Directeur de l'information à France Télévisions, Thierry Thuillier revient pour puremedias.com sur la performance de la soirée électorale de France 2, arrivée en tête devant TF1 dimanche soir. Portée par David Pujadas, Elise Lucet et Laurent Delahousse, elle a fédéré près de 5,2 millions de téléspectateurs en moyenne dès 19h, soit 22% du public. France 2 a devancé bien TF1, de manière très confortable même à partir de 20h10, atteignant jusqu'à 9,2 millions de téléspectateurs vers 20h20. A cet instant-là, TF1 n'était suivie que par 7,9 millions de téléspectateurs.
France 2 est arrivée en tête dimanche pour sa soirée électorale. Du jamais-vu depuis 1995, où le service public avait devancé la Une grâce à une soirée plus longue (31,8% de PDA vs 31,2%)...
Avant 20 heures, nous sommes à quasi à égalité avec TF1. A 20h10, en frontal, jusqu'à la fin de l'émission de TF1, on passe devant. Ça, je considère que c'est un très beau résultat, la mécanique de la puissance de TF1 est quand même difficile à contrarier entre 20 heures et 23 heures. C'est pour moi un aboutissement de la saison que nous venons de faire sur l'élection présidentielle.
C'était un objectif d'être en tête ?
Honnêtement non, vraiment. C'est une bonne surprise, nous ne nous sommes pas fixés d'objectifs d'audience. Une soirée électorale, c'est une énorme machine avec beaucoup de contraintes, notamment avant 20 heures. Il y a beaucoup de pression, on veut éviter à tout prix de se prendre les pieds dans la tapis. Nous sommes d'abord projetés sur notre propre antenne et ses propres enjeux. Notre objectif était de faire l'émission la plus informative tout en apportant des éléments novateurs.
Qu'est ce qui a fait la différence, selon vous ?
Je pense qu'il y a un effet d'image lié à la saison passée sur l'élection présidentielle. Les rendez-vous politiques de France 2 ont bien marché, c'est une forme de cohérence avec "Des Paroles et des actes" qui depuis les primaires ont marqué le rythme de la campagne jusqu'à hier inclus. Deuxième point, on a donné priorité aux extérieurs. On avait un plateau, on avait des hommes politiques de qualité mais on voulait s'ouvrir, car il y a des rassemblements, des militants qui s'expriment, des déplacements de candidats. Tout ceci fait partie d'une soirée électorale et parfois on a tendance à l'oublier au bénéfice des personnalités politiques présentes autour de la table.
On a l'impression qu'une nouvelle fois, TF1 est restée sur ses acquis de 2007. C'est votre sentiment ?
Notre sentiment, c'est celui d'un challenger. Nous sommes second en réalité. L'idée qu'il faut innover pour exister, on l'a en nous. On l'a cultive depuis plusieurs années. On a toujours en tête de trouver des formes plus audacieuses parce que nous n'avons pas le statut de leader. Sur les émissions politiques c'est en train de changer mais il faut être prudent, nous ne sommes pas à l'abri d'un ratage. Il faudra établir un bilan au bout du bout sur le plan qualitatif et de l'audience.
Si vous deviez retenir une image de cette première soirée électorale, ce serait laquelle ? On a beaucoup parlé de la séquence dans le bureau de François Hollande à 19h55.
Oui, mais pas seulement. La séquence de Le Pen père et fille que nous avons eue très vite, aussi. Mais également, le discours de Nicolas Sarkozy, notamment dans sa dernière partie qui n'a pas été diffusée sur TF1 je crois. Il a repris la parole en disant des mots assez étonnants ("Vous avez été formidables, vous vous êtes battus"). On avait l'impression d'un général qui sortait ses troupes au combat, c'était assez marquant. Ce que j'ai moins aimé en revanche, ce sont les échanges en plateau, quand les hommes politiques se coupent la parole sans arrêt au point qu'on n'arrive même plus à savoir ce qu'ils disent. Cette image-là n'est pas bonne, pour personne. Ni pour les médias, ni pour la classe politique.
On a beaucoup moqué le balais des motos derrière les candidats. C'est une figure imposée des soirées électorales ?
Je peux comprendre que les gens s'en moquent, ce n'est pas un exercice très reluisant et facile. Mais c'est devenu un exercice quasi-obligé, surtout au deuxième tour. La moto, c'est un moyen de déplacement très efficace. Je pense comme ceux qui nous critiquent : il faut arriver à maîtriser cet outil, ce n'est pas le Tour de France ! Parfois, on peut donner dans l'excès et aller trop loin. Dimanche soir, on aurait pu se passer de certains moments mais globalement, c'était plutôt pas mal réussi, cela nous a apporté des séquences pas vues ailleurs. Mais cela ne doit pas être un gimmick !
Fait marquant à 18h50, l'AFP annonce les estimations du premier tour avant tout le monde. Avez-vous hésité à briser l'embargo à ce moment précis ?
Non, je n'ai pas hésité, nous nous y étions engagés. Mais c'était un sale coup... Cela a accentué la pression sur mes épaules et des journalistes sur le terrain. Partout, nous avions des gens susceptibles de pouvoir craquer l'embargo après cette dépêche. Cela a été très compliqué à gérer mais je loue la discipline de nos équipes, il n'y a eu aucun dérapage.
La loi électorale doit-être justement être modifiée ?
Oui, je ne vous le cache pas, je ne suis pas fan. Elle a une élection de retard, on doit absolument arriver à la réformer. Pour cela, après l'élection, le législateur, le CSA et les médias devront se réunir pour adapter le dispositif aux nouveaux moyens d'informer. Cela peut passer par l'heure de la fermeture des bureaux de vote. 20 heures pour tout le monde, c'est compliqué pour les communes rurales qui ne peuvent pas maintenir la logistique jusqu'à cette heure. Coupons la poire en deux, faisons chacun un pas et 19 heures pour tout le monde serait idéal. Cela préserverait l'horloge française (résultats à 20 heures) et l'embargo.
Cette loi électorale, France 2 l'a enfreint à 13 heures en diffusant un sonore de Jean-Luc Mélenchon. Que s'est-il passé ?
Quand on parle de maîtrise, on y est. Je ne parle pas du journaliste. Loïc de la Mornais est un excellent journaliste, il s'est laissé emporté. Une consigne avait été donnée le matin en demandant aucun son de candidat, des entourages ou militants. C'est une consigne qui n'a pas été bien comprise, c'est une responsabilité collective. C'est une erreur qu'on a reconnue tout de suite. Le CSA nous a prévenu assez rapidement, ce qui est logique. Sur sept heures d'antenne, cela a duré 10 secondes. C'est un son assez anecdotique, cela n'a pas changé la face du scrutin mais nous n'aurions pas dû et cela ne se reproduira pas.
Le débat entre les deux finalistes sera probablement organisé le 2 mai. Les candidats ont-ils déjà pris contact avec vous pour son organisation ?
Les candidats non même si nous avons eu des contacts informels avant le premier tour. On va passer aux travaux pratiques désormais. Nous avons rencontré le CSA cet après-midi pour faire état à TF1 et France 2 de notre démarche. On doit rencontrer assez vite toujours avec le CSA les représentants des deux candidats pour décider des moindres détails. David Pujadas l'animera pour France 2.