Elle a changé de vie mais pas de métier ! Chassée au début de l'été de l'interview politique de la matinale de RTL, Elizabeth Martichoux rebondit sur LCI. Depuis lundi, elle est l'intervieweuse politique attitrée de la matinale de Pascale de La Tour du Pin sur la chaîne du canal 26. À ce titre, elle continue de cuisiner chaque matin les politiques. Ségolène Royal, Bruno Le Maire, Eric Woerth, Laurent Nunez et Gabriel Attal ont été ses premiers invités. Quelques jours après sa rentrée, puremedias.com s'est entretenu avec Elizabeth Martichoux.
Propos recueillis par Pierre Dezeraud.
puremedias.com : Vous avez un petit recul de quatre jours sur votre nouvelle vie professionnelle. Qu'est-ce que ça change de pratiquer l'interview politique sur une chaîne info ?
Elizabeth Martichoux : J'ai gagné le double de temps. Je faisais dix minutes, j'en fais désormais vingt. Pour moi, ça change énormément les choses, c'est plus confortable. Faire une interview politique en dix minutes, c'est un véritable exercice de style et c'est très souvent frustrant. Pour le journaliste comme pour les politiques. Pour eux, c'est aussi un facteur de choix d'avoir du temps pour s'exprimer. Ils ont souvent la crainte d'être perçus de manière simpliste et donc le temps est pour eux la garantie d'une parole bien comprise. Après, quand vous êtes un journaliste, politique ou non, vous exercez votre métier de la même façon.
Vous n'avez pas peur d'avoir moins d'invités de premier plan ?
C'était une question, légitime, que je me suis posée. On sait qu'il y a une grosse culture des matinales radio en France. Il y a des traditions, des habitudes et des références qui sont prises. Pour l'instant, je suis très contente de la façon dont ça se passe. En quatre jours, nous n'avons eu que des bons invités. Bien sûr, il faut pérenniser cela, il nous reste des centaines d'invités à trouver !
"Une chaîne info, ça donne du souffle à une annonce"
Pas besoin de jouer les gros bras alors ?
Je ne joue jamais les gros bras. Déjà, physiquement, je pourrais difficilement le faire (rires). C'est une question de tempérament, je ne tire aucun mérite d'avoir tel ou tel invité. Je ne suis ni dans la menace, ni dans la colère, ni dans l'échange de bons procédés. Je n'ai jamais demandé à un invité de se désengager d'un autre média. Au maximum, il m'est arrivé, sur RTL, quand j'avais un invité le matin de lui dire que ce n'était pas possible de faire un plateau à 20 heures la veille.
La chasse aux invités n'est pas compliquée par le fait que vous passez d'un auditoire de 1,6 million de personnes sur RTL à une petite assistance d'environ 150.000 personnes sur LCI ?
À la vue des invités de cette semaine, j'ai envie de dire que non. Vous minimisez une chose, les multi-diffusions de séquences sur LCI, sur LCI.fr et s'il y a une annonce, sur TF1. Après, je ne suis pas naïve. Les arbitrages des équipes des politiques se font aussi là-dessus. Après, les politiques savent très bien qu'une parole forte sera reprise, quel que soit le tuyau. Ce qui est fascinant aujourd'hui, c'est que si vous faites une déclaration sur une radio associative, si c'est une annonce forte, elle fera le tour des autres médias. Une chaîne info, c'est une chambre d'écho très puissante grâce au bandeau, à la répétition des images. Donc, c'est difficile de passer à côté. Ça donne du souffle à une annonce, plus que dans la presse ou à la radio. Quand j'étais à RTL, je ne pouvais pas le dire mais je le constatais déjà.
L'objectif ultime de ces interviews, en radio ou sur une chaîne info, ça reste d'avoir une annonce ?
Bien sûr que ça marche comme ça. Maintenant, il y a deux types d'interviews. Il y a les interviews "annonce" et les interviews "commentaires". On ne peut pas avoir des annonces tous les jours. Ce qui est agréable ici, c'est que le commentaire a moins de valeur parce qu'on est sur une chaîne où on aime et on respecte la politique. Elle est même considérée - et c'est la singularité de LCI - comme une matière noble. Alors, évidemment, une annonce, c'est bingo ! Et je vous confirme que l'objectif c'est qu'il y ait de plus en plus d'annonces sur LCI.
"La démission de Nicolas Hulot ? C'est très bien pour France Inter, ça leur a fait la saison"
Ces annonces, vous en discutez en amont avec les politiques ou c'est complètement au débotté ?
Nous sommes imprégnés du rythme. On a des calendriers en tête, on sait à peu près à quel moment des décisions vont être prises. Après, il y a des surprises. Cette semaine, je ne savais pas que Jean-Michel Blanquer allait annoncer une augmentation de salaire des professeurs. Quant aux annonces plus surprenantes, comme une démission, c'est rarissime. Il y a bien sûr le cas iconique de Nicolas Hulot. C'est tombé sur France Inter, ça leur a fait la saison. C'est très bien pour eux mais c'était complètement imprévisible. Le challenge, c'est plutôt d'avoir des annonces techniques, par exemple un projet de loi, ou politiques, comme un ralliement pendant une campagne.
Cette année sera marquée par les élections municipales. Vous allez recevoir des candidats emblématiques des grandes villes comme Paris ou Lyon. Comment on fait pour ne pas être excluant avec ce type d'interviews ? Comment on intéresse les non-Parisiens ou les non-Lyonnais par exemple à une interview dans laquelle on parle d'intérêts locaux ?
Il va y avoir des batailles emblématiques et elles seront d'intérêt national puisqu'emblématique veut dire qu'il y aura des rapports de force majeurs. Et puis, les batailles de personnalités, ça intéresse. Bien sûr, on va recevoir les acteurs de ces batailles à venir. Il pourra s'agir des grandes villes mais aussi des villes moyennes où on pourra avoir potentiellement des phénomènes qui concernent EELV ou le RN, des batailles inattendues ou encore des duels fratricides. Ce qu'il faut, c'est que les gens qui nous regardent se rendent compte de l'intérêt que cela peut avoir au-delà du niveau local. Je n'ai pas d'inquiétude sur le fait que l'on arrive à intéresser à certaines villes. Et pourquoi ferait-on plus Paris ou Lyon que les autres ?
On voit qu'il y a déjà une focalisation sur Paris...
Oui parce qu'il y a déjà un psychodrame qui est en train de se jouer. Il y a quelque chose qui se joue en ce moment à Paris. Ce n'est pas le cas dans d'autres grandes villes. Ça viendra peut-être dans les mois qui viennent.
"LCI n'a pas eu besoin de réajustement après les Gilets jaunes"
La saison ne fait que commencer. Comment se passe votre intégration à la matinale de Pascale de La Tour du Pin ?
C'est un peu compliqué à formuler parce que vous allez me dire que je fais de la langue de bois. Mais, franchement, ça ne pourrait pas se passer mieux ! Pascale est quelqu'un de solaire et de très chaleureux. Elle a autour d'elle une équipe qui est dans le même état d'esprit. Je connais Jean-Michel Aphatie depuis longtemps, je l'apprécie beaucoup. J'avais déjà eu l'occasion de travailler avec François-Xavier Pietri, je découvre Hélène Mannarino, qui est une jeune femme formidable, Christophe Beaugrand est top. Guillaume Woznica aussi. Quand à Benjamin Cruard, je le découvre. Tout cela donne une super équipe. C'est une matinale sérieuse mais il y a beaucoup d'humeur, beaucoup de sourire. C'est détendu tout en étant rigoureux, ça fait du bien !
C'est la première fois que vous travaillez pour une chaîne d'information. Quel est votre rapport à ce média ? Étiez-vous consommatrice ?
Bien sûr. J'avais déjà collaboré avec LCI sur les "Grandes Explications" de David Pujadas. Fabien Namias et Thierry Thuillier ont une ligne éditoriale très claire, ils savent ce qu'ils veulent pour cette chaîne et ont une conception du traitement de l'information qui me correspond parfaitement. Je dois aussi dire que j'ai été extrêmement bien accueillie dans cette maison qui est chaleureuse et où je trouve une forme d'enthousiasme très manifeste. C'est une maison qui est dans une dynamique. Et cette dynamique est très perceptible. Ça crée une certaine émulation, c'est très agréable.
Comme certains, attribuez-vous aux chaînes info une responsabilité particulière pendant l'épisode des Gilets jaunes ?
J'ai tendance à penser que ces chaînes ont une responsabilité, comme tout diffuseur, mais que cette responsabilité, en l'occurence, n'est pas décisive. Ce ne sont pas les chaînes info qui ont créé les Gilets jaunes. Ont-elles participé à entretenir la dynamique de mobilisation du mouvement ? Sans doute. Mais j'observe qu'il y a eu des remises en question collectives dans la profession. Il me semble que dans ce procès qui a été fait, BFMTV a été en première ligne. D'ailleurs, elle a tiré les conséquences puisque cette année, elle affiche des émissions de décryptage et de réflexion au-delà de l'info brute. LCI n'a pas eu besoin de ce réajustement. Ici, je n'ai pas l'impression d'entrer dans une espèce de broyeuse de l'information sans la moindre réflexion. L'identité de cette chaîne, c'est quand même l'explication, le décryptage, le débat. Je pense que c'est ce qui a préservé LCI d'un certain nombre de dérives.
En dehors de l'interview politique, quelles sont vos autres activités sur LCI ?
Je suis dans l'émission de David Pujadas deux fois par semaine. J'ai beaucoup de respect pour David Pujadas. C'est un grand bateleur de l'actualité et je pense qu'il peut être fier de son émission, qui est vraiment remarquable. Je suis présente à la fin dans le "parti-pris" des éditorialistes. Ce n'est pas un bistrot, ça se travaille ! J'y retrouve notamment François Lenglet, que je connais bien pour l'avoir côtoyé pendant des années à RTL, et Vincent Hervouët, dont je suis une très grande fan des éditos politiques.
"Je n'ai pas tout de suite pensé à quitter RTL"
Est-ce que la radio va vous manquer ? Ce média a toujours été présent dans votre parcours.
Je me suis posé la question pendant tout l'été. C'est la première fois de ma vie que je ne fais plus de radio. J'aime profondément la radio. Mon enfance a été bercée par les pièces de théâtre à la radio. Donc, je me suis demandé, pendant tout l'été, comment j'allais gérer cette séparation. Et, finalement, la bascule s'est faite très naturellement. Je me suis posée la question tout l'été et je ne me la pose plus depuis que j'ai commencé à LCI lundi. Je n'ai pas ressenti de manque parce que je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir depuis lundi. Je pense que ça veut dire que la bascule se fait. Et puis, je continue d'exercer mon métier, j'ai juste changé de média.
En juin, quand vous avez appris que RTL vous retirait l'interview politique, vous avez tout de suite pris la décision de partir ?
Non, ça ne s'est pas joué comme ça. On m'a retiré la confiance à RTL sur cet exercice de l'interview politique. Ça n'a pas empêché RTL de beaucoup insister pour que je reste. Donc, je n'ai pas tout de suite pensé à partir. Très vite, j'ai eu quelques propositions mais l'envie de venir à LCI a été la plus forte. La proposition de Thierry Thuillier et Fabien Namias était complète et en cohérence avec ce que je suis. Ce dont deux patrons solides. Je trouve ça très rassurant.
Comment cela s'est concrétisé ?
J'ai eu une chance folle, c'est que Christophe (Jakubyszyn) est parti au moment même où moi je perdais l'interview politique sur RTL. Cela s'est joué à deux jours ! C'était l'alignement des planètes. Bon, je vous rassure, je n'ai pas demandé à Christophe, que je connais bien, de partir (rires). Je l'ai appelé d'ailleurs à ce moment-là, c'est quelqu'un avec qui j'aimais beaucoup travailler sur "Le Grand Jury".
Vous avez eu le temps d'écouter l'interview politique d'Alba Ventura sur RTL ?
Je vais le faire quand ce sera possible. Pour l'instant, je n'ai pas le temps. Je suis contractuellement à LCI depuis lundi, j'ai besoin de m'installer. Mais bien sûr que je le ferai !