Sur l'ensemble de l'année 2015, M6 a perdu 0,2 point d'audience et est passée sous la barre des 10 points de PDA (9,9%). Mais Frédéric de Vincelles, qui dirige la chaîne depuis un an, espère renouer avec la hausse cette année et fait, pour puremedias.com, le point sur les temps forts de l'année à venir.
Propos recueillis par Benoît Daragon.
puremedias.com : "On sera durablement au-dessus de 10%" pronostiquait il y a un an Nicolas de Tavernost. Le résultat de M6 en 2015 est une déception ?
Frédéric de Vincelles : Le monde télévisuel a changé, il a été extrêmement chamboulé par la fragmentation de l'audience due au fait que 25 chaînes sont désormais disponibles gratuitement en France. La forte progression de la deuxième génération de chaîne de la TNT, et nous le savons bien avec le succès de 6ter, a accentué encore cette fragmentation. Dans cet éparpillement, il y a un risque de voir son audience baisser. Avec 0,2 point de perdu, M6 a mieux résisté que notre principal concurrent, avec une audience qui ne recule que de 2%. Au global, malgré la baisse de M6, le groupe progresse car W9 est stable mais 6ter gagne 0,4 point. La perte naturelle due à l'augmentation du nombre de chaînes est donc largement compensée. Par ailleurs, le groupe progresse sur les ménagères de moins de cinquante ans avec 21,2% de PDA au total, dont 15,4% pour M6.
Pourquoi la poussée de la deuxième génération des chaînes de la TNT (HD1, 6ter ou RMC découverte) se fait-elle au détriment des historiques et pas des chaînes de la TNT première génération (D8, W9, TMC, etc.) ?
C'est vrai que les évolutions d'audience entre les chaînes de la TNT première génération se font plutôt en vases communicants. La TNT seconde génération a réussi à capter un public qui n'avait jusqu'ici pas été conquis par la TNT. Les nouvelles chaînes ont un profil plus âgé et masculin que la première TNT. Un public qui est davantage celui des chaînes historiques, que celui des premières chaînes de la TNT, plus jeunes et plus féminines.
La part d'audience sur les ménagères, c'est devenu l'unique critère chez M6 ?
Non non, on veut rester fort sur les 4 ans et plus. En 2015, après deux années de baisse, on a stabilisé nos audiences avec une baisse extrêmement faible. 2016 sera l'année du rebond. On est très confiant.
Donc vous souhaitez repasser au-dessus des 10% ?
On pense qu'on peut repartir à la hausse et progresser, oui.
Vous allez être aidé par l'Euro de football en juin dont M6 diffusera 11 matchs...
Ce sera un élément important oui, surtout qu'on aura de nombreux matchs en prime time dont certains avec l'équipe de France. Autour de ces rencontres, on aura un dispositif antenne large et innovant.
En 2015, vous avez lancé beaucoup de nouveaux programmes et séries : "The Island", "Qui est la taupe ?", "Scorpion", "Chasseurs d'appart", "Les rois du shopping", "The Apprentice", "Tout peut arriver", "Murder", etc. Tout n'a pas fonctionné. Des regrets ?
Aucun ! M6 a toujours eu cette faculté à innover, à créer de nouveaux programmes et ça doit continuer car nos téléspectateurs attendent cela. Et même quand les nouveautés ne trouvent pas leur public, les téléspectateurs saluent le fait qu'on prenne des risques. L'innovation, c'est l'image de la chaîne. Avec la fragmentation, c'est plus dur d'imposer de nouveaux programmes. Le taux d'échec est plus fort qu'avant, et on le constate aussi à l'étranger ce qui explique qu'il y ait moins de nouveaux formats sur le marché international. Il faut donc faire des paris, avec le risque de parfois échouer.
On s'est planté parfois cette année mais on a créé de nouvelles marques sur la chaîne en access (avec "Objectif Top Chef" qui a fait une belle deuxième saison, "Chasseurs d'appart" qui est revenu très fort depuis lundi ou "Les Rois du shopping") comme en prime avec "The Island", qui a dépoussiéré le format de jeu d'aventures et qui reviendra pour une deuxième saison avec des femmes, "La taupe", dont on réfléchit à une suite, ou la série "Scorpion" qui a été une bonne surprise que, pour être honnête, on n'avait pas totalement prévue !
Et puis surtout, notre autre motif de satisfaction, c'est d'avoir réussi à relancer "Top Chef", "Incroyable Talent" et "Le meilleur Pâtissier" qui ont tous gagné des téléspectateurs en 2015 ! Idem pour "Les Reines du shopping" en fin d'année, c'est très réjouissant de pouvoir relancer ses marques phare.
Est-ce que le fait d'avoir W9, sur lequel vous pouvez basculer un programme plus faible, comme vous l'avez fait avec "Tout peut arriver", ça vous motive à prendre des risques ?
On ne se dit jamais qu'on peut se permettre de se planter... On ne lance que des choses dans lesquelles on croit. Effectivement, si d'aventure quelque chose ne marche pas sur M6 on peut le basculer sur W9. L'une des vertus du groupe, c'est de pouvoir poursuivre une diffusion sur une autre chaîne. Mais, honnêtement, chaque chaîne a une identité particulière et un ton spécifique. Donc les programmes ne sont pas interchangeables, on peut le faire occasionnellement mais ça ne peut pas être une politique générale. On l'a vu encore récemment avec "Hypnose, le grand jeu" qui marchait sur W9 mais un peu moins sur M6.
"Top chef"/"Objectif Top Chef", "Cauchemar en cuisine"/"Cauchemar chez le coiffeur"/"Que sont-ils devenus ?", "L'amour est dans le pré"/"Seconde chance" : M6 décline beaucoup ses marque phares. Ca ne va pas trop loin ?
On doit être très vigilant là-dessus. Il faut le faire avec parcimonie. "Seconde chance", on ne l'a fait que parce que c'était les 10 ans de "L'amour est dans le pré". Cette déclinaison ne reviendra pas en 2016. Par contre, avant l'été, on va faire un "Meilleur Pâtissier" avec des célébrités comme Aymeric Caron, Philippe Candeloro, Valérie Bègue, etc.
Et donc en 2016, quels seront les temps forts à part l'Euro ?
On va avoir beaucoup de nouveautés ! Dans les temps forts, on attend beaucoup de "Garde à vous", un programme dans lequel 20 jeunes font pendant un mois leur service militaire comme dans les années 60. Ce programme, qui s'inscrit dans la lignée du "Pensionnat de Chavagnes" permet de savoir si le service militaire, dont certains demandent le retour, manque à la jeunesse d'aujourd'hui. Le programme, qui sera à l'antenne au premier trimestre, est jubilatoire et profond. Et on voit les participants se révéler.
On aura aussi "Superkids", un concours de talents réservé aux enfants, adapté d'un format hollandais et produit par Shine. Faustine Bollaert et Stéphane Rotenberg animeront ensemble l'émission. Les deux animateurs iront rencontrer les enfants chez eux, dans leur famille. Ils iront à la recherche d'enfants avec un talent prodigieux, il n'y aura pas de casseroles. Cela va durer plusieurs semaines et ce sera diffusé en prime-time avant l'été.
Bientôt, on aura un documentaire évènement "Un an dans la peau d'un bébé", produit par Patrick Spica, pendant lequel on a suivi un enfant pendant les 12 premiers mois de sa vie. Je pense que ça va devenir une référence dans la vie des familles.
Autre divertissement attendu, "La famille à remonter le temps", adapté de "Electric Dreams". On va suivre une famille qui vit près de Tours qui va voir sa maison replongée dans les années 70 puis dans les années 80 puis 90. Adieu donc téléphone portable, micro-ondes, lave-vaisselle et téléviseur en couleur. On a transformé tout leur quotidien et même changé leur voiture pour leur donner une Ford Taunus ! C'est un choc pour eux et pour les téléspectateurs, c'est une façon originale de revisiter la nostalgie.
Et en séries, à part le très retour très attendu "X Files" ?
"X Files" sera l'évènement. Le retour c'est le 24/25 janvier aux Etats-Unis. Comme promis, on va tout faire pour réduire au maximum le temps de doublage et les proposer quelques semaines après leur diffusion initiale. Pour le reste, tout n'est pas encore finalisé avec les studios américains. Mais on va proposer "Limitless", la série tirée du long-métrage avec Bradley Cooper, ainsi que la saison 2 de "Scorpion".
Et la deuxième saison de "Murder" ?
Le lancement de "Murder" en première partie de soirée a très bien marché. Pour la suite, ça a été plus compliqué en deuxième partie de soirée. C'est vrai que c'est plus difficile de suivre une série feuilletonante en PS2. Mais on avait vu que dans les autres pays européens "Murder" s'était effondrée après son lancement. On réfléchit actuellement à la façon dont on va diffuser la saison 2.
Cet été, M6 a eu un discours volontaire pour faire revenir la fiction française en première partie de soirée. Avez-vous lancé des tournages ?
On fait beaucoup de fiction avec "Scènes de ménages". En prime-time, on a fait "Soda", "Chez Victoire", "Péplum" ou "L'Homme de la situation" et des spéciales de "Scènes de ménages" mais on modifie un peu notre stratégie car les séries américaines ne sont plus aussi puissantes qu'il y a dix ans. On veut faire des mini-séries événementielles, des thrillers comme des comédies. Des tournages vont débuter très prochainement, notamment une comédie avec un acteur connu dont pour l'instant je ne peux pas dire beaucoup plus.
Votre prédécesseuse a lancé beaucoup d'émissions de coaching sur M6. Vous aussi, le coaching, c'est votre dada ?
M6 s'intéresse aux gens, et ça va continuer. Avec "Chasseurs d'appart", on n'est pas loin du coaching. Mais j'ai la volonté de développer l'offre de divertissements de M6. On en a fait beaucoup dans le passé, il n'y a pas de raison pour que on n'y arrive pas de nouveau. En 2015, on a essayé "Tout peut arriver" mais on va continuer en proposant d'autres concepts. C'est très important.
Dernière question sur W9, votre ancienne chaîne, qui après avoir été distancée par D8 et TMC, semble stagner. Qu'est ce qui lui manque par rapport à ses principales rivales ?
W9 est stable sur le public de 4 ans et plus mais a progressé sur les ménagères. C'est une chaîne qui a une forte personnalité. Elle est bien positionnée. C'est une chaîne qui ne repose pas sur un seul programme, et qui est puissante en access avec les "Marseillais" ou les "Ch'tis". Pareil en prime time avec les films, la Coupe du monde de football, le documentaire sur Balavoine et ses magazines qui sont leaders dans leur segment. Ils ont de nouveaux projets. Peut-être que le fait de diffuser des clips de musique est une difficulté par rapport à ses concurrentes...