Les ex-otages de la chambre froide de l'Hyper Cacher ont annoncé aujourd'hui par le biais de leur avocat, Me Patrick Klugman, le retrait de leur plainte contre BFMTV. Ils avaient intenté une procédure contre la chaîne info après que cette dernière eut révélé en pleine prise d'otages, le 9 janvier dernier, leur présence dans l'Hyper Cacher à l'insu d'Amedy Coulibaly. Ils estimaient que la divulgation d'une telle information à l'antenne avait mis leur vie en danger. Près d'un an après les faits, les ex-otages ont finalement décidé de retirer leur plainte en échange de plusieurs contreparties émanant de la chaîne. Leur avocat, Patrick Klugman explique leur démarche à puremedias.com.
Propos recueillis par Benjamin Meffre
puremedias.com : Pourquoi retirer cette plainte, vous qui étiez très remonté contre BFMTV en avril dernier ?
Patrick Klugman : Je retire cette plainte tout simplement parce que la chaîne a totalement changé d'attitude. Je n'ai jamais caché que l'attitude, autant que les faits eux-mêmes, avaient construit la plainte. BFM a reconnu une faute grave, qui aurait pu être tragique, et s'en repent. A partir de ce moment-là, au moins philosophiquement, on pouvait se rapprocher. Et surtout, nous avons eu ce que nous pouvions avoir de la Justice sans la douleur de l'épreuve judiciaire. Je veux dire par là une reconnaissance, des excuses et une réparation symbolique parce que mes clients ont insisté pour qu'elle soit symbolique. Que vouliez-vous que nous demandions d'autre ?
Nous avons en outre obtenu que BFM promulgue sa charte, modifiée après la bévue du 9 janvier. Cette charte sera désormais opposable à tous. Ca aussi, c'est un point extrêmement important que nous n'aurions pas pu obtenir par voie de justice. Dès lors que nous obtenons autrement ce que nous attendions de la Justice, il n'y a pas vraiment de raison de maintenir la plainte qui avait été déposée.
Les 60.000 euros versés au Fonds social juif unifié seront la seule contrepartie financière à ce retrait de plaintes ?
Absolument. Il n'y en a aucune autre.
En avril dernier, vous plaidiez en faveur de la définition d'un cadre juridique clair concernant la responsabilité des médias dans ce genre de situations. Pensez-vous qu'il est toujours nécessaire malgré tout ?
Je pense que la question mérite d'être traitée. Je pense que la promulgation de la charte de BFM est un marqueur. Ce n'est pas un acte contraignant mais il est opposable et public. Il va devenir une bonne pratique qui, j'imagine, va inspirer les autres médias. On a donc quand même fait avancer le cadre normatif puisqu'un cadre normatif n'est pas forcément contraignant. Est-ce qu'il faudrait le compléter en passant soit par la jurisprudence, soit par la loi ? Il est probable que des éclaircissements soient encore nécessaires. Mais dans ce domaine où tout est inédit, il y a parfois d'autres moyens d'aboutir que la contrainte. Cet accord en est la preuve. Je pense que c'est quelque chose de positif.
Mais tout n'est pas réglé pour autant selon vous...
Tout n'est pas réglé car malheureusement, on ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve et les médias seront toujours confrontés à des situations tendues, difficiles. En tout cas, nous avons progressé. Cette affaire n'est pas restée lettre morte. Une souffrance a été entendue, une parole a été portée, le cadre normatif au sens très large du terme s'en est trouvé changé, du moins en ce qui concerne BFM, et une réparation symbolique a été octroyée. Je pense, et c'est l'état d'esprit de mes clients, que je me suis honorablement acquitté de ma mission. Eux sont en tout cas satisfaits de pouvoir tourner la page du traitement médiatique de leur prise d'otage qui aurait pu leur être extrêmement préjudiciable. Et ça participe aussi de leur bien-être.
A la lumière des attentats du 13 novembre, pensez-vous que les médias aient appris des erreurs commises en janvier 2015 ?
Oui, je crois que tout le monde l'a souligné. Personne n'a eu à se plaindre du traitement médiatique des attentats du 13 novembre avec pourtant des évènements encore plus meurtriers et en partie analogues, avec une prise d'otage ayant duré quelques heures. Je crois que tout ce chemin que nous avons fait, y compris par le dépôt de la plainte, a été utile : utile aux victimes, utile aux médias et utile socialement.