Nouveau rendez-vous sur puremedias.com ! Chaque vendredi, retrouvez "Médias le mag, l'interview", en partenariat avec France 5. Julien Bellver, co-rédacteur en chef du site et chroniqueur dans "Médias le mag" le dimanche à 12h35 interrogera une personnalité des médias toutes les semaines. Pour ce quatrième numéro, Julien Bellver reçoit Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFMTV.
BFMTV était encore leader en août, avec 2% de parts de marché. La chaîne fêtera ses 10 ans dans quelques semaines. Un succès qui fait baver d'envie Vincent Bolloré qui veut relancer iTELE. Cela vous inquiète ?
Il est encore un peu tôt pour s'inquiéter. Pour l'instant, on voit bien qu'iTELE traverse une zone de turbulences. La direction vient de changer. La nouvelle direction est à peine en place et on n'a pas vraiment pu mesurer encore son projet exact. On verra plus tard pour s'inquiéter mais on reste évidemment vigilants. Toute la difficulté pour nous est de rester concentrés. Il ne faut pas se relâcher et rester concentrés.
C'est une bonne nouvelle cette crise chez votre principal concurrent ?
Non, ce n'est pas une bonne nouvelle. J'avais de très bonnes relations avec l'ancienne direction. On travaillait bien ensemble même si je ne partageais pas toujours leur façon de décrire le paysage des chaînes info. On était des concurrents qui se respectaient et qui s'appréciaient.
Ils ont tenté de vous débaucher pour prendre la tête de la rédac d'iTELE ?
Non.
France Télé a tenté de vous débaucher pour prendre la direction de l'information de France Télévisions. Pourquoi avez-vous dit non ?
Je suis resté d'abord par attachement pour le groupe NextRadioTV, Alain Weill et la rédaction de BFMTV. J'y suis depuis cinq ans et j'y suis très heureux. Mon contact a été très bon avec Delphine Ernotte. On s'est vu longuement et ça s'est bien passé. Son projet était intéressant.
Est-ce que c'était compliqué d'aller sur France Télévisions pour lancer une chaîne concurrente à BFMTV ?
Oui, ça n'aurait pas été simple. Aller en face pour essayer de contrecarrer ce que j'ai contribué, avec d'autres, à faire depuis cinq ans. Ca aurait été compliqué. Mais l'essentiel n'est pas là. Je suis resté avant tout par attachement pour le groupe et pour le projet parce qu'Alain Weill m'a convaincu qu'il allait se passer encore des choses dans l'avenir. Et il s'en est passé.
iTELE ne sera bientôt plus la seule concurrente de BFMTV. LCI pourrait avoir une fréquence gratuite sur la TNT et France Télé va lancer sa chaîne info. C'est une bonne nouvelle pour le pluralisme de l'info ?
Non, ce n'est pas une bonne nouvelle. On l'explique sans relâche depuis plusieurs années. Ce n'est pas une question de concurrence. La concurrence, on l'affronte tous les jours avec iTELE mais pas seulement. Quand TF1 fait un 20 Heures ou un 13 Heures, ou France 2 un "Des paroles et des actes", c'est de l'info. Il ne faut pas réduire la concurrence de l'info aux chaînes info. En revanche, le marché des chaînes info n'est pas extensible à l'infini. Il y a une question essentielle de l'audience. Si une troisième voire une quatrième chaîne info débarque, l'audience va se fragmenter. Les chaînes info gagneront moins d'argent pour celles qui en gagnent. iTELE perd encore de l'argent. Les chaînes auront donc moins d'argent pour faire de la bonne info. A l'arrivée, c'est le public qui en pâtira.
Tous vos concurrents s'inscrivent en opposition à BFM... Devant le CSA, LCI a défendu un modèle avec moins de hard news pour "casser la spirale du flot d'images". Vous croyez à cette promesse ?
Honnêtement, je n'en sais rien. Entre le projet qu'a présenté LCI il y a un an et le projet présenté récemment, j'ai du mal à m'y retrouver. J'ai du mal à comprendre quelle serait la véritable valeur ajoutée de ce projet.
Pourquoi BFM fait deux fois plus d'audience qu'iTELE, selon vous ?
Je pense que la ligne de BFM a été claire dès le début avec la priorité au direct. On n'a jamais dévié. Je pense que ça n'a pas toujours été le cas pour ITELE qui a tantôt cherché à nous copier, tantôt à se distinguer, et s'est finalement un peu perdue. On a pris dans les années 2010-2011-2012 une avance très importante sur iTELE qu'ils ont beaucoup de mal à combler parce que nous sommes installés. Il faudrait que nous fautions gravement ou que nous nous relâchions gravement pour qu'iTELE puisse revenir. Dans les conditions d'aujourd'hui, ça paraît difficile.
ITELE se distingue avec des stars à l'antenne. Pas sur BFMTV. En revanche cette saison vous êtes allé chercher une star du "Petit Journal", Salhia Brakhlia. Pourquoi ?
Il y a des gens quand même connus sur notre antenne comme Ruth Elkrief. Mais c'est vrai que la star sur BFMTV, c'est l'info. On aime aussi développer des talents maison. Pour Salhia Brakhlia, c'est elle qui est venue nous voir. Elle nous a dit qu'elle voulait changer de crèmerie et faire autre chose. Elle a du talent. Elle a su très vite me convaincre qu'elle pourrait s'intégrer complétement dans cette chaîne.
C'est aussi parce qu'elle est issue de la diversité ?
Aussi. Ce n'est pas le premier argument. On n'embauche pas les gens pour cette raison-là mais parce qu'ils ont du talent. Et après, c'est très bien qu'elle puisse aussi représenter cette diversité.
On a sélectionné une image pour vous. On voit Gaspard Gantzer le responsable de la com' du président faire la dictée aux journalistes qui répètent aussitôt les éléments de langage. On reproche souvent aux chaînes d'infos d'imposer le tempo médiatique. N'est-ce pas l'inverse ici ?
Si Gaspard Gantzer vient rapporter la parole du président de la République, il n'est pas choquant de la relayer. C'est un extrait qui peut être trompeur. Nos journalistes vont chercher l'information auprès des proches de François Hollande. A eux, après, de prendre du recul, de savoir prendre de la distance. Mais c'est vrai que c'est parfois difficile.
BFMTV a un nouveau partenaire, un industriel, Patrick Drahi. C'est fini l'indépendance garantie par un petit groupe ?
Non, je ne pense pas. Très concrètement, Patrick Drahi, je ne le connais pas. Je ne l'ai jamais rencontré ni eu au téléphone. Aujourd'hui, je n'ai aucune inquiétude. Alain Weill est là et bien là. On compte bien qu'il reste avec nous.