Fleur Pellerin se veut toujours aussi prudente sur le cas Vincent Bolloré. Dans "Society" cette semaine, la ministre de la Culture a de nouveau été interrogée sur les interventions supposées du patron de Canal+ sur la ligne éditoriale de ses chaînes.
Une nouvelle fois, Fleur Pellerin n'a pas souhaité mettre en cause le patron de Canal+. "C'est un sujet complexe car ce que prévoyait la loi, c'était des conflits d'intérêts avec des groupes qui bénéficiaient de marchés publics. C'étaient les années 1980. On est moins dans cette situation, on est ici davantage confronté à l'intervention d'un actionnaire sur la ligne éditoriale", explique-t-elle dans un premier temps.
Et d'ajouter : "C'est toujours difficile de prouver une intervention. Parfois, il peut 'juste' y avoir de l'autocensure", oubliant visiblement que Médiapart et Le Monde ont tous deux enquêté sur des interventions directes du milliardaire breton concernant des reportages ou des documentaires. Selon le site d'information d'Edwy Plenel en octobre, la direction de Canal+ aurait même assumé devant des représentants des salariés la censure d'un documentaire sur le Crédit Mutuel.
Le 29 septembre dernier, Fleur Pellerin s'était déjà montrée très prudente sur ce même sujet. "Aucune enquête n'a pour l'instant révélé s'il y avait eu une intervention directe", avait-elle assuré, oubliant une nouvelle fois les travaux de "Mediapart" ou du "Monde". "S'il s'avérait qu'il y a des interventions directes, des annonceurs, de l'actionnaire, sur une chaîne pour déprogrammer des programmes qui dérangent, il faudrait sans doute que j'évoque ce sujet avec le CSA", avait-elle conclu avec témérité ce jour-là.
Si la ministre reste prudente sur le cas Bolloré, elle tient malgré tout à annoncer plusieurs mesures pour se prémunir d'éventuelles interventions à l'avenir. Fleur Pellerin compte ainsi "généraliser la signature de chartes entre les chaînes et le CSA, comme cela existe déjà pour les chaînes d'information en continu". "Notre levier, c'est la fréquence", estime-t-elle. "Une fréquence hertzienne est une partie du domaine public donc, en échange de son occupation, on peut demander des garanties en termes de pluralisme des idées et d'indépendance des rédactions", ajoute Fleur Pellerin.
Au cas où ces chartes ne suffiraient pas à faire trembler les patrons des groupes médias, la ministre de la Culture propose aussi de "généraliser les comités d'éthique dont la composition serait validée par le CSA". Un comité que Vincent Bolloré s'est déjà engagé à mettre en place à Canal+ lors d'une récente audition devant le CSA. Dernière idée de la ministre : "créer un statut de lanceur d'alerte" dans les chaînes, comme "cela existe dans l'industrie pharmaceutique".
Fleur Pellerin conclut sur le sujet en saluant l'ambition de Vincent Bolloré pour Canal : "Il est dans une logique de grand groupe média intégré et mondial. Sur le papier, c'est la constitution d'un groupe puissant, ce n'est pas négatif, d'autant que Canal était, il n'y a pas si longtemps, une proie pour un acquéreur étranger", souligne-t-elle.