"Résultats non-atteints", "défaut de pilotage", "risque sérieux de dérapage financier", la Cour des comptes n'est pas tendre avec France Télévisions. Dans un nouveau rapport sur le groupe audiovisuel public intitulé "France Télévisions : mieux gérer l'entreprise, accélérer les réformes", les magistrats de la rue Cambon dressent un état des lieux inquiétant de la situation de l'entreprise, critiquant en creux le bilan de Rémy Pflimlin.
Le rapport constate dans un premier temps que le passage à l'entreprise unique en 2009 n'a pas permis de réaliser les synergies et les mutualisations attendues, notamment en matière de fonctions support. De manière générale, les magistrats pointent du doigt la difficulté de France Télévisions à réaliser des économies et à réformer son fonctionnement interne. Résultat : France Télévisions est désormais dans une "impasse financière" selon la Cour des comptes qui ne voit pour "seule issue" qu'"une réduction significative des charges de l'entreprises".
Le rapport critique au passage le caractère coûteux des deux plans de départs volontaires (2009-2012, 2014-2015) lancés sous la présidence Pflimlin : 55 millions d'euros au total. Ces derniers n'ont en plus permis qu'une faible diminution des effectifs : -279 équivalents temps plein (ETP), soit un coût de près de 200.000 euros en moyenne par ETP supprimé.
Le rapport regrette par ailleurs que les grilles des programmes aient servi de levier principal pour faire des économies, au détriment d'une réforme de l'entreprise. "Dans un environnement où l'investissement sur les contenus est essentiel pour pouvoir résister à la concurrence des nouveaux acteurs du marché comme Netflix ou Amazon, il n'est pas certain que cet arbitrage au détriment des achats de programmes, constitue la façon la plus appropriée de préparer l'avenir", taclent ainsi les rédacteurs du rapport.
Dans leur texte, les magistrats de la rue Cambon appellent aussi à la mise en place de "règles strictes de déontologie" dans le domaine de l'achat de programmes afin de "mettre fin à certaines pratiques contestables". Et la Cour de donner l'exemple de membres de la famille d'un responsable de programmes qui interviennent dans la réalisation d'une production commandée par ce dernier.
L'information de France Télévisions est aussi critiquée par le rapport pour sa réticence au changement. Le texte souligne ainsi que ce pôle employant plus de 2.700 journalistes a vu ses effectifs augmenter entre 2011 et 2015 alors que le développement du numérique "aurait dû permettre des gains d'efficience". "La fusion des rédactions nationales peine à se concrétiser", souligne aussi le rapport. Surtout, la Cour des comptes s'inquiète des conséquences financières de la création de franceinfo, la chaîne info publique lancée en septembre qui "présente (...) un risque sérieux de dérapage financier".
Visiblement piqué au vif, Rémy Pflimlin a décidé de réagir à ce rapport critiquant largement son action. Dans un communiqué et une interview au Monde publiés ce matin, le prédécesseur de Delphine Ernotte a tenu à défendre dans le détail son bilan. Il a ainsi jugé le rapport de la Cour des comptes "déconnecté du contexte qui a été celui de France Télévisions pendant ces années", et a estimé que "l'entreprise a(vait) considérablement changé" sous sa présidence.