Un licenciement "sans cause réelle et sérieuse et de façon vexatoire". C'est ainsi que le conseil de prud'hommes de Paris a qualifié, dans un jugement rendu le 12 juillet dernier, dont l'AFP a pris connaissance jeudi, le licenciement par "Libération" en février 2019 de Vincent Glad. Le journaliste, pigiste régulier pour le quotidien de gauche, avait payé les conséquences d'une enquête publiée dans la rubrique "Checknews" qui le désignait comme le créateur d'un groupe Facebook privé baptisé "Ligue du LOL", regroupant une trentaine de journalistes et communicants.
Si Vincent Glad ne contestait pas avoir créé ce groupe actif entre 2009 et 2013, il niait en revanche avoir contribué aux campagnes de cyberharcèlement dont des victimes présumées avait fait état sur les réseaux sociaux. Il y a trois ans, Vincent Glad avait été suspendu à titre conservatoire par "Libération" avant d'être licencié à l'issue d'une enquête interne. Une enquête interne dont "les conclusions précises" n'ont jamais été transmises à l'intéressé, "ce malgré la sommation de communiquer", relève le conseil de prud'hommes.
Selon France Inter qui a pu prendre connaissance de la décision dans le détail, "si 'Libération' peut se prévaloir de façon légitime d'un trouble objectif et caractérisé, le licenciement n'est pas en lien avec des faits contemporains du trouble visé, mais avec une réaction massive en population générale et dans les médias sur une période courte (février 2019), tirée de faits anciens imputables au salarié".
Par conséquent, "Libération" est condamné à verser à son ancien journaliste la somme de 48.925,54 euros, dont 30.000 euros de dommages et intérêts. L'intéressé réclamait 350.000 euros. Le quotidien a d'ores et déjà annoncé à l'AFP sa volonté de faire appel.
Déjà, à la rentrée 2021, dans cette même affaire, le magazine "Les Inrocks" avait été condamné pour le licenciement "sans cause réelle et sérieuse" de David Doucet en 2019, membre lui aussi de la Ligue du LOL. Le titre, qui n'a pas fait appel de cette décision, a été définitivement condamné à verser près de 44.000 euros d'indemnités à son ancien journaliste.
De son côté, l'ancien journaliste de "Libération" Alexandre Hervaud, licencié tout comme Vincent Glad pour sa participation à la Ligue du LOL, a été débouté en novembre 2020 par les prud'hommes et a fait appel. "Cette décision d'une juge professionnelle reconnait la gestion calamiteuse de 'Libé' durant le lynchage. Elle est encourageante pour moi", s'est réjouit le journaliste sur Twitter en réaction au jugement obtenu par son ancien collègue. Dans un communiqué, le cabinet d'avocats qui défend Vincent Glad a déploré une polémique autour de la Ligue du LOL "que le journal avait lui-même créé".