Décidément, Cédric Klapisch est toujours aussi plein de vie et de couleurs que l'année où il a réalisé L'auberge espagnole. Avec Ma part du gâteau, il montre encore une fois qu'il sait, pour commencer, s'entourer de bons acteurs et présenter des personnages réalistes et humains. Il s'en est d'ailleurs tenu à un sujet tout à fait réaliste dans un film bien rythmé où se succèdent des scènes terre-à-terre qui nous font réfléchir (façon Violence des échanges en milieu tempéré) et des scènes hilarantes. Klapisch est surtout un cinéaste de l'anti-hypocrisie : il n'hésite pas à montrer les choses telles qu'elles sont, et il a eu le courage de prendre parti, le parti de ceux qui subissent.
Son duo d'acteurs, Gilles Lellouche et Karin Viard, fonctionne à merveille. Lellouche est Steve, un vrai salaud de trader responsable du licenciement d'un nombre considérable d'ouvriers. Pas très bon père, macho, celui-ci arrive tout de même à se rendre sympathique, pour mieux faire du mal. Viard joue France (vous avez compris la métaphore ?), une ouvrière licenciée. Il faut ici se rendre compte du talent de l'actrice, dont la palette est très large : si elle peut jouer les femmes raffinées, elle endosse tout aussi bien le rôle d'une femme de 42 ans qui est au bout du rouleau mais qui veut s'en sortir.
A certains moments, de lourds clichés obscurcissent le film : Klapisch n'arrive pas à s'empêcher de refaire des scènes bien lourdes qui font fuir : Steve séduit par exemple une jeune mannequin russe, l'amène à Venise, ils font de la gondole mais une fois parvenu à ses fins, il la laisse tomber brutalement. On s'en passerait bien. France, de son côté, hurle à sa fille au téléphone quand elle ne veut pas qu'elle se fasse tatouer. Et quand ces deux-là, de façon navrante, finissent au lit...
Et puis, pour un film qui traite de problèmes sociaux, il est un peu trop beau avec ses images qui pourraient venir d'un guide de voyage. On n'est plus dans L'auberge espagnole. Passée la moitié du film, pourtant, l'intrigue verse brutalement dans le thriller avec un enlèvement d'enfant, retournement de genre un peu maladroit. On fait une comédie, ou on fait un polar ? Il faudrait savoir.
L'originalité de l'ensemble fait de Ma part du gâteau un film tout à fait dans l'esprit de son temps, qui fait réfléchir à la société et aux rapports humains : le virtuel prend le pas sur la vraie vie, et le trader riche a détruit la vraie vie d'ouvriers. Si la fin est un peu abrupte, on la regarde avec un malin plaisir coupable.