Quand le vieux briscard des médias rabaissait le producteur. A quelques heures de la diffusion du documentaire pour les 10 ans de la mort de Jean-Luc Delarue sur TF1, ce mercredi 24 août en prime time, puremedias.com revient sur la relation explosive entre l'animateur et son ancien patron à Europe 1 et France Télévisions, Jean-Pierre Elkabbach.
Dans son ouvrage "La star qui ne s'aimait pas" (éditions Fayard), sorti en 2018, Vincent Meslet, éminence de la télévision française, raconte comment celui qui est aujourd'hui sur CNews humiliait Jean-Luc Delarue lorsqu'il était son supérieur. Alors que l'animateur commençait à prendre de plus en plus de place au sein d'Europe 1 dans les années 1990, celui qui menait quotidiennement les entretiens politiques de la matinale "regardait de travers" cette montée en puissance.
"C'est que le jeune animateur vient de commettre un crime de lèse-majesté aux yeux de l'intervieweur politique : il veut l'obliger à respecter le temps qui lui est imparti. Or les débordements de Jean-Pierre Elkabbach sont légendaires et homériques. Mais Jean-Luc n'en démord pas : il faut insuffler du rythmer à cette tranche matinale et Jean-Pierre Elkabbach, si brillant soit-il et tout patron qu'il est, doit s'y plier comme les autres", relate Vincent Meslet, qui souligne que "tout le temps que grignote Jean-Pierre Elkabbach est pris sur 'Mon oeil', le quart d'heure où Jean-Luc Delarue est seul maître à bord" sur Europe 1.
Cette nouvelle place de Jean-Luc Delarue, qui avait pourtant "impressionné la rédaction par sa force de travail, sa présence et sa rigueur", n'avait pas été du goût de Jean-Pierre Elkabbach. Dans son hommage à l'animateur, décédé le 23 août 2012, l'inoxydable journaliste politique n'avait pas pu "s'empêcher de prononcer cette perfidie" : "Il n'a pas su résister à la violence de la notoriété et de la télévision car il n'avait pas assez de culture", rapporte le désormais directeur général de Newen France.
Et, selon "La star qui ne s'aimait pas", Jean-Pierre Elkabbach n'avait pas attendu sa disparition pour l'humilier sur sa "culture". En 1994, alors PDG de France Télévisions, le proche de Jean-Luc Lagardère était allé débaucher à prix d'or Jean-Luc Delarue à Canal+. Mais pour garder la main sur son protégé, il s'était déjà permis quelques remarques grinçantes. "Vous allez devenir un animateur du service public. Sur le service public, il faut faire attention à son image. Vous devez vous créer une image d'homme cultivé", aurait lancé Jean-Pierre Elkabbach, selon Vincent Meslet. Et d'ajouter : "Je vais demander (à ma femme, Nicole Avril, ndlr) de vous faire une liste de livres que vous pourrez citer dans vos interviews".
"Jean-Luc remercie, mais il est blessé. Le mépris demeure, malgré l'accord signé. Il avait espéré trouver en Jean-Pierre Elkabbach un père de substitution qui le respecterait, car tous deux sont du même monde, deux félins de l'audiovisuel. Il est en colère et sa colère l'aveugle, l'empêche de comprendre ce qui le différencie du quinquagénaire : non pas la culture, mais la manière de l'aborder. Ostentatoire et sociale pour le célèbre intervieweur, intime pour Jean-Luc", poursuit l'auteur de l'ouvrage.
A LIRE AUSSI : "Jean-Luc Delarue : Quand le producteur a fait pression sur France Télévisions en se rapprochant de TF1"
Cette collaboration entre les deux hommes s'était finalement terminée par un procès. En 1996, Jean-Pierre Elkabbach est contraint de partir à la suite du scandale des contrats exorbitants faits aux animateurs-producteurs, notamment Nagui, Arthur et... Jean-Luc Delarue. France 2 avait tenté de diligenter un expert du tribunal de commerce de Paris afin de juger du coût réel des programmes de Réservoir Prod, la société de Jean-Luc Delarue. Ce dernier avait riposté par la voix de ses avocats et la justice lui avait donné raison : le producteur n'avait pas de compte à rendre au groupe audiovisuel du service public.