Ce week-end, la troisième édition française du Comic Con se tenait à Paris, l'occasion pour les fans de science-fiction et de fantastique de rencontrer les héros de certaines séries, de découvrir des animations ou de partager autour de leurs séries, films ou jeux préférés. Et c'est dans le cadre du Comic Con que Steven Moffat, showrunner de Doctor Who et de Sherlock, était de passage à Paris.
Le scénariste a accordé un entretien à quelques journalistes et puremedias.com était présent pour discuter avec lui de la sixième saison de la série, dont les Anglais et les Américains ont déjà découvert la moitié, mais aussi des rumeurs qui entourent la saison, de son attitude vis-à-vis des spoilers ou encore du casting de Karen Gillan et du personnage de River Song, qu'il a créé. Entretien.
Rien du tout ! (Rires) Il faut qu'ils regardent ! Je ne sais pas ce que vous voulez que je raconte, je peux peut-être leur raconter cinquante ans de Doctor Who ? Mais il faut qu'ils regardent la série, c'est le plus important ! Ce qui est sûr, c'est que la saison est chargée en mystères mais aussi en révélations. Et quelqu'un meurt dans les premières minutes de la saison - quelqu'un d'important.
Vous êtes un homme très occupé ! Vous travaillez sur Doctor Who, Sherlock, vous avez contribué au scénario de la trilogie Tintin de Steven Spielberg et Peter Jackson... Comment vous organisez-vous ?
Mal ! Je suis quelqu'un de très paresseux coincé dans le corps d'un travailleur forcené. C'est un accident de la vie en fait, tout ce temps passé à travailler. Je suis pathologiquement paresseux et j'espère pouvoir l'être à nouveau un jour ! En termes d'organisation, il n'y a pas de bonne façon de faire les choses. C'est trop de travail ! Trois Sherlock de 90 minutes et quatorze épisodes de Doctor Who par an. C'est un cauchemar mais j'aime les deux séries à tel point que je continuerai aussi longtemps que j'y arriverai. Mais ça signifie que je travaille 365 jours par an et que je travaille très, très tard. Quand je me regarde dans le miroir, je vois les effets ! (Rires) Russell T. Davies, qui a relancé la série en 2005, a une bonne expression pour ça : c'est comme se voir pourrir en direct ! (Rires) Donc voilà, il n'y a pas de solution. Une machine à remonter le temps pourrait être utile !
Il va y avoir beaucoup de réponses assez rapidement, ne vous en faites pas. Attention, je ne dis pas qu'on ne vous donnera pas d'autres questions, mais les questions qui ont déjà été posées auront une réponse assez rapidement. On ne fera pas attendre le public trop longtemps, on n'est pas Lost ! Vous aurez les réponses, et elles auront un sens.
Parlons un peu de Torchwood. Vous avez créé le capitaine Jack Harkness...
Non, Russell a créé Jack Harkness mais c'est vrai que j'ai été le premier à écrire pour le personnage. Donc j'ai ajouté des éléments à droite ou à gauche et certains sont restés.
On a déjà vu le personnage dans Doctor Who, mais est-il envisageable de voir le Docteur dans Torchwood ?
Russell est très strict à ce sujet et je suis tout à fait d'accord avec lui : le Docteur ne peut pas apparaître dans Torchwood. C'est impossible. Torchwood est une série très adulte et les enfants se sentiraient invités à la regarder si le Docteur y venait. Et on ne peut pas permettre que ça arrive. En revanche, Jack Harkness peut évidemment rendre visite à Doctor Who. Ca n'a pas eu lieu depuis quelques temps, il est assez occupé, mais oui il fait partie des personnages satellites et c'est une possibilité. Dans une certaine mesure, River Song a pris la place du personnage aventurier et un peu coquin qui rend visite au Docteur de temps en temps. Mais ce serait drôle s'ils se rencontraient ! (Rires) Le Docteur aurait envie de les frapper tous les deux !
Pas vraiment. S'il y a une limite, on passe outre. S'il y a une règle, on l'enfreint. C'est un homme dans une boîte qui peut voyager partout dans le temps et l'espace et qui vite des aventures adaptées à un public familial. Les limites sont fixées par le public et ce qu'il attend de Doctor Who. Il ne peut pas être trop sombre ou mauvais, il doit toujours s'adresser aussi aux enfants. C'est une série qu'une grand-mère doit pouvoir apprécier au même titre qu'un enfant de six ans. Mais il n'y a pas vraiment de limites.
Même tout ce qui s'est passé avant ? Les ennemis qu'il a combattus, les antécédents qui ont été fixés... Est-ce que tout ce passé a un poids sur votre écriture aujourd'hui ? Est-ce qu'il faut prendre tout ça en compte ?
Doctor Who, ce sont les aventures d'un homme qui peut changer l'histoire, c'est son métier presque. Donc je peux faire ce que je veux. L'histoire peut être réécrite, il n'arrête pas de le dire. La changer, ça fait partie de l'ADN de la série justement. Sincèrement, il n'y a pas vraiment de limites. On ne peut pas faire exactement tout ce qu'on veut, mais tant que l'histoire est bonne, on peut. Les gens sont obsédés depuis des années par le fait qu'il ne peut se régénérer que 13 fois. Et Russell disait "il peut le faire 507 fois, et hop !". (Rires) C'est arrangé en une seule phrase !
C'est assez peu probable... Je ne vais pas vous dire ce qui va se passer mais vraiment, il ne faut pas hésiter à mettre en doute la crédibilité de cette information.
Une rumeur que vous avez vous-même lancée, c'est la fin des Daleks, les ennemis jurés du Docteur, ou en tout cas une pause...
Ce n'est pas tout à fait ça. On m'a demandé si j'avais prévu de les faire revenir dans les six épisodes qui restent et j'ai dit non. Mais il faut garder deux choses en tête. De un, je ne parlais que des six prochains épisodes. Et de deux... Je mens !! Je mens tout le temps !! Et je ne prétends même pas que je dis la vérité en ce qui concerne Doctor Who et ce qui se passe dans la série. Ce serait idiot de dire la vérité ! Si vous demandez à Agatha Christie qui est le meurtrier dans un de ses romans, elle ne vous répondra pas ! Donc je mens. En vous regardant dans les yeux. Et si vous m'interviewez à nouveau et que vous êtes scandalisé et que vous me dites "Vous m'avez menti" je répondrai "Oui, bien sûr !". Je me sens horriblement coupable de mentir de la sorte. Non, ça aussi c'était un mensonge ! (Rires)
Récemment, Russell T. Davies a annoncé qu'il pourrait un jour arrêter de travailler sur Torchwood parce qu'il a peur de se lasser de sauver et de détruire l'univers sans cesse, et qu'il voudrait écrire des histoires simples sur des gens qui discutent dans leur cuisine. Ca pourrait vous arriver ?
Je ne sais pas si c'est vraiment moi. Je suis très heureux de ce que je fais actuellement, je pense que Russell aussi. Il est comme moi, il ment parfois ! C'est vrai que parfois, j'écris des apocalypses toutes les trente secondes puis j'écris des moments plus intimes, qui sont centrés sur les personnages. Mais après je m'ennuie et je fais à nouveau tout exploser ! Je pense que Russell a toujours été un poète de la vie ordinaire, dans sa façon d'écrire les personnages, les vrais gens. Il a toujours eu cette capacité incroyable qui n'est pas moi. Moi j'aime les machines à remonter le temps et les explosions. Je suis superficiel en fait !
Comme beaucoup de casting, c'est facile quand la personne est douée. Sur la vidéo de son casting, je l'ai trouvée incroyable. Mais j'ai aussi eu l'impression qu'elle était petite et grosse ! Je me suis dit "Bon, ça peut marcher". Et puis je l'ai croisée et là j'ai vu que ce n'était pas du tout le cas. Elle faisait 3m10 et elle était très mince ! Et du coup je me suis demandé si elle n'était pas trop grande ! (Rires) Mais elle a été parfaite. Elle est entrée, a lu ses dialogues à la perfection, Matt Smith était là et ils se sont choisis l'un l'autre. Elle a simplement été meilleure que tous les autres. Et puis c'est comme pour Matt, j'ai toujours dit qu'elle ne devait pas forcément être la compagne glamour, je voulais une fille pleine d'énergie et de répartie, mais qui faisait un peu girl next door. Et le voisin de Karen Gillian a énormément de chance, non ? (Rires) Heureusement, son look de mannequin n'a pas fait de mal à la série. Elle est magnifique.
Comment avez-vous eu l'idée de River Song, personnage central dans cette nouvelle saison ?
Elle apparaît dans l'épisode "Silence in the Library" pour la première fois. Le Docteur est dans cette bibliothèque où tout le monde est mort et une équipe arrive et il faut qu'il se justifie. Dans des circonstances comme celles-ci, il devrait se faire arrêter donc j'ai cherché un moyen de justifier le fait qu'il ne soit pas arrêté et qu'il ne passe pas l'épisode entier en prison. Donc j'ai eu l'idée de l'archéologue qui le connaîtrait. Mais c'était un peu gros comme coïncidence, donc j'ai eu l'idée de masquer cette coïncidence en faisant de l'archéologue un personnage qu'il ne connaissait pas encore mais qui le connaissait lui. Et puis je me suis dit "Et si j'en faisais une femme ? Une belle femme !" Donc il y a commencé à y avoir un peu de flirt alors que je n'avais pas forcément envisagé qu'il y aurait une interaction romantique. Mais c'est Alex Kingston qui est un peu coquine et espiègle, et donc le personnage l'est devenu. Et le personnage l'est de plus en plus. Et j'aime aussi la façon dont elle arrive à remettre le Docteur à sa place, il a presque peur d'elle parfois ! J'adore ce qu'elle apporte à la série.