Un tandem inédit. C'est ce soir que se tiendra la grande finale de l'Eurovision, depuis Rotterdam aux Pays-Bas. Un concours qui sera diffusé en direct comme chaque année depuis 2015 sur France 2 et sera commenté par le duo composé de Laurence Boccolini et de Stéphane Bern. Le public a été de nouveau invité à choisir le représentant français et c'est Barbara Pravi qui a triomphé le 30 janvier dernier sur France 2 avec son titre "Voilà". A quelques heures du coup d'envoi du concours de chant, les deux animateurs de la deuxième chaîne ont accepté de s'entretenir avec puremedias.com.
Propos recueillis par Julien Gonçalves.
Stéphane Bern : Il y a toujours la même excitation. Je ne suis jamais blasé, j'aime l'Eurovision. Pour Laurence, elle en parlera, c'est un rêve d'enfant. Petit, j'avais droit de le regarder uniquement chez mes grands-parents au Luxembourg. J'adore venir, c'est un privilège de présenter. C'est un show européen incroyable. 200 millions de téléspectateurs, c'est aussi important que la coupe d'Europe de foot ! Et puis, il y a une variété musicale et le public est enthousiaste. Je suis toujours heureux d'être là.
"On verra à quelle sauce la France va être mangée."
Cette édition n'est d'ailleurs pas vraiment comme les autres...
Stéphane Bern : Cette année a une tonalité particulière, on le sent bien quand même. On est en train de sortir de la pandémie... On a une envie de fête, de musique, de sortir, de s'amuser, un désir de revivre d'une certaine manière. On verra pour nous à quelle sauce la France va être mangée mais on arrive avec une chanson très forte, qui me bouleverse. Barbara Pravi est une femme à la fois très fragile quand elle chante, très émouvante, et en même temps très forte. On sent qu'il y a du vécu derrière.
Laurence Boccolini : C'est pas sympa pour Marianne, les poils ! (Rires)
Stéphane Bern : Je parlais d'André Manoukian ! (Rires) Non mais à chaque fois, il y a un challenge. On a envie de bien faire, d'être bienveillant, mais on a envie de s'amuser et d'amuser les gens aussi.
"Vous ne pouvez pas être comme dans votre salon et raconter n'importe quoi".
Laurence Boccolini : C'est ma première ! Je ne sais pas dans quel état d'esprit je suis. Je n'ai pas peur, j'ai fait les deux demi-finales, ça m'a donné un avant-goût. Je vous dirai ça dimanche matin ! Mais je suis excitée comme une puce. Je veux être dans la cabine avec Stéphane, je veux entendre le générique, je veux que ça commence. C'est ma première surprise party, comme disait Sheila.
Justement, durant les deux premières demi-finales, on vous a senti un peu sur la retenue dans les commentaires, vous qui êtes habituellement très drôle et spontanée. Vous avez eu des directives ?
Laurence Boccolini : Alors non ! On va s'expliquer ! Je ne suis plus sur les réseaux sociaux depuis bien longtemps, par choix personnel. C'est vrai que quand j'y étais encore, on live-tweetait l'Eurovision avec les copains et on y allait. Ce que vous pouvez dire avec les copains ou sur les réseaux sociaux, c'est quelque chose de très différent... Ce n'est pas être corporate. On ne m'a jamais dit : "Ne dis pas ci, ne dis pas ça". Mais là vous ne pouvez pas être comme dans votre salon et raconter n'importe quoi. Ça, c'est un autre genre d'émission... J'ai un énorme respect pour les gens qui viennent et les délégations qui ont travaillé depuis un an. Après c'est peut-être pas à mon goût, mais on se doit de le respecter. Je ne me suis pas retenue, j'ai quand même dit deux, trois trucs qui m'ont fait rire, mais on n'a pas envie avec Stéphane de se moquer.
Laurence Boccolini : On peut dire des choses... Il y a des filles quand même très sexy, un peu dénudées...
Stéphane Bern : C'est vrai qu'il y a certains pays, on ne s'y attendait pas parce que quand on y va en touristes, on ne voit pas des filles comme ça... Mais on les envoie à l'étranger. (Rires)
Laurence Boccolini : Et ça, ce n'est pas méchant. On se moque de nous. Moi, j'ai dit qu'il y a des tenues qui ne m'iraient pas. Moi, je ne peux pas les porter. (Rires) Et puis, on est bons clients tous les deux, il se moque de moi, j'adore, et inversement. Mais on n'est pas là pour bitcher et faire les langues de vipères, ça me gênerait profondément. On les voit les artistes, on a vu Barbara travailler, c'est dur pour eux, les pauvres ! Vous vous rendez compte, s'ils se ratent devant ces millions de gens ? C'est un truc d'une vie.
Stéphane Bern : Et puis, c'est diplomatique ! Si on se moque, je n'ai pas envie d'avoir tous le corps diplomatique étranger à Paris sur le dos. N'oubliez pas que tous les ambassadeurs et toutes les communautés de ces pays nous regardent nous. Il m'est arrivé que l'ambassadeur de Macédoine du Nord m'appelle pour me dire : "Vous n'avez pas bien dit le nom du pays". On doit faire attention, on doit être respectueux des gens. Il y a des années, des présentateurs ont été méchants gratuitement, c'était une bande de copains qui se retrouvait à la télé et qui critiquait tout... Mais ça on le fait chez soi, pas devant 4 ou 5 millions de téléspectateurs.
Laurence Boccolini : C'est ce qu'il y a de plus facile d'être méchant.
Stéphane Bern : Et on peut être drôle sans être méchant ! J'ai plein de copains qui font des dîners Eurovision, ils se réunissent et ils bitchent entre eux. Ils ont envie qu'on se marre avec eux. Mais sans être méchants.
"Je connais à peu près toutes les prestations par coeur. Je n'ai pas besoin de fiches".
Avez-vous vu ensemble comment vous alliez vous répartir les prises de parole ?
Laurence Boccolini : Ah non ! Il va tout faire et, de temps en temps, je vais dire : "Ah oui c'est ça !". J'ai fait deux demi-finales, je suis fatiguée. (Sourire)
Stéphane Bern : Ce n'est pas vrai, elle plaisante, ça va être bien réparti. Entre nous, ce n'est pas celui qui va bouffer le plus le micro de l'autre. On va voir ça ce soir.
Laurence Boccolini : Vous savez, moi ça fait une semaine que je mange du streaming, du Turquoise Carpet, de toutes les chaînes Eurovision... Je connais à peu près toutes les prestations par coeur. Je n'ai pas besoin de fiches. (Rires)
Stéphane Bern : J'ai travaillé sur les éléments biographiques de chacun, car il faut présenter aux téléspectateurs ces artistes, dont sans doute ils n'entendront plus jamais parler. C'est bien et respectueux de parler de qui ils sont. Et il y a les cartes postales, il faut les expliquer, c'est important aussi.
Laurence Boccolini : Et puis, il y a les animateurs qui présentent en anglais, on traduit en direct mais on ne peut pas tout traduire, ça n'a pas de sens. Il faut qu'on se parle pendant ce temps-là, il faut qu'on explique aux gens comment voter. Il faut faire vivre la chose !
Vous avez des prestations préférées cette année ?
Laurence Boccolini : Hormis Barbara Pravi, évidemment ! Vous allez être contents, on a des goûts très différents.
Stéphane Bern : Malte elle est impressionnante ! J'aime beaucoup la Lituanie, ça m'a fait rire. Moi, j'aime les chanteuses à voix ! J'ai adoré la Belgique et le Portugal aussi. Mais je le reconnais, je le confesse, je n'aime pas le rock metal. Donc, l'Italie et la Finlande, ce n'est pas trop mon truc. L'Italie, je n'ai pas compris que les bookmakers mettent ça en premier... Après, ils sont beaux, ils ont du charisme, ils ont des tatouages mais ce n'est pas ma sensibilité.
Laurence Boccolini : J'aime les groupes qui font du rock, avec les cheveux longs. (Rires) Et l'Ukraine, c'est magique, c'est un OVNI. Ils ont osé jusqu'au bout. C'est de la flûte traditionnelle, un rythme traditionnel, elle chante avec la voix blanche... Ils se sont dit : "On va faire comme on veut, on ne va pas se formater". Moi ça m'a touché. J'aime bien ce côté-là. Ils osent !
" Moi, Barbara Pravi me bouleverse !"
Il y a deux chansons françaises parmi les favoris ("Voilà" de Barbara Pravi pour la France et "Tout l'univers" de Gjon's Tears pour la Suisse), vous avez l'impression que la langue française revient à la mode ?
Stéphane Bern : Je suis très heureux que Barbara Pravi chante sa chanson intégralement en français. D'abord, ça évite les polémiques inutiles, comme on a eu l'année dernière avec le ministre de la Culture qui s'énerve. Et aussi parce que l'Europe s'est construite en français, c'est un rappel historique. La langue de l'Europe, c'était le français. D'ailleurs, les commentaires à l'Eurovision il y a 65 ans étaient en français. Et puis, il n'y a plus aucunes raisons de parler anglais dans la communauté européenne, vu que les Anglais ont mis les voiles... (Rires) En tout cas, je trouve formidable qu'un pays chante dans sa langue. Ça m'agace que la Grecque, la Bulgare ou les Portugais chantent en anglais. Ce qui fait la richesse de l'Europe, c'est la diversité.
Comme souvent, la France est l'une des favorites chez les bookmakers, mais souvent le résultat final est décevant. Cette fois, vous y croyez ?
Laurence Boccolini : Alors là...
Stéphane Bern : A chaque fois, j'y ai cru. Tous les ans, je me dis toujours que c'est la bonne année donc je ne sais plus quoi dire... Moi, cette fille me bouleverse. Elle a un côté - pardon car c'est bateau mais c'est ce que je ressentais quand je voyais Piaf chanter - fragile et forte à la fois. Fragile parce qu'on sent qu'elle a mis ses tripes dans sa chanson, et elle le dit : "C'est tout ce que j'ai, je vous donne tout". Et on sent une force intérieure incroyable. La mise en scène est minimaliste. Je trouve ça très pur, très beau. Je lui souhaite de gagner ! Et puis enfin, si on accueille l'Eurovision en France, je serai à la place des animateurs, je serai super maquillé moi aussi, j'aurai des muscles l'année prochaine, plein de paillettes. Et puis on a construit la Seine Musicale pour ça et elle ne sert pas. A part pour l'Eurovision Junior en décembre prochain...
Est-ce que les contraintes sanitaires sont compliquées pour vous ?
Stéphane Bern : Oui, regardez nos narines !
Laurence Boccolini : Je vais me mettre un coton-tige à demeure...
Stéphane Bern : Comme Laurence, j'ai fait deux tests aujourd'hui, un à Paris et un ici en arrivant. Mais le bonheur d'être là le justifie... Et c'est rassurant pour tout le monde quelque part.
Laurence Boccolini : On doit en refaire un demain matin ! C'est très compliqué, on ne doit pas sortir de notre chambre, on se lave les mains tout le temps, mais comme tout le monde, on obéit. Sécurité d'abord ! Et ceux qui ne les ont pas respectées sont dans leur chambre d'hôtel, c'est triste, ça les prive eux après une année de travail.