Interview
Dominique Chapatte : "'Turbo' et 'AutoMoto' peuvent très bien cohabiter malgré la fusion TF1/M6"
Publié le 26 mars 2022 à 12:00
Par Ludovic Galtier Lloret | Journaliste
Né en Isère entre le tirage de la première boule noire de l'histoire de "Motus" et la première visite de candidats à "Fort Boyard", Ludovic Galtier est journaliste à Puremédias depuis octobre 2021. Il est passionné par la politique, l'économie des médias et leur stratégie de programmation.
Le présentateur de "Turbo" fête ce dimanche les 35 ans de l'émission avec Karim Benzema.
Le générique de "Turbo" sur M6. © HOMAYOUN FIAMOR / M6
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"Bonjour et bienvenue à tous dans le 'Turbo' de M6". Samedi 7 mars 1987. M6 n'a pas une semaine. Dominique Chapatte présente en studio le premier numéro de la nouvelle émission dédiée à l'automobile, "Turbo". Trente-cinq ans plus tard, le logo de l'émission et son générique ont changé, le studio a depuis des années été abandonné au profit de plateaux extérieurs mais Dominique Chapatte, lui, est toujours au volant. Le septuagénaire présente ce dimanche 27 mars à partir de 10h50 - la case du programme a également évolué - une émission anniversaire avec Karim Benzema, passionné d'automobile lui aussi né en 1987. Avant de prendre l'antenne, le présentateur a fait un stop au stand de puremedias.com.

Propos recueillis par Ludovic Galtier

puremedias.com : À quoi faut-il s'attendre pour cette émission anniversaire ?
Dominique Chapatte : Dès 10h50, l'habituel remontage de l'émission précédente laissera sa place à une émission inédite dans laquelle des vedettes de cinéma, de la chanson et des sportifs parleront de l'émission et de moi, en toute modestie (rires). Nicolas de Tavernost (président du directoire du groupe M6, ndlr) intervient. Apparemment, il s'est gentiment lâché (rires). Je ne l'ai pas vue, c'est une découverte, une surprise. À 11h20, il y aura ensuite une émission complètement originale. Ce n'est pas dans la tradition de la maison de regarder dans le rétro, on n'a pas fait une rétro sur tous les voyages, toutes les rencontres, toutes les voitures que l'on a pu conduire au cours des 1.600 émissions. Il n'y aura pas de paillettes, pas de champagne, pas de feu d'artifice...

Mais un invité rare à la télévision...
Oui, on a cherché un invité âgé de 35 ans, qui a connu 'Turbo' dans ses jeunes années. Il regardait l'émission en famille à Bron, dans la banlieue de Lyon. C'est un passionné de voitures extrêmes, qui a les moyens de se les acheter parce que c'est une star du football, c'est l'un des plus grands avant-centre au monde, c'est Karim Benzema.

Quel programme lui avez-vous réservé ?
On a tourné l'émission au Real Madrid la semaine du 21 février. On s'est rendus sur le circuit du Jarama, ancien circuit de Formule 1 qui n'est aujourd'hui plus conforme. On lui a proposé sur place de conduire une Porsche et une McLaren, on n'arrivait plus à l'arrêter. La rencontre s'est très bien passée. Je lui ai confessé d'emblée qu'il ne fallait pas que l'on parle de football trop longtemps parce que sur ce terrain là, je serai très vite paumé. Heureusement, le journaliste fana de football, Safet Rastoder (historique de "Turbo", ndlr), sera présent à mes côtés pour compenser mes lacunes.

"Nous avons 43 émissions originales à fabriquer par an" Dominique Chapatte

Voilà 35 ans que vous êtes l'incarnation de "Turbo" sur M6. Cela vous inspire une réflexion ?
Eh oui, "Turbo" est la plus vieille émission du Paf (paysage audiovisuel français, ndlr), qui est encore à l'antenne aujourd'hui avec le même présentateur. Il n'y a pas d'équivalent toutes chaînes confondues. Je suis dinosauresque (rires).

Pour ceux qui l'ignoreraient, "Turbo" est une hebdomadaire de 50 minutes. Quel rythme de tournage vous appliquez-vous ?
Grosso modo, nous avons 43 émissions originales à fabriquer chaque année. On occupe une partie de l'été avec des émissions inédites. 50 minutes, je ne vous cache pas que c'est quelque chose. En fait, j'ai relevé le défi que m'avait lancé Thomas Valentin (vice-président du directoire du groupe M6, en charge des antennes et des contenus, ndlr). Un jour, alors je ne sais plus en quelle année, il me propose de passer 'Turbo' de 25 à 50 minutes. Comme je suis un peu Tartarin de Tarascon (personnage romanesque créé par Alphonse Daudet au XIXe siècle, ndlr), j'ai dit 'je prends'. Grosso modo, il faut à peu près trois semaines de préparation par émission.

À M6, une équipe est-elle dédiée à l'émission ?
Parfaitement. Il y a toujours eu une équipe dédiée à 'Turbo'. Et par nécessité. Il m'est arrivé d'emmener des cameramen avec moi, en tournage, qui me suppliaient d'arrêter parce qu'ils avaient peur ou envie de vomir. En voiture, tout le monde ne peut accepter les contraintes de tournage... Les gens qui travaillent avec nous sont pour la plupart des extérieurs qui ont tous une sensibilité avec l'automobile. On est au total une petite quinzaine et je peux vous dire que personne ne roupille. On s'impose un rythme très soutenu, plus encore aujourd'hui du fait quand même que la matière première se fait rare avec la crise des semi-conducteurs, avec la pandémie...

L'émission a-t-elle été affectée par la crise sanitaire ?
Il y a eu des arrêts d'usine, des productions d'auto gelées... Les constructeurs ne présentent plus de nouveaux modèles, ou moins. Qui dit moins de nouveaux modèles dit moins de présentations officielles donc c'est extrêmement contraignant. C'est difficile aujourd'hui d'arriver à avoir une marge d'avance.

"Les hôtesses à Moscou, c'est presque du porno" Dominique Chapatte

Les programmes de M6 cherchent à séduire les femmes responsables des achats de moins de 50 ans. "Turbo" n'est-elle pas aux antipodes de cet objectif ?
Vous êtes misogyne ! (rires). Il y a des femmes qui regardent 'Turbo' ne serait-ce que pour moi (rires). Non, mais c'est sûr que ce n'est pas 'Top chef'. Il est vrai que souvent, j'entends des femmes me dire 'Mon copain est planté devant 'Téléfoot', il est planté devant 'AutoMoto' et puis 'Turbo', voilà je me fais la trilogie tous les dimanches matins'. Mais des hommes me disent aussi qu'ils regardent l'émission avec leur femme parce que j'ai orienté l'émission vers les voyages. Je dis 'je' parce que c'est moi qui ai imposé ça. Pour moi, le voyage est intimement lié à l'automobile : on prend un avion, on loue une voiture, on prend un train, on loue une voiture, on part à plusieurs, on fait du covoiturage, mais il y a une voiture.

Si elle a évolué, la cible recherchée par la première de "Turbo" le 7 mars 1987 était en tout cas sans équivoque. Dans un reportage tourné au Salon de l'automobile de Genève, le journaliste faisait une analogie entre les formes des voitures et celles de femmes plantureuses filmées en gros plan. Dans le monde de l'automobile, ces stéréotypes appartiennent-ils définitivement au passé ?
Ce discours ne passe plus en télévision. Il y a d'ailleurs pas mal de choses qui ne passent plus en télévision, et en particulier dans le secteur de l'automobile. J'ai assisté à des salons à Moscou notamment, où les hôtesses... Ce n'est même plus de l'érotisme, c'est presque du porno. Les hôtesses sont très décriées de nos jours et leur présence sur les salons a été réduite à peau de chagrin. Un autre état d'esprit s'est aussi imposé face à l'automobile, c'est l'écologie et l'environnement. À 'Turbo', par exemple, on s'interdit les traversées de torrents, les traversées de rivières avec un 4x4. Ça, je sais que cela ne passe pas dans l'esprit du public. De la même façon, il y a quelques temps, on imaginait présenter une voiture électrique et une hybride de façon sporadique mais maintenant, il y en a dans toutes les émissions de 'Turbo'. La part de reportages consacrés à ces technologies-là s'amplifie de semaine en semaine. C'est dans l'obligation du temps. On sait très bien qu'en 2025-2030, il n'y aura plus une voiture thermique qui roule.

"Je ne suis pas un jusqu'au-boutiste de l'automobile" Dominique Chapatte

Vous roulez aussi en voiture à Paris ?
Je ne sais pas comment on peut parler de rouler à Paris. Ça c'est pareil, c'est une politique à laquelle je me refuse. Je ne suis pas un jusqu'au-boutiste de l'automobile. J'ai certes une culture très américaine et aux États-Unis, avoir une voiture est nécessaire. Quand on vous dit que la première boulangerie est à deux blocs, deux blocs c'est trois kilomètres, vous n'allez pas chercher le pain à trois kilomètres à pied. Mais je ne suis pas du tout pour dire que l'automobile doit perdurer, doit, osons le mot, faire chier le monde. Il faut simplement de la concertation. Je ne comprends pas l'attitude de nombreuses villes qui sont coercitives, je le dis à l'antenne d'ailleurs, je ne m'en cache pas. En fait, on vous punit, on vous chasse. Paris notamment n'appartient pas aux Parisiens : il y a des gens qui viennent travailler de l'est, de l'ouest, du sud, du nord et ils ont le droit de venir en voiture. J'ai des amis artisans à la campagne qui ne prennent plus aucun chantier à Paris, entre le stationnement improbable, son coût, la circulation, on ne s'y retrouve pas. Donc, non à la voiture à tout crin, oui à la voiture en cohésion et à la concertation.

"François Allain fait partie des pépites qui sont passées par 'Turbo'" Dominique Chapatte

Aujourd'hui, RMC Découverte consacre de nombreuses cases à l'automobile, notamment à la rénovation de voitures. Quel regard portez-vous sur cette concurrence ?
Un regard amical. D'autant plus que j'ai formé un journaliste phare de RMC Découverte, François Allain. Je m'en félicite, je le trouve très bien dans sa peau. Il est tellement bien dans sa peau que parfois je le récupère et que je fais une émission avec lui. C'est un historien de l'automobile, il fait partie des pépites qui sont passées par 'Turbo'. Il a créé quelque chose qui n'existait pas sauf aux États Unis. Il a imposé ce style et il y excelle. Son idée de brigade qui retape des bagnoles, c'est feuilletonesque.

À lire aussi : François Allain ("Vintage Mecanic") : "Je suis un peu l'Indiana Jones de l'automobile"

Dominique Chapatte le temps d'un épisode dans "Vintage Mecanic", l'émission de François Allain, c'est donc pour bientôt ?
Je sais qu'il a formulé la demande chez nous. Il m'a appelé et m'a dit que ce serait chouette que je participe à son rendez-vous. Honnêtement, je ne peux pas vous dire. Mais si cela se faisait, ça me ferait très plaisir.

À l'inverse, vous aviez eu la dent dure à l'encontre de la version française de 'Top Gear", diffusée elle aussi sur RMC Découverte. Vous l'aviez jugée "vulgaire". Vous persistez et signez ?
Je ne pense plus rien, je suis décérébré de ce côté-là. Je ne veux pas du tout entretenir quelque chose qui n'a plus lieu d'être. J'ai vu qu'à 'Top Gear', ils tenaient des propos très élogieux sur "Turbo" et "AutoMoto", que c'était super bien fait et qu'ils ne pouvaient pas rivaliser. Voilà.

"La Formule 1 m'ennuie" Dominique Chapatte

L'avenir du Paf pourrait prochainement être bouleversé avec la fusion des groupes TF1 et M6. Nicolas de Tavernost, dont vous êtes proche, est pressenti pour prendre les commandes de la future entité. Les marques "AutoMoto" et "Turbo", aujourd'hui concurrentes, pourraient-elles coexister au sein d'un même groupe ?
Il peut très bien cohabiter des magazines qui ont la même vocation mais qui ne sont pas sur le même support. S'agissant de la fusion, pourquoi ferait-elle sauter l'une des deux émissions ? Pour ce que j'en ai compris, la fusion a des intérêts financiers et pourrait permettre au groupe de se positionner sur l'achat de programmes. Si demain on veut s'intéresser à la Formule 1, c'est plus facile d'arriver en bloc, TF1-M6, que M6 seule ou TF1 seule.

Avez-vous encouragé M6 à investir dans le champ des sports mécaniques ?
On en a fait. J'ai quand même réussi à faire signer la Moto GP à Nicolas (de Tavernost). Enfin, on faisait les 500 à l'époque, ce n'était pas les GP. On diffusait les courses 500 et les 250 en direct le dimanche. Les audiences n'ont jamais suivi. On a couvert le Bol d'or maintes et maintes fois, on a retransmis les 24 Heures moto, ca ne marchait pas. Je me souviens en particulier d'une année sur les 24 Heures. Pour ne pas imposer la moto des heures durant à l'antenne, on avait tourné un 'Turbo' à Maranello chez Ferrari, que l'on diffusait dans la même tranche horaire. On s'est pris une veste mais terrible. Parce que pour les gens, on allait à Maranello mais on n'y allait pas franchement. La moto ne marche pas non plus dans 'Turbo'. On le voit sur les courbes. Bilan : les grands prix, ça ne marchait pas, l'endurance, ça ne marchait pas. Donc à un moment, Nicolas me dit 'On jette l'éponge'.

Avez-vous été sollicité pour commenter ou présenter des émissions en lien avec les sports mécaniques ?
Ça m'est arrivé d'être approché il y a quelques années, mais j'ai dit non. On m'a toujours foutu une paix royale, c'est pour ca que je suis fidèle, mon chemin est tracé, il ira à terme à M6. Puis, j'ai viré Canal+ (diffuseur actuel des sports mécaniques, ndlr) de mes abonnements, la Formule 1 m'ennuie. Je reconnais la valeur des pilotes mais il y a quatre voitures et les autres regardent. J'ai autre chose à faire le dimanche que de regarder les Grands Prix.

"Je ne serai pas à 80 piges à l'antenne" Dominique Chapatte

Vous aviez évoqué dans de précédentes interviews des envies, des projets qui n'ont pas abouti à M6 parce qu'ils vous sortaient du carcan du journaliste auto. De quels projets parliez-vous ?
Eh oui, je ne passe pas mes week-ends à démonter des carburateurs. J'ai d'autres passions, notamment pour la musique classique, le blues aussi, vu ma culture américaine. Mais qu'est ce que foutrait la musique classique sur M6 ? Si je devais faire une autre carrière après celle-ci, je repartirai volontiers à la radio, à Radio Classique.

Pensez-vous à la retraite ?
J'ai toujours dit que le jour où je m'emmerderai à faire ce que je fais, ca se verra nécessairement. Là j'arrêterai. Mais pour le moment, je ne donne pas l'impression de me faire chier. Tant que le corps, le mental et l'envie suivent, why not ! Mais je vous rassure, je ne serai pas à 80 piges à l'antenne.

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