Coup de théâtre dans le ciel déjà bien assombri de la Ligue 1. Dans une interview au "Figaro", Maxime Saada, président du directoire de Canal+, a annoncé hier son intention de jeter par dessus bord la procédure de gré à gré envisagée par la Ligue de football professionnel pour la réattribution des droits TV abandonnés en rase campagne par Mediapro. Maxime Saada a indiqué être arrivé à la conclusion "qu'il était dans l'intérêt pour toutes les parties prenantes de passer par un appel d'offres". "Nous avons donc adressé un courrier à la LFP pour lui indiquer la restitution du lot 3 que BeIN Sports nous a sous-licencié", a-t-il ajouté.
Le président du directoire de Canal invoque trois raisons pour justifier cette décision surprise. Selon lui, une procédure de gré à gré serait tout d'abord fragile juridiquement car "contraire au code du sport" qui "spécifie qu'il ne peut y avoir de gré à gré qu'en cas d'appel d'offres infructueux". Le deuxième motif serait financier, Canal+ estimant désormais que la Ligue 1 est devenue trop chère. "Nous pensons que la Ligue 1 est subventionnée depuis de nombreuses années", a taclé le patron de la chaîne cryptée.
Enfin et surtout, Canal+, estimant être en position de force, entend bien faire payer aux clubs les avanies des dernières années. "Nous n'avons pas été traités correctement", a rappelé Maxime Saada avec amertume, citant en exemple le report des matchs par la LFP "sans concertation" lors du mouvement Gilets jaunes", ou encore "les réjouissances de nombreux présidents lorsque Canal+ est rentré bredouille de l'appel d'offres de 2018".
En bon négociateur, Maxime Saada a tenu dans cet entretien à déprécier ce qu'il compte acheter. Il estime ainsi que "le produit L1 a été dégradé" par Mediapro, un diffuseur confidentiel qui aurait "fortement réduit" les audiences de la compétition, tout comme il aurait "contribué à la croissance exponentielle du piratage". Il appelle ainsi de ses voeux une vaste réforme de la Ligue 1 pour restaurer l'attractivité de la compétition aux yeux du grand public. Bombant le torse, le patron de Canal a également souligné la plus faible "Ligue 1 dépendance" de Canal+, vantant la diversification de son catalogue de droits sportifs ces dernières années via le Top 14, la MotoGP ou la Ligue des champions de foot.
Avec ce coup de poker, Maxime Saada entend par ailleurs faire coup double. Outre une pression maximale sur des clubs français ayant déjà de l'eau jusqu'aux épaules, le patron de Canal+ envoie également une carte postale à l'Etat. Si elle entend acheter à la baisse la Ligue 1, la filiale de Vivendi entend aussi profiter de la crise actuelle pour avancer ses pions sur le terrain de la régulation. Le groupe Canal redemande ainsi une réduction de son taux de TVA, ainsi qu'une révision du décret SMAD du gouvernement. Ce dernier entraînerait selon la chaîne cryptée une révision de la chronologie des médias en sa défaveur. Des demandes pour l'instant restées lettres mortes.
Très loin de ces grandes manoeuvres : les amateurs de football qui, déjà violemment ballottés lors du feuilleton Mediapro, risquent de ne plus savoir à quel saint se vouer. "Nous conserverons notre lot jusqu'au 5 février puisque nous avons payé jusqu'à cette date", a assuré Maxime Saada lors de son interview. Le boss de Canal exige en tous les cas l'arrêt immédiat de toute diffusion de la Ligue 1 sur Téléfoot, la chaîne de Mediapro, prévue pour durer jusqu'à fin janvier. "Après avoir provoqué le plus grand drame de l'histoire du football français, et ne plus avoir payé aucun droit depuis le 5 août, Mediapro continue de diffuser 80% des matchs. Ce n'est pas acceptable", a justifie le patron de Canal. Et de préconiser une diffusion de tous les matchs "en Pay per view (paiement à l'acte)". "Bien sûr, Canal+ reverserait l'essentiel des recettes à la LFP, et donc aux clubs", a-t-il tenu à préciser.