"Une affaire d'Etat" annonce Le Monde aujourd'hui. Selon le quotidien, "les services secrets ont, sur ordre, violé la loi sur le secret des sources pour tenter de colmater les fuites du dossier Bettencourt". Rappel des faits : en juillet 2010, Gérard Davet, journaliste pour le quotidien (et co-auteur de "Sarko m'a tuer"), enquête sur l'affaire Bettencourt qui ébranle l'Elysée et son ministre du budget de l'époque, Eric Woerth. Davet échange des courriels, passe des appels, comme tous les journalistes. Sauf que la liste de ses correspondants se retrouvera sur le bureau de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) – le contre-espionnage français –, "qui a bien procédé à l'examen des appels téléphoniques passés (...) entre le 12 et le 16 juillet 2010, afin de tenter d'identifier ses sources".
L'affaire n'est pas nouvelle. Mais l'exécutif a toujours démenti, jusqu'à ce que Le Monde porte plainte. La juge d'instruction parisienne Sylvia Zimmermann, chargée depuis le 13 mai d'une information judiciaire, confirme aujourd'hui les suspicions du quotidien. Les enquêteurs ont obtenu deux télécopies, classées "confidentiel" et adressées au contre-espionnage à Orange. Deux télécopies dans lesquelles la DCRI "réclame les factures téléphoniques détaillées liées au téléphone portable de Gérard Davet". "La DCRI, dirigée par Bernard Squarcini, un policier réputé très proche de Nicolas Sarkozy, souhaitait alors obtenir le détail des communications téléphoniques passées par notre collaborateur, entre le 12 et le 16 juillet 2010" note Le Monde. Pour quelles raisons ? Ces demandes du contre-espionnage sont intervenues après les révélations du Monde mettant en difficulté Eric Woerth dans le cadre de l'affaire Bettencourt. Le journaliste Gérard Davet n'est pas la seule victime de cet espionnage. David Sénat, conseiller technique de l'ancien garde des sceaux Michèle Alliot-Marie, est soupçonné d'être la taupe du Monde. Ses factures seront aussi analysées, il sera démis de ses fonctions quelques jours plus tard.
"Les données désormais en possession de la juge contredisent donc clairement la thèse que le pouvoir n'a cessé d'affirmer sans cette affaire. Elles montrent que les autorités se sont d'abord procuré des informations confidentielles sur un journaliste, en toute illégalité, avant de s'intéresser à sa source éventuelle. Et non l'inverse comme elles l'ont toujours soutenu" explique Le Monde. En 2010, le pouvoir avait farouchement nié cette affaire d'espionnage, certains comme Nathalie Kosciusko-Morizet parlant "d'un vieux fantasme français relayé par les médias". Reste à savoir qui ont été les donneurs d'ordre. Nicolas Sarkozy en personne ou ses proches collaborateurs ? L'enquête devrait le dire.