Il est devenu un symbole. En quittant C8 pour M6, Julien Courbet n'a pas seulement été l'une des prises phare du mercato en cours, il est aussi devenu la parfaite représentation des synergies à venir entre RTL et les chaînes du groupe dirigé par Nicolas de Tavernost. Alors qu'il fera ses adieux à C8 jeudi prochain, Julien Courbet s'est confié à puremedias.com sur ses projets à venir sur M6, son bilan à C8 ou encore ses relations avec Cyril Hanouna.
Propos recueillis par Pierre Dezeraud.
puremedias.com : Une quotidienne qui fonctionne très bien, des documentaires qui cartonnent. Pourquoi quitter C8 ?
Julien Courbet : C'est vrai que tout marchait très bien. Parfois, il faut d'ailleurs savoir partir au moment où ça marche le mieux. J'étais en train de re-signer mon contrat avec RTL. C'est vrai que la radio a toujours été sous-côtée dans l'esprit des gens qui se disent : "Il va forcément choisir la télé". Dans ma vie, la radio est un pilier. Ça fait 20 ans que je suis à RTL. J'ai la chance d'animer une émission très écoutée. Il était hors de question de ne pas aller plus loin. Au moment où j'étais en renégociation, c'est là que Nicolas de Tavernost s'est rapproché de moi et m'a fait cette proposition en me disant : "Tu es sur RTL. Moi sur M6. Ce serait beaucoup plus facile de faire des vraies passerelles entre les deux". Il m'a aussi donné des exemples simples mais convaincants.
Lesquels ?
Par exemple, le matin sur RTL, je peux avoir un auditeur qui va me dire qu'il a été sur la foire de Paris et qu'il a besoin d'aide. Le dimanche d'après, vous avez un reportage de "Zone Interdite"... sur la foire de Paris. Ce serait complètement idiot de ne pas mettre nos informations en commun. Il m'a fait remarquer également que, depuis que je produis des émissions, elles auraient toutes pu être diffusées sur M6. J'ai fait énormément de coaching, les voisins... Je me dis aussi qu'il vaut mieux être dans un groupe très armé comme M6. Ce qui compte aussi, c'est que Nicolas de Tavernost m'a proposé un gros projet, dont je ne peux pas parler, sur lequel je pense que je pourrais m'éclater.
Rassurez-nous, Nicolas de Tavernost ne vous a pas mis le couteau sous la gorge ?
Je vois mal Nicolas de Tavernost me dire "Si tu ne viens pas, tu ne restes pas sur RTL" et me laisser partir sur une autre antenne. Ce serait aberrant. On fait quand même quatre fois le score de nos concurrents. C'est anecdotique mais je vois Nicolas de Tavernost au moins tous les quinze jours. Nous nous voyons aux matchs des Girondins de Bordeaux. Nous nous connaissons bien. C'est une famille, tout ça. Il y avait la radio, maintenant il y aussi la télé.
"J'ai été très flatté d'avoir été approché par Europe 1"
En parlant de quitter RTL, il y a quand même eu des contacts avec Europe 1.
Oui, je ne nie pas. J'ai été très flatté d'avoir été approché par Europe 1. Franchement, les circonstances font que je me trouve comme un poisson dans l'eau à RTL, donc je n'avais aucune raison de partir. L'arrivée de Laurent Guimier est une excellente nouvelle. C'est un homme qui va réussir à faire de belles choses là-bas. Je n'y aurais pas été pour le même horaire mais la question ne s'est pas posée. RTL, c'est ma famille. Je fête quand même mes vingt ans ici. C'est énorme. Surtout quand on pense qu'il y a dix ans, tout le monde disait que Fun Radio et NRJ allaient prendre le leadership.
La proposition de C8 ne faisait pas le poids ?
On parlait de faire d'autres soirées comme Johnny et Nordahl Lelandais. Il y avait bien sûr "C'est que de la télé" et Cyril Hanouna avait commencé à me parler d'autres projets à venir. Ce n'est pas du tout par un manque de propositions ou par des problèmes relationnels que je quitte C8. Ce qui m'arrive aujourd'hui sur M6, je le dois à C8 et à Cyril Hanouna. J'ai eu Gérald-Brice Viret au téléphone, j'ai prévenu à l'avance et tout le monde a été très fair-play. Comme me l'a dit Gérald-Brice, c'est du "gagnant-gagnant". Je leur ai apporté un certain nombre de choses et moi, ça m'a donné un vrai coup de fouet. Je leur dois beaucoup. C'est vraiment une parenthèse réussie de ma vie professionnelle.
C'est désormais officiel, c'est Valérie Bénaïm qui va vous succéder à la tête de "C'est que de la télé". C'était le meilleur choix possible ?
Ils sont sûrs de ne pas se tromper avec Valérie. Quand elle m'a remplacé, ça s'est extrêmement bien passé. Elle a eu des très bons scores, elle connaît la maison... Vous savez, une pièce rapportée qui arriverait sur cette émission, ce serait compliqué. Or, Valérie est au coeur du système. Elle est proche de Cyril, qui est le producteur. Je n'ai aucune inquiétude pour "C'est que de la télé".
"Pour l'instant, il n'y a pas de quotidienne sur M6 ou W9"
Vous produisiez beaucoup pour C8 via votre société La Concepteria. Vous allez continuer à produire pour eux ?
Oui, je pense qu'on a encore des choses à faire ensemble. Après, ce sera à eux de décider. Mais les choses se passent tellement bien. Là, on a quand même le record TNT de l'année pour le doc sur Johnny. On leur a montré notre savoir-faire, je pense que ça va les intéresser. Comme j'ai gardé d'excellents rapports, je continuerai à leur proposer des projets. À eux, comme à tout le monde. Évidemment, je les montrerai aussi à M6.
On imagine que les documentaires événementiels comme ceux que vous citez, ce sera plus pour W9 maintenant.
En effet, je vais produire des documentaires pour eux. Après, il est possible que j'arrive avec des propositions de documentaires sur des sujets qui vont ou ont déjà été traités par les sociétés de production internes de W9.
Est-ce qu'une quotidienne a été évoquée à un moment ou à un autre des négociations avec M6 ?
Pour l'instant, il n'y en a pas. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en aura jamais. Entre le début des négociations et aujourd'hui, les choses ont bougé. Dans un avenir plus ou moins lointain, il est possible que la question se pose. C'est quand même un gros risque. Et puis, là, sur M6, il y a juste Stéphane Plaza, qui est l'animateur préféré des Français. Qui pourrait se permettre de vouloir aller prendre sa place ? Quant à une quotidienne sur W9, ce n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant et je ne sais pas si cela rentre dans l'économie de la chaîne, qui a déjà beaucoup de programmes originaux.
"Animer 'Shark Tank' ? Pourquoi pas"
Le groupe M6 veut garder secret les projets sur lesquels vous allez collaborer. Mais votre nom commence déjà à circuler pour l'animation de "Shark Tank"...
C'est un concept qui est vraiment dans la lignée de ce que j'ai envie de faire. En arrivant sur le groupe M6, je vais essayer d'être homogène dans mes choix. Je ne ferai pas de jeux. Je ne regrette pas de l'avoir fait sur C8, c'est aussi ce qui m'a rendu efficace dans le genre quotidien. Ma toute première émission sur TF1, c'était "Pourquoi pas vous ?". Dans ce format, on suivait des gens qui sont partis de rien et qui sont devenus multi-millionaires. Donc, "Shark Tank", oui c'est intéressant et je pourrais postuler si M6 cherche un animateur. Je regarde d'ailleurs la version allemande. C'est vrai que quand on voit ce que fait Sophie Davant sur France 2, on se dit que ce ne serait pas idiot de le faire dans l'univers professionnel.
Est-ce que des émissions dans la veines des "Sept pêchés capitaux", qui a été relancée sur C8, pourraient voir le jour sur M6 ?
Non, je ne relancerai pas de marques sur M6. Par contre, on a vraiment des idées qui se situent dans le coaching et dans ce que je fais à la radio. Bien sûr qu'à un moment donné, il y aura des émissions dans cette veine-là. En revanche, il est hors de question de faire une adaptation de l'émission de radio dès la rentrée.
Et à long terme ?
La direction de M6 observe un peu ce qu'il se passe du côté de RMC avec les retransmissions sur BFMTV ou RMC Découverte. Après, Nicolas de Tavernost veut absolument protéger RTL. Il ne prend pas RTL comme une vache à lait. Ça pourrait avoir des conséquences sur l'audience. D'ailleurs, ça a été le cas pour RMC. Je pense que si l'émission marche trop bien à la télé, il y a risque de baisse en radio. J'imagine que ces questions sont sur la table et qu'on y arrivera à un moment donné. C'est tentant, notamment pour la gestion des coûts de grille. Bien sûr qu'à un moment, télé et radio ne feront qu'un. Je pense que, parmi les émissions de RTL, la mienne est la plus disposée. C'est quand même "Sans aucun doute" sans les caméras. Je suis d'ailleurs sûr que "Ça peut vous arriver" cartonnerait en télévision...
"C8 a été un vrai laboratoire"
Vous en avez envie ?
Franchement, je le fais si on me le demande. Mais, par exemple, si on me demandait mon avis sur la retransmission des émissions de radio sur le net, je ne suis pas favorable. Mais c'est l'avenir et mon émission sera sûrement sur le web à partir de septembre. Pour moi, la radio, c'est de l'imaginaire. Il y a une part de mystère et de magie. Par exemple, quand j'entendais Carine Galli sur RMC, sa voix m'hypnotisait. Je l'imaginais et, un jour, j'ai été voir sa tête sur le web. Il se trouve d'ailleurs qu'elle est très jolie. Mais il y avait toute cette part de mystère... Et puis, quand vous savez que vous êtes filmé, vous n'animez pas de la même façon. C'est moins spontané. Après, si c'est de la radio filmée sur un plateau de télévision, c'est différent.
Les audiences de "Ça peut vous arriver" sur RTL sont excellentes. Vous gardez la même recette en septembre ?
Chaque année, je me pose cette question de faire des changements et je me mets la rate au court-bouillon. Chaque fois que j'essaie de faire autre chose, je le paie. Donc, on reste sur les fondamentaux, ceux de régler un problème et de donner des conseils. Je ne crois pas au jeunisme. Mais ma seule angoisse, c'est de me dire comment on va maintenir un tel niveau d'audience. Je n'aurais pas parié un centime que l'on aurait aussi haut. Alors, oui, il y a eu les incidents d'Europe 1 mais Europe 1 va se redresser... Puis, j'ai trop conscience, depuis mes années TF1, qu'après le "plus haut", il y a toujours une baisse.
Jeudi prochain, vous ferez vos adieux à "C'est que de la télé" sur C8. Vous savez comment ça va se passer ?
Non, je ne veux rien organiser. Les adieux se feront à 14h car l'émission sera enregistrée. On fera en sorte d'avoir le plus de chroniqueurs possible autour de la table mais c'est tout. Quand vous partez comme ça, autant le faire sobrement. Mais ce sera émouvant. Ce que j'ai vécu à C8 a été tellement différent de tout le reste, notamment de TF1. Cette chaîne a été un vrai laboratoire. Rappelez-vous "Les 35 heures de Baba" ! On ne savait même pas où Cyril allait. C'était complètement dingue. Maintenant, ça s'estompe, la passion retombe. Mais n'oublions pas ce que cette chaîne a été. Et Cyril Hanouna a été un vrai précurseur. Il a un génie de l'improvisation. Il sent ce que ne font pas les autres et est capable de faire dix minutes sur un détail insignifiant... et ça marche ! C'est vraiment du génie.
"Cyril Hanouna ne m'a jamais demandé de dire du mal de TF1"
Il n'a pas de rancoeur de vous voir partir ?
Je lui dois beaucoup. Vous savez, avec Cyril, nous n'avons jamais dîné ensemble. Nous avons des rapports très directs. On se dit les choses. Quand il a annoncé mon départ, à la fin de l'émission, on s'est pris dans les bras. Sans se dire les mots, tout a été dit entre nous. Dans ma tête, je pensais "Merci vieux".
Si vous étiez parti à TF1, il aurait peut-être été moins chaleureux...
Peut-être. Je lui en aurais parlé si ça avait été le cas. C'est un ultra-sensible, il veut juste qu'on lui parle et qu'on lui explique les choses. Par contre, il n'aime pas découvrir les choses sans le savoir. Vous savez, je regrette une chose dans ma carrière. Quand j'ai quitté TF1 pour France 2, c'était un bon choix. Pourtant, TF1 me proposait un contrat à la Cyril Hanouna. La bêtise, c'est que je suis parti sans en parler à TF1. Ils ont eu l'annonce de mon départ dans "Le Figaro" et je comprends la vexation qu'il y a eu derrière. C'était une erreur de jeunesse. Pour revenir à votre question, je pense que si j'avais dit à Cyril "Je veux absolument faire 'Téléfoot', c'est mon rêve", il m'aurait dit de foncer.
Pourtant, TF1 est un peu le grand méchant loup sur les plateaux de Cyril Hanouna !
Croyez-moi, Cyril ne m'a jamais demandé de dire du mal de TF1. Et je n'ai jamais entendu dire dans une réunion : "Vas-y, tape sur TF1". J'ai toujours dit ce que j'avais à dire sur la chaîne.
"Mon pire souvenir sur C8 ? 'Les Rois du barbecue'"
Vous êtes restés quatre ans sur C8. Quel est votre meilleur souvenir d'animation ?
Les enregistrements du "TPMP" du vendredi que l'on mettait en boîte le jeudi soir. On enregistrait à plus de 23h parfois. Nous étions tous exténués, en sortie de deux heures de direct. On revenait de la petite pizzeria du coin, où on avait bu un peu de rosé. Je n'avais jamais autant ri de ma vie. Là, c'est vraiment l'émission qui m'a provoqué le plus de bonheur à l'animation. J'étais plié de rire, vous ne pouvez pas imaginer !
Et le pire souvenir ?
"Les rois du barbecue", bien sûr, même si j'en ris aujourd'hui. C'est dommage parce que c'est un programme qui n'aurait pas fait un malheur mais qui n'aurait pas fait un bide s'il avait été programmé autrement. Quand j'ai vendu cette émission, l'idée, c'était de la passer le 15 août, un jour où le total de téléspectateurs devant la télé est nul. Ça aurait pu faire 500.000 ou 600.000 téléspectateurs. Quand ils ont vu le produit, ils ont voulu se le garder pour une période plus exposée. Ça a été diffusé fin septembre et on a fait 200.000. Ça pique ! Si on me l'avait dit dès le départ, je ne l'aurais pas fait. Et je ne fais plus de barbecue ! (rires)