Un parc d'abonnés en baisse, une action dévissant d'un quart. La journée d'hier n'a pas été de tout repos pour Reed Hastings, le patron de Netflix. Son bébé créé en 1997 a en effet annoncé la première baisse de son nombre de clients depuis 10 ans. Au premier trimestre 2022, Netflix a perdu 200.000 abonnés dans le monde par rapport à la fin de 2021, pour un total de 221,64 millions. La plateforme avait prévu au contraire d'en gagner 2,5 millions durant cette période. Pis, Reed Hastings projette une perte supplémentaire de deux millions d'abonnés au cours de la période avril/juin, comme le rapporte l'AFP. Pour une entreprise habituée depuis une décennie à afficher une croissance insolente, la chute est rude. Et la sanction ne s'est pas fait attendre sur les marchés où le titre a dégringolé de 25% dans les échanges électroniques après clôture de la Bourse de New York hier.
Pour expliquer ces mauvais résultats, Netflix souligne tout d'abord les pertes entraînées par la suspension du service en Russie, décidée dans le sillage du déclenchement de la guerre en Ukraine. Cette suspension et "la diminution progressive du nombre d'abonnés payants russes ont entraîné une perte nette de 700.000 abonnements. Sans cet impact, (le service aurait) eu 500.000 abonnements supplémentaires" par rapport au dernier trimestre, a précisé le géant du streaming vidéo dans son communiqué de résultats.
La firme de Los Gatos trouve aussi des raisons plus structurelles à ses mauvais résultats. Tout d'abord, la concurrence de plus en plus féroce sévissant sur le marché du streaming. Relativement tranquille pendant plusieurs années, Netflix doit désormais affronter la montée en puissance de mastodontes comme Disney ou Amazon. Pour y faire face, la plateforme compte ainsi poursuivre sa politique d'investissements massifs dans les productions avec près de 20 milliards de dollars attendus en 2022.
Plus nouveau, elle veut aussi faire baisser son prix d'abonnement à l'heure d'une l'inflation galopante qui devrait entraîner une baisse des dépenses de loisirs. Pour ce faire, Netflix est prêt pour la première fois à intégrer de la publicité à son service. Une révolution copernicienne pour Reed Hastings qui voyait jusque-là dans cette absence de réclames l'une des clés du succès de l'entreprise. "Il est clair que ça fonctionne pour Hulu", a-t-il reconnu hier, en référence à la plateforme détenue par Disney et Comcast. Et de rassurer ses abonnés publiphobes : "Si vous voulez l'option sans pub, ce sera toujours possible. Si vous préférez payer moins cher et que vous tolérez les pubs, il y aura une offre pour vous aussi".
Netflix compte enfin mieux lutter contre les consommations pirates du service. La firme californienne estime qu'environ 100 millions de foyers dans le monde regardent son service gratuitement, dont 30 millions rien qu'aux Etats-Unis et au Canada. Comment ? Principalement en utilisant le compte Netflix d'un ami ou d'un autre membre de la famille. Masquée jusque-là par la forte croissance du service durant la crise sanitaire, cette réalité ancienne devient l'une des priorité de la plateforme. Le partage des mots de passe entre foyers "affecte (la) capacité (de Netflix) à investir dans des séries et des films de qualité pour (ses)membres", a justifié Chengyi Long, directrice de l'innovation produits de l'entreprise.
"Nous devons juste faire en sorte qu'ils payent au moins en partie", a déclaré de son côté Reed Hastings à propos de ces consommateurs fantômes. Depuis mars, le groupe facture dans plusieurs pays sud-américains l'ajout de profils supplémentaires à leur compte. Il entend généraliser la pratique d'ici un an sur ses principaux marchés. "On ne cherche pas à empêcher les gens de partager, mais on va vous demander de payer un peu plus pour le faire", a résumé Greg Peters, le directeur des opérations de Netflix.