Les deux frères ennemis de la télé française vont tenter de se marier. Comme l'annonce ce soir plusieurs médias dont "Le Figaro", Bertelsmann, maison mère de M6, et Bouygues, maison mère de TF1, vont tenter dans les prochains mois de fusionner leur groupe média respectif pour créer un géant français capable de rivaliser avec les plateformes américaines. Cette volonté de rapprochement, encore inimaginable il y a quelques années, a été officialisée ce soir par les deux groupes via un communiqué commun.
A l'issue de l'opération, dont la validation devrait durer jusqu'à fin 2022, Nicolas de Tavernost, actuel président du directoire de M6, devrait être proposé pour devenir à 72 ans le PDG du nouvel ensemble. Gilles Pélisson, actuel PDG de TF1, deviendrait pour sa part directeur adjoint du groupe Bouygues en charge des médias et du développement.
Déboursant 641 millions d'euros dans cette fusion, le groupe de Martin Bouygues va acquérir 30% du nouvel ensemble, tandis que RTL Group (Bertelsmann) en conserverait 16%, le restant étant constitué de capital flottant. Côté actifs, les acteurs de l'opération apportent notamment dans la corbeille les chaînes gratuites de TF1 (TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI), celles de M6 (M6, W9, 6ter et Gulli), mais aussi les radios du groupe M6 : RTL, RTL 2 et Fun Radio. Seules sept autorisations pour diffuser sur les ondes hertziennes peuvent cependant être accordées en temps normal à un même groupe de télévision. La nouvelle entité devra donc se séparer d'au moins trois fréquences. TF1 en compte en effet cinq, tout comme M6, si l'on ajoute Paris Première, diffusée sur la TNT payante.
Si elle se conclut, la transaction devrait déboucher sur l'émergence d'un géant français, quatrième acteur européen du marché de la télévision. En 2020, année de crise sanitaire, les groupes TF1 et M6 représentaient ainsi à eux deux 41,4% de part d'audience sur l'ensemble du public en France et 55,1% de part de marché sur les Femmes responsables des achats de moins de cinquante ans, la principale cible commerciale en télé. Les deux groupes affichaient aussi un chiffre d'affaires cumulé de 3,4 milliards d'euros, pour un résultat opérationnel courant combiné de 461 millions d'euros.
Engagé dans une cession de ses activités médias en France, Bertelsmann avait fait savoir en avril dernier sa volonté de prendre une décision avant l'été concernant le sort de M6. Après avoir reçu de nombreuses offres, de Vivendi, NRJ ou encore de Xavier Niel, le géant allemand n'avait pas caché sa préférence pour un rapprochement avec TF1, le rival historique de M6, avec lequel le potentiel de synergies apparaissait cependant plus grand. Ce dernier est d'ailleurs estimé par les acteurs du dossier entre 250 et 350 millions d'euros annuels à l'issue des trois premières années d'activité suivant la clôture de la transaction.
Outre une validation par les actionnaires de chacun des groupes réunis prochainement en assemblée générale extraordinaire, ce mariage entre les deux premiers acteurs du marché de la publicité télé en France devra surtout obtenir l'aval de l'autorité de la concurrence à l'issue d'un processus de contrôle qui devrait prendre près d'un an et demi. Le conseil supérieur de l'audiovisuel devra lui aussi se prononcer sur les changements de contrôle des fréquences impliqués par l'opération. Autant d'étapes que d'écueils pour une fusion qui devrait, si elle aboutit, transformer durablement le paysage audiovisuel français.