"Fini Kiev, 'Libération' écrira Kyiv". Dans un billet explicatif publié ce mardi, le quotidien a annoncé à ses lecteurs une nouvelle dénomination pour désigner la capitale actuellement assaillie par l'armée russe de Vladimir Poutine.
"La raison politique s'impose", poursuit le journal dirigé par Dov Alfon, dont la "Une" du 1er mars titrée encore "Kiev à vif" avait fait l'objet de "remarques". Kiev, en effet, "est le nom russe de la ville, Kyiv son nom ukrainien, officiellement adopté en 1995, quatre ans après l'indépendance du pays", rappelle "Le Monde". "Aujourd'hui, ces quatre lettres sont devenues le symbole de la russification de la toponymie ukrainienne, qui a contribué à diluer une langue et une culture dans le grand creuset tsariste puis soviétique", constate "Libération".
Ce changement d'orthographe intervient néanmoins tardivement dans les médias français. "La majorité de leurs homologues anglophones ont adopté depuis longtemps l'orthographe 'Kyiv'", rappelle le quotidien du soir. "Libération" explique ce retard à l'allumage par l'affrontement de deux logiques au sein des rédactions : une logique typographique et une logique de lisibilité. "Nous avons adopté, pour tous les autres toponymes ukrainiens, une transcription 'à l'ukrainienne' (Lviv et non Lvov, Kharkiv et non Kharkov), mais pour Kiev donc, cela a été moins simple. Car, pour connoté qu'il soit, le mot est celui qui s'était imposé d'évidence dans la langue française", justifie "Libération".
"Pour les villes, la question est encore plus profonde car la querelle de dénomination n'est pas qu'un choix sémantique ou une francisation, elle est aussi, le plus souvent, un choix politique", ajoute encore le quotidien fondé par Serge July et Jean-Paul Sartre en 1973. Mais "un journal est aussi là pour être aux avant-postes, jusque dans ses, modestes, choix typographiques. Nous l'avions déjà fait à 'Libération' en récusant le terme Biélorussie pour employer systématiquement Bélarus. C'est pourquoi aujourd'hui, dans les colonnes de 'Libération' et sur son site, nous changeons. Kiev est désormais Kyiv."
"En 2014, l'Ukraine a demandé officiellement aux ministères des affaires étrangères internationaux d'adopter le nom de 'Kyiv', notamment dans les aéroports", rappelle Christine Dugoin-Clément, chercheuse à l'Institut d'administration des entreprises de la Sorbonne et spécialiste de la Russie et des Balkans, dans "M Le magazine". Mais "bizarrement, l'Élysée continue de parler de 'Kiev'. C'est peut-être tout simplement un effet d'usage". Quatre ans plus tard, le gouvernement ukrainien avait lancé une campagne, avec le hashtag #KyivNoKiev, appuyant une réalité en vigueur depuis 1995 dans le pays, et reconnue en 2012 par l'ONU.