Urgence. Voilà le sentiment qui transpire de l'avis publié aujourd'hui par l'Autorité de la concurrence concernant la prochaine réforme de l'audiovisuel. Commandé par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale en juin dernier, cet avis veut "permettre aux acteurs historiques de concurrencer efficacement les nouvelles plateformes de diffusion de vidéos". Reprenant à son compte la plupart des mesures réclamées par TF1 ou M6 ces dernières années, l'Autorité de la concurrence fait sienne la nécessité de "desserrer les contraintes pesant sur les chaînes de télévision". Elle veut le faire "dès que possible", par décrets si besoin, et sans attendre la mise en oeuvre jugée trop lointaine et incertaine de la fameuse directive SMA.
L'Autorité de la concurrence préconise ainsi d'autoriser dès maintenant la publicité ciblée, alors que le récent rapport Bergé proposait seulement de l'expérimenter. Les chaînes, via les fournisseurs d'accès à internet, pourraient ainsi proposer des publicités en fonction de la région de résidence des téléspectateurs. L'institution présidée par Isabelle de Silva veut aussi lever tous les interdits sectoriels en matière de publicité à la télévision qu'il s'agisse du cinéma, de l'édition et la grande distribution. Le rapport Bergé préconisait, lui, de les conserver, afin de protéger les équilibres économiques d'autres médias comme la presse et les radios locales.
L'Autorité de la concurrence reprend par ailleurs à son compte la volonté des parlementaires et du CSA de supprimer les "jours interdits" de cinéma à la télévision, que sont notamment le mercredi, le vendredi et le samedi soir. "Cette disposition n'a plus de sens dans la mesure où les films sont disponibles à tout moment sur les plateformes", souligne l'autorité administrative.
Cette libéralisation du secteur de la télévision ne doit pas s'arrêter à la publicité selon l'Autorité de la concurrence qui préconise aussi de revoir les obligations d'investissement des chaînes de télé dans les oeuvres européennes et françaises. Le "système d'investissements obligatoires, complexe, différencié selon les services de télévision et selon les genres (cinéma et audiovisuel, oeuvres de stock et oeuvres de flux...) (...) obère la liberté de l'éditeur dans la construction de sa grille de programmes", estime ainsi l'institution présidée par Isabelle de Silva. Cet assouplissement doit selon elle passer par une "mutualisation des obligations au niveau des groupes de télévision", alors que celles-ci s'appliquent actuellement à chaque chaîne.
L'Autorité de la concurrence veut aussi redonner du pouvoir aux diffuseurs face aux producteurs, dans l'exploitation des oeuvres qu'ils financent. "Les éditeurs de chaînes ayant financé l'oeuvre devraient pouvoir négocier directement avec le producteur les droits de diffusion (par exemple les droits de diffusion en linéaire et sur les plateformes VàDA) ainsi que les mandats de commercialisation, notamment pour l'étranger, de façon à concourir à armes égales avec les autres acteurs, linéaires et non linéaires, européens et internationaux", recommande l'institution de la rue de l'Échelle. France Télévisions vient d'ailleurs de signer un accord avec les producteurs devant aller dans ce sens.
Enfin, l'anti-trust français se prononce en faveur d'une refonte du dispositif anti-concentration dans les médias, jugé trop contraignant, mais sans trop se mouiller pour autant. "Si des garde-fous garantissant le pluralisme demeurent nécessaires, les dispositions actuelles ne s'appliquent qu'aux opérateurs de télévision et excluent donc une partie de plus en plus significative des fournisseurs de contenus", se contente de décrire l'Autorité de la concurrence.
Reste à savoir quelles mesures seront reprises à son compte par le gouvernement pour la rédaction de sa réforme de l'audiovisuelle tant attendue. Annoncée depuis plusieurs mois, cette dernière n'a cessé d'être repoussée. Récemment, Franck Riester assurait qu'elle pourrait ne finalement voir le jour qu'au début de l'année 2020.