Son franc-parler ne fait pas l'unanimité. Ses analyses politiques dans "Des paroles et des actes" sur France 2 ont souvent été violemment critiquées sur les réseaux sociaux. Franz-Olivier Giesbert, par ailleurs patron de l'hebdomadaire Le Point, y répond et débriefe la campagne électorale et médiatique pour puremedias.com
A-t-on appris de nouvelles choses hier soir, sachant que François Hollande et Nicolas Sarkozy multiplient les interviews depuis des semaines ?
Oui, il y a toujours des choses qui sortent lors de ces émissions. Sur le plan européen, on a appris avec François Hollande. Sur l'économie, l'emploi et le logement, Sarkozy a aussi fait état de points importants. Dans cette période particulière, à moins de dix jours du second tour, ils sont plus dans l'observation, ça ressemble beaucoup moins aux premières émissions.
"Des paroles et des actes" a confirmé sa puissance hier, avec plus de 6 millions de téléspectateurs. Comment expliquez-vous ce succès quand d'autres émissions politiques fédèrent moins ?
C'est une émission où on ne lâche rien, une forme de journalisme un peu plus agressif auquel nous étions peu habitués en France. Le secret de la réussite, c'est une excellente entente entre nous, on aime se retrouver. Autre ingrédient du succès, David Pujadas qui a une autorité naturelle. Je me fie à son regard bienveillant car je suis assez incontrôlable. J'en ai toujours rien à foutre en règle générale et c'est l'une des rares personnes qui a de l'autorité sur moi dans cette émission. Un hochement de tête, un clignement de paupière suffit à me faire arrêter de parler. Il a ce pouvoir sage sur tout le monde.
Vos prestations sont très commentées sur Twitter, vous lisez les réactions le lendemain ?
J'aime bien provoquer les twittos ! Mais je ne les lis jamais, on me le raconte. Je n'ai jamais beaucoup donné dans le narcissisme, je ne vais pas lire pendant des heures les tweets qui ne sont pas sympa je crois. J'ai été recordman mondial des tweets pendant quarante minutes la dernière fois, c'est pas mal, on me l'a raconté, ça m'a fait rigoler. Mais ce qu'on peut dire sur Twitter et ailleurs, je n'en ai absolument rien à foutre. Je reçois même des menaces de mort, mais je m'en fous ! Ce n'est pas la première fois et cela ne sera pas la dernière.
Vous êtes un peu maso...
La dernière fois, je savais qu'en critiquant l'extrême droite, j'allais en prendre plein la tronche. Et si vous dites que Sarkozy a été bon, même si cela ne veut pas dire que je vote pour lui ou que j'approuve son bilan, les gens ne peuvent pas supporter ! Alors que je ne juge pas le fond, mais la forme. Vous avez deux univers, les tweets et les gens dans la rue qui viennent vous voir en disant qu'ils sont plutôt contents parce que j'ai dit ce qu'ils ressentaient.
Hier soir, vous avez été critiqué quand vous avez expliqué que le FN n'était plus un parti diabolique.
Je sais, je l'ai fait pour ! Il y a des choses que nous n'avons pas le droit de dire. Mais moi je ne suis pas là pour dire ce que les gens ont envie d'entendre. Je ne partage aucune des idées du FN, je ne suis pas suspect sur le sujet, je suis détesté par les types de l'extrême droite. Dire que Marine Le Pen est sur une autre logique et stratégie que le père, qu'elle est en train de faire de son parti un parti populiste ou populaire comme on en voit partout ailleurs en Europe, je sais que je vais en prendre plein la gueule mais encore une fois, je n'en ai rien à foutre ! Je suis libre et indépendant. J'ai toujours eu des problèmes avec les présidents de la république, y compris avec celui-là, mais cela ne m'empêche pas de dire qu'il a été bon.
Vous avez émis une critique hier sur les médias, et sur leur interprétation du vote FN lors du premier tour. Avec leurs Unes, Libération, Marianne ou encore L'Humanité se trompent ?
Je déteste le journalisme pavlovien, on répète toujours les mêmes trucs. La ligne est fixée par Libération, il faut répéter tout ça... Ce n'est pas mon truc ! J'ai toujours exercé mon métier comme ça et ce n'est pas prêt de s'arrêter. Marine Le Pen était la surprise de la campagne mais les médias ne l'avaient pas vue... Le problème de la presse, c'est qu'elle est très moutonnière, tout le monde dit la même chose, il ne faut surtout pas sortir des clous. Et dès que vous dites des choses un peu différentes, tout le monde vous tire dessus ! Quand j'ai dit il y a deux ans "Hollande c'est le meilleur il va gagner", les gens me regardaient comme si j'étais un malade mental. Ce n'est pas seulement la presse mais la galaxie des internautes et des twittos. Ce n'est pas ma famille, ces gens ne m'intéressent pas !
Nicolas Sarkozy a encore tapé sur les médias hier soir. Est-ce justifié ?
Oui, il en prend absolument plein la gueule mais il l'a cherché. Tout au long de son mandat, il n'a jamais cessé d'essayer de contrôler la presse. Je me permets de dire ça car il a essayé de me virer de partout ! Il paye l'importance qu'il a prêtée aux médias. Un bon président c'est quelqu'un qui laisse la presse vivre, il ne s'intéresse pas à ce qu'elle peut raconter. La presse ne se contrôle pas, ou cela finit pas exploser ! Sa stratégie à son égard se retourne contre lui, comme un boomerang.
La nature des relations qu'entretient François Hollande avec les médias et les journalistes est-elle foncièrement différente ?
C'est un peu différent car il a été longtemps méprisé par la plupart des journalistes. Alors que Nicolas Sarkozy a été adulé par une partie de la presse. François Hollande a beaucoup de recul par rapport à ça... Il sait très bien que si aujourd'hui, il a une centaine de journalistes à ses trousses, il était tout seul il y a deux ans.
Certaines accusent les journalistes d'avoir retourné leur veste, leur fascination se serait déportée de Nicolas Sarkozy en 2007 à François Hollande en 2012.
Les journalistes passent souvent du léchage au lynchage. Il y a eu une adoration, oui, un emballement. Puis un rejet très violent qui a été provoqué par Nicolas Sarkozy lui-même. Certains politiques savent bien gérer la presse. On se souvient de Jospin, du deuxième mandat de Jacques Chirac même s'il y avait aussi des conflits.
L'anti-sarkozysme, c'était le fond de commerce de plusieurs journaux ces cinq dernières années. Quel avenir pour la presse de gauche si François Hollande est élu le 6 mai prochain ?
Les journaux de gauche peuvent parfaitement vivre sous un gouvernement de gauche, les journaux de droite aussi. Cela dépend de leur ligne éditoriale ! Quand un journal commence à rouler pour un candidat puis pour un président, il connaît des difficultés. Les journaux l'ont compris aujourd'hui. Il faut défendre des convictions fortes à partir desquelles les gens se déterminent.
Si François Hollande est élu président, quel sera le titre du Point ?
"Le président", c'est un rituel. Le premier jour, on est dans le respect et pas dans la polémique. Une espèce d'état de grâce, ça dure près de trois mois dans les médias aux Etats-Unis. Mais au Point ce sera un seul numéro !