Vincent Bolloré face à la justice. Spécialiste des raids offensifs et autres violents coups de force sur ses concurrents en affaire, le milliardaire d'origine bretonne va cette fois devoir se défendre. Hier soir, à l'issue de deux jours et une nuit passés en garde à vue dans les locaux de l'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales de Nanterre, l'industriel a été déféré devant les juges d'instruction avant d'être mis en examen pour "corruption d'agent public étranger", "complicité d'abus de confiance" et "faux et usage de faux" sans placement sous contrôle judiciaire.
Les juges d'instruction Aude Buresi et Serge Tournaire, qui instruisent l'affaire du présumé financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 - qui a également valu à l'ancien président une mise en examen -, ont donc considéré qu'il existait des indices graves et concordants sur une possible corruption dans l'attribution de concessions portuaires au groupe Bolloré en Guinée et en Togo. Vincent Bolloré est notamment soupçonné d'avoir utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Havas pour se voir attribuer la gestion des ports de Lomé (Togo) et Conakry (Guinée).
Dans un communiqué envoyé mercredi soir, le groupe Bolloré a tenu à préciser que son PDG "reste présumé innocent" et s'est réjoui de pouvoir "avoir enfin accès à ce dossier dont il n'a jamais eu connaissance et répondre à ces accusations infondées". Dès mardi, le groupe Bolloré avait indiqué que "le lien qui tente d'être fait par certains entre l'obtention de ces concessions et les opérations de communication est dénué de tout fondement économique et révèle une méconnaissance lourde de ce secteur industriel". Outre Vincent Bolloré, Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, et Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international d'Havas, ont également été mis en examen.
Si ses frasques dans le secteur des médias font couler beaucoup d'encre en France, les affaires africaines de Vincent Bolloré sont globalement plus méconnues. Elles sont pourtant incontournables pour le groupe Bolloré, qui a bâti un véritable empire sur le continent, en s'implantant dans plus d'une quarantaine de pays et en cultivant des relations de proximité avec de nombreux responsables politiques. En Afrique, le groupe est notamment présent dans les services portuaires, les plantations de palmiers à huile, le transport ferroviaire, le divertissement, via Vivendi, et les médias, via Canal+ qui compte 3,5 millions d'abonnés sur le continent.
La mise en examen de Vincent Bolloré intervient alors que le milliardaire d'origine bretonne a quitté successivement ces dernières semaines ses mandats de président du conseil de surveillance de Canal+ puis de Vivendi, où son fils Yannick lui a succédé. Les raisons de sa soudaine mise en retrait avaient intrigué les observateurs, certains estimant que le milliardaire ne pouvait cumuler tant de mandats entre ses seules mains. Les ennuis judiciaires du tycoon, qui a assurément vu venir la situation, pourraient également avoir encouragé ce dernier à renoncer à la gestion opérationnelle de Vivendi et Canal+.