Le bras de fer entre TF1 et les opérateurs telecom continue. Selon une information des Echos mercredi, le groupe de Gilles Pélisson a lancé un ultimatum aux FAI leur signifiant que, faute de le payer, ils ne pourraient bientôt plus reprendre le signal de ses chaînes gratuites (TF1, TMC, NT1, HD1, LCI) sur leurs offres OTT, autrement dit celles permettant le visionnage via internet sur les ordinateurs et les terminaux mobiles. La filiale de Bouygues menacerait même de procéder à une première coupure de signal dès le 30 avril.
De portée limitée dans les faits, ce coup de semonce a surtout pour but de montrer une nouvelle fois la détermination de TF1 dans le dossier plus vaste de la rémunération de son signal télé par les opérateurs internet. Depuis 10 mois désormais, Gilles Pélisson exige des FAI le paiement d'une redevance pour diffuser les chaînes de son groupe. Rejoint opportunément dans sa croisade par celui de M6, le PDG de TF1 réclamerait selon BFM Business une centaine de millions d'euros aux Telco. "Il est légitime que les revenus (de TF1) dépendent non seulement de la publicité à la télévision, mais désormais aussi de l'internet (...) il n'est pas normal que l'opérateur garde cet argent", a de nouveau réaffirmé Gilles Pélisson jeudi au cours de l'assemblée générale des actionnaires du groupe.
TF1 est d'autant plus déterminé dans ce dossier qu'il voit les opérateurs telecom investir massivement dans les contenus, notamment dans le sport, à l'image de SFR. Les distributeurs deviennent ainsi de fait des concurrents des éditeurs. Arguant en outre de la valeur que représentent les chaînes TF1 pour les offres télé des box, Gilles Pélisson tente ainsi de faire pivoter le modèle économique de son groupe pour l'aligner sur celui des Etats-Unis ou de la Belgique. Outre-Atlantique, les redevances payées par les distributeurs peuvent ainsi représenter jusqu'à 30% du chiffre d'affaires des chaînes.
Face à l'offensive de TF1, les FAI continuent pour l'instant de faire la sourde oreille. Estimant le modèle actuel "équilibré" comme le souligne l'AFP, ils ne voient pas pourquoi ils devraient payer ce qu'ils ne payaient pas jusque-là. "Orange n'envisage pas de rémunérer la distribution d'une chaîne TNT gratuite, mais continuera à rechercher avec ses partenaires de nouveaux services créateurs de valeur au bénéfice de l'ensemble des acteurs", a ainsi expliqué à l'AFP un porte-parole d'Orange.
Dans ce dossier, les FAI mettent en avant l'exposition qu'ils offrent aux contenus de TF1 alors que la moitié des Français consomment la télévision via les box. Ils soulignent aussi que TF1 bénéficie de fréquences TNT gratuites pour émettre en hertzien alors qu'eux ont dû acheter des fréquences au prix fort. Ils rappellent aussi qu'ils doivent réaliser de coûteux investissements pour moderniser leurs réseaux.
Dans cette partie de poker menteur, Bouygues, Orange, Free et SFR misent surtout sur leur poids dans la distribution de la télévision aujourd'hui. Si le groupe TF1 coupait son signal, il pourrait se priver de la moitié de son audience même si ses chaînes seraient toujours disponibles via les boîtiers TNT.
En attendant, les contrats liant TF1 avec les distributeurs sont arrivés à échéance en fin d'année dernière. Discrètement prolongés de quelques mois, ils arriveront de nouveau à échéance les uns après les autres d'ici la fin de 2017. Qu'adviendra-t-il alors ? TF1 mettra-t-il ses menaces à exécution ou acceptera-t-il de perdre la face ? Les deux parties parviendront-elles à sauver les apparences en se mettant d'accord sur une somme inférieure à celle exigée par TF1 ? Réponse bientôt.