Témoignage. La magie de la télévision. Le lundi 30 janvier, Valentin Pauluzzi, journaliste sportif en Italie et correspondant pour "L'Equipe", Canal+ et Europe 1 , raconte dans un tweet comment son passage début janvier dans "L'Equipe de Greg" de Gregory Ascher lui a permis de retrouver une partie de sa famille. "Un cousin de mon père a tiqué sur mon nom de famille, a fait des recherches et l'a contacté. J'ai relancé les miennes. Ca a été fructueux. Mon papa - bientôt 90 ans - a pu voir pour la première fois le visage de sa mère", écrit-il sur Twitter. Joint par puremedias.com, le journaliste accepte de raconter comment cette intervention sur la chaîne L'Equipe lui a permis d'en savoir plus sur sa famille et ses origines.
Avant d'entrer dans les détails, Valentin Pauluzzi reste sur ses gardes, n'ayant pas "envie de faire n'importe quoi de cette histoire", mais trouve "chouette" de pouvoir la raconter : "C'est un peu le fil rouge de toute ma vie professionnelle et privée. Voilà pourquoi j'accepte de partager cela". Un récit qui retrace une partie de l'histoire de l'Italie au XXe siècle.
Tout commence, à la fin des années 1920, l'arrière-grand-père paternel de Valentin Pauluzzi quitte le Frioul et le village de Buja, village près d'Udine, dans le Nord-Est de l'Italie, pour se rendre en Picardie. Son père, Germain Pauluzzi, né en 1933, avant la Seconde guerre mondiale, est confié à une mère nourricière. A cette époque, Alfea, la grand-mère biologique du journaliste est alors très jeune, 17 ans, et ne peut pas garder son enfant, l'identité du père n'ayant jamais été connue. "Mon père ne lui en veut absolument pas. Il se dit qu'elle devait probablement avoir de bonnes raisons de ne pas l'avoir fait. Puis, quand t'es une jeune fille mère et que tu essayes de travailler... Surtout avec la Seconde guerre mondiale", souligne-t-il. Ainsi, Germain Pauluzzi grandit en Picardie, sans connaître tout un pan de son histoire.
En 1976, un séisme frappe la région d'origine d'Alfea. "Mon père reçoit des documents pour un héritage et un terrain. Il a alors pu récupérer l'acte de naissance de sa maman, mais il a refusé l'héritage. Il n'a pas voulu prendre des terrains alors que des personnes venaient d'être à la rue", précise la voix d'Europe 1.
Plusieurs décennies plus tard, en quête de son histoire familiale et curieux de ses origines, le futur journaliste se lance en quête de retrouver sa grand-mère : "L'hypothèse logique est qu'elle a disparu durant la Seconde guerre mondiale. Beaucoup de civils sont décédés et ils n'ont pas tous été enterrés". Son père ne détenait alors que deux courriers échangés entre sa mère adoptive et Alfea. "Elle prenait des nouvelles de son fils, avec peut-être l'idée d'un jour le retrouver", pense Valentin Pauluzzi.
En 2008, encore étudiant, le jeune adulte s'envole à Venise dans le cadre d'un programme Erasmus et se rapproche donc de Buja, "à seulement une centaine de kilomètres". Alors que ses parents viennent lui rendre visite, il décide de se rendre avec eux dans le village italien pour en apprendre davantage sur leur lignée. Et surprise ! La mairie les redirige vers des demi-cousins, issus d'un autre mariage. "Ca s'est arrêté là. C'était déjà énorme pour nous d'en savoir davantage. Et eux, de leur côté, ils ne savaient pas ce qu'était devenue Alfea. C'est toujours le mystère", poursuit-il.
Il y a deux ans, la mère du spécialiste de la Serie A tape "par curiosité" le nom d'Alfea Pauluzzi sur Google et tombe sur un acte de décès d'une personne au même nom, dans le sud de la France. "Là, stupeur ! Comment c'est possible ? C'est elle ? Ce n'est pas elle ?", se questionne le journaliste. Et après vérification des dates de naissance, Valentin Pauluzzi parvient à se faire confirmer qu'il s'agissait bel et bien de sa grand-mère. "La mère de mon père a donc vécu jusqu'en 2001... Jusqu'à l'âge de 78 ans, mon père aurait pu rencontrer sa maman. Voilà", raconte-t-il, avec une certaine émotion.
A la même époque, Valentin Pauluzzi collaborait déjà avec Canal+. Envoyé à Nice pour une interview de Sébastien Frey, ancien gardien de football français, le journaliste profite de ce déplacement pour se rendre dans le village où est décédée sa grand-mère. Interrogeant des habitants de la commune, il apprend avec surprise qu'Alfea a une fille encore vivante, "une demi-soeur pour mon papa" et "une tante pour moi". Mais, à ce moment, Germain Pauluzzi n'est pas enclin à rencontrer cette femme : "C'est un grand humaniste. Il n'avait pas envie de débarquer dans la vie de quelqu'un. Il craignait un peu ça".
Mais son passage, le 5 janvier dernier, dans "L'Equipe de Greg" pour parler football italien fait basculer ses recherches. "Mes parents reçoivent un coup de fil sur le fixe. Au téléphone, la personne demande : 'Le Valentin Pauluzzi qu'on voit à la télé, c'est votre fils ?'", raconte-t-il. De l'autre côté de l'appareil, il s'agit en réalité de cousins lointains, qui ne portaient pas le même nom de famille, mais qui connaissaient les Pauluzzi, "car leurs descendants avaient immigré ensemble à la même époque". "Mon père n'avait jusqu'à présent jamais croisé quelqu'un de sa famille en France", insiste le correspondant, qui vit aujourd'hui à Milan, en Lombardie.
Cette rencontre est un déclic pour la famille Pauluzzi. Jeudi 26 janvier, le père du journaliste accepte finalement que son fils contacte sa tante, dont il a gardé précieusement le contact. "Je voulais avoir une photo de ma grand-mère. En étant sa fille, elle devait l'avoir", glisse-t-il. Et de raconter le stress avant d'appeler au téléphone : "C'est délicat. A la télévision ou dans les films, c'est joli à voir. Mais quand ça arrive dans la vraie vie, il faut être diplomate, Quand même quoi !".
Après avoir laissé un message "un peu vague" sur son répondeur, Valentin Pauluzzi échange avec sa tante, heureuse de découvrir qu'elle a un demi-frère et un neveu. "Ma grand-mère maternelle n'avait jamais parlé de son premier fils", précise-t-il. Et par mail, il reçoit des photos d'après-guerre d'Alfea. C'est en famille que Valentin Pauluzzi partage ces clichés inédits. "A 90 ans, mon papa voit les choses différemment. Il n'a pris que le positif. Ca le fait sourire", confie le reporter.
Aujourd'hui, Valentin Pauluzzi s'étonne encore qu'un simple passage sur le petit écran ait eu un tel impact : "C'est ce cousin qui m'a vu à la télévision qui a complètement fait accélérer les recherches. Je ne suis pas certain que mon père aurait relancé sinon. Ca a peut-être éveillé sa curiosité. Pouvoir retrouver de la famille en passant à la télé, alors que je ne passe pas souvent, je n'y pensais pas. Et encore moins sur la chaîne L'Equipe. C'est une chaîne pour les fans de sport. Il n'y a pas tout le monde qui regarde".
A présent, la famille Pauluzzi continue de creuser dans ses origines. En ayant trouvé un nouveau cousin, Franco, qui consacre sa retraite à recomposer son arbre généalogique, le père et le fils apprennent que leurs ancêtres ont quitté l'Italie pour fuir le fascisme. "C'est une info qui lui a vraiment fait chaud au coeur. Que son grand-père n'ait pas voulu se plier au régime fasciste à l'époque. C'est notre culture et nos convictions", conclut-il cette belle histoire. Comme quoi, la télévision peut encore faire des miracles.