, ses déceptions et ses réussites. Retour sur son éclosion sur Twitch.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Tout d'abord, comment se déroule votre rentrée sur Twitch ?
Domingo : Très bien. C'est une bonne rentrée. Elle est très chargée car c'est la 4e saison de "Popcorn". Il y a eu des petits changements, mais sans grands bouleversements. Sinon tout va très vite. Il se passe tellement de choses sur Twitch. Il y a beaucoup de créateurs qui font des projets auxquels je participe. Il y a eu le ZEvent qui a eu lieu très tôt cette année, le 10 septembre. Ca a été un carton. Un week-end génial. J'ai aussi grimpé en tandem le Mont Ventoux avec Ponce. Il y a eu le GP Explorer, l'événement de Squeezie, auquel j'ai participé avec Xari dans l'écurie Cupra Team Pax. C'est une rentrée avec plein de projets très sympas.
Vous êtes-vous fixé des objectifs cette saison ?
Je n'ai jamais trop d'objectifs. C'est un peu la force de Twitch. Je me demande : "Qu'est-ce que j'aime faire ? C'est quoi mes kifs du moment ?". Ca évolue très souvent. Il y a par exemple toujours le sport que j'adore. Là, j'ai découvert le padel. J'en ai fait au ZEvent. Je vais sûrement en faire un événement durant l'année. C'est un sport qui se développe beaucoup. On voit avec Cyril Hanouna à quel point ça devient un phénomène. Ces projets se font principalement au feeling. J'essaye de trouver des idées novatrices qui me challengent un peu plus, sans se dire : "Cette année, il faut avoir tant de viewers lors d'un live". Bien sûr qu'on se fixe des petits objectifs. J'ai des équipes et c'est aussi pour les motiver. Mais je ne veux pas être dans l'obligation, par exemple, d'avoir un million d'abonnés sur la chaîne de "Popcorn". Ce n'est pas notre mentalité.
"Je suis un enfant de 'Call of Duty' !"
Parlons un peu de votre parcours. Comment vous-êtes vous mis sur Twitch ?
Je vais le faire dans une courte version, mais qui récapitule tout. Alors... Je suis né en 1994. J'ai un parcours plutôt classique bien que j'ai sauté deux classes. J'ai toujours adoré les jeux vidéo, que ce soit sur console ou PC. J'ai aussi eu envie de me tester aux autres. Ca m'a toujours plu. J'adore le mode multi-joueur. J'ai par exemple beaucoup joué à "Call of Duty"... Je suis un enfant de "Call of Duty" ! Petit à petit, j'ai vu qu'il y avait des tournois en ligne. J'ai rejoint une équipe. J'ai fait des compétitions en LAN (en réseau local, ndlr) que j'ai gagnées. Nous sommes en 2009-2010. En parallèle, j'ai passé le baccalauréat et je l'ai à 16 ans. Je me suis demandé : "Qu'est-ce que je vais faire de ma vie ?". Il y avait rien qui m'animait spécialement dans la vie. Je voulais faire une école de commerce, mais à 16 ans, je me suis dit que je n'aurais pas eu de potes. C'est pour cette raison que j'ai pris une année sabbatique et que je suis parti à l'étranger afin d'apprendre l'anglais.
Et ça vous a éloigné des jeux vidéo ?
Non, au contraire. Pendant cette année-là, j'ai continué à jouer et j'ai même gagné des compétitions. En fait, à cette période, je ne pense qu'aux jeux vidéo. J'ai essayé d'arrêter et de m'orienter vers une école de commerce. J'ai fais deux ans d'école, mais je n'étais pas excellent. A côté, je me suis relancé aux jeux sur PC. J'ai découvert "League of Legends" ("LoL") en 2011 ou 2012. J'y ai pas mal joué.
C'est avec ce jeu que vous vous êtes fait connaître du grand public des gameurs.
Oui, tout à fait. J'ai découvert ce que les streameurs faisaient et j'ai trouvé ça trop cool. J'ai voulu essayer par moi-même. Au début, j'étais dans mon lit devant à peine cinq viewers, avec un ordinateur qui rame. Mais j'ai adoré partager ce moment. En parallèle, on m'a contacté pour commenter des lives de "Call of Duty". Tous mes potes avaient continué dans ce jeu et à un très haut niveau. Ca m'a donné un peu plus de visibilité. Lors de ma troisième année d'école de commerce, en 2014, j'ai réussi à négocier un stage au sein d'Eclypsia (web-télé dédiée au e-sport, ndlr). Ca a été le gros début de mon aventure dans le streaming. A l'époque, Eclypsia était le vivier de talents : Zerator, Skyyart, Jiraya... Tous les gros de l'époque. J'ai découvert ce monde-là. Voilà comment je suis arrivé dans le streaming et l'e-sport.
"NRJ m'a fait prendre conscience de ce que j'aimais"
A partir de là, votre carrière sur Twitch commence à décoller.
Oui ! A partir de cette époque, je joue beaucoup à "LoL"... En fait, je ne joue quasiment qu'à ça. (rires) Je commente les "Worlds" (championnats du monde de 'League of Legends', ndlr) à Paris. Je suis le streameur le plus populaire sur "LoL". Mais, j'ai commencé à avoir une petite lassitude. J'ai atteint un très bon niveau qui me permettait d'être dans le top "0,1%". Si tu veux être excellent, tu dois atteindre le "0,001%". Ca demandait trop de sacrifices. Au bout de 7 ans de "LoL" intense, j'en ai eu marre en 2018 et j'ai laissé tomber "LoL". J'ai commencé de nouvelles choses qui me faisaient envie. Je n'avais pas envie de me forcer à streamer. Ce serait devenu une pente descendante. Les gens l'auraient senti et je les aurais perdus.
Vous avez eu cette parenthèse avec NRJ en 2017.
Oui, mais NRJ, ça m'a fait prendre conscience de ce que j'aimais. J'avais essayé plein de choses, de la télévision (beIN Sports en 2016, ndlr) à la radio. En 2018, j'ai pris un nouveau virage en apportant pas mal de contenus sportifs. J'ai compris que Twitch, ce n'était pas que du jeu vidéo. C'est aussi une plateforme qui permet de partager des passions. Ca a été bien accueilli. J'ai continué là-dedans en proposant par la suite des émissions de cuisine comme "Toque Chef". Puis, en 2019, on a lancé "Popcorn" avec un format talk très cool. Je pense qu'une partie des gens sur Twitch ne se retrouvait pas forcément dans les formats diffusés à la télévision.
"Si je suis Cauet en moins bien, à quoi bon..."
Votre passage sur NRJ ne vous a pas plu ?
En fait, j'ai eu un petit ras-le-bol. (silence) C'était génial, NRJ. Morgan Serrano, qui dirige NRJ et qui m'a contacté, est un énorme gameur. Il a été visionnaire de se dire : "En fait, les animateurs radios, c'est comme des streameurs. Ca parle. Ca sait tenir une antenne". Cette expérience a été énorme et je ne veux vraiment pas cracher dessus. Mais une fois que tu te retrouves là-dedans... Sur quatre heures d'émission, de 20h à minuit le dimanche soir, tu as 2h15 de discussion pour 1h45 de musique et pub. C'est dur quand tu es habitué à Twitch. Sur la plateforme, tu as davantage le temps. C'est une des grosses différences entre la radio et Twitch. A un moment, nous étions très comparés avec les autres médias. Certains disaient : "Ouais, c'est de la télé sur internet. C'est quoi cette merde ?".
Aujourd'hui, la vision des autres médias sur Twitch a quand même évolué, non ?
Oui, oui. Je suis content que ça ait évolué. Aujourd'hui, sur la plateforme, tu peux avoir un cadre de qualité, avec une bonne réalisation audiovisuelle, tout en ayant un ton dans la détente. Ce n'est pas parce qu'on est sur un plateau que tout est différent. On ne va pas jouer un rôle. C'est la prise de conscience de tout ça qui a créé ce déclic de lancer "Popcorn". Ensuite, chaque saison nous a permis de grandir dans "Popcorn". A présent, on aborde des sujets de société et on ne s'interdit rien. On n'a juste pas envie quand on traite des sujets, de faire la même chose, mais en moins bien, que la télévision ou la radio. C'est ça notre ligne éditoriale.
Avez-vous un modèle qui vous a donné envie d'animer ?
Pas vraiment et je pense que c'est bien. Je ne veux pas faire le mec "self-made man". Mais en arrivant à la radio, je me suis rendu compte que je me suis formaté. On a tellement eu l'habitude d'entendre des animateurs radios qu'on en prend un peu leur ton. On pousse un peu la voix d'une certaine manière. Tu écoutes la radio, tu as l'impression que tout le monde se ressemble : "Allez, c'est parti ! 16h-18h, on se retrouve avec untel !". Ce truc est hyper formaté. J'en ai pris conscience. C'est pour ça que j'étais content de revenir sur Twitch. J'ai pu être moi-même. J'ai quand même un rôle d'animateur, mais sans forcer le trait et sans caricaturer. Parce que si je suis Cauet en moins bien, à quoi bon...
"Je me sens plus streameur qu'animateur"
Pourquoi le pseudo "Domingo" ? Pourquoi ne pas avoir gardé votre prénom, Pierre-Alexis ?
Pierre-Alexis, ce n'était pas ouf en pseudo. Déjà, en prénom, ce n'est pas simple. (rires) Je m'appelle Pierre-Alexis Bizot, soit "Pab". Je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours aimé le côté chantant de l'espagnol. L'un de mes premiers pseudos, c'était Pablito. Pablito92, pour tout dire. C'était cool mais limité. J'ai voulu changer de pseudo. J'étais en 4e. J'avais 11 ans. J'étais avec un pote sur "Gears of War". J'ai cherché dans un journal en espagnol qu'on avait au collège, le "Jueves". Je l'ai ouvert et j'ai vu le mot "Domingo". J'ai bien aimé. Et en fait, il n'y a pas d'histoire. C'est un peu décevant. (rires) J'ai juste bien aimé le mot et le côté espagnol.
Comment définissez-vous votre métier aujourd'hui ? Streameur ? Animateur ?
Je pense que tu ne peux pas être juste animateur sur Twitch. A beIN Sports, j'ai été animateur. Ca ressemblait à : je viens en tournage, je découvre les fiches et je parle. Je n'étais pas une coquille vide, mais ça passe par toi et ça ressort. Streameur, c'est un métier avec plus de relief. Ca veut tout et rien dire. Gotaga est un streameur. Il se bute aux jeux vidéo. Sardoche est un streameur un peu dans le même style. Mais t'as aussi un mec comme PapeSan qui ne fait que des lives IRL (dans la vraie vie, ndlr). Il se balade dans la rue et il filme. Il est aussi streameur. Streameur regroupe beaucoup de choses. Moi, je fais partie de ceux qui réalisent de gros projets et qui réunissent les gens. C'est ce qui m'anime. J'arrive à trouver le juste équilibre. Je peux me retrouver seul avec ma communauté sur un jeu et passer du temps avec elle. A côté, je peux organiser un énorme événement, avec du public et des invités. Chacun a sa notion de streameur. Mais je me sens plus streameur qu'animateur.
*collaborateur de Webedia, société éditrice de puremedias.com.