Patrick Bloche ne va sans doute pas se faire que des amis dans le PAF. Hier, le président PS de la commission de la Culture de l'Assemblée nationale a dévoilé une ambitieuse proposition de loi "visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias". Préparée en "étroite collaboration" avec le ministère de la Culture et adoptée avant-hier par le groupe socialiste, cette dernière se veut une réponse au vaste mouvement de concentration actuellement à l'oeuvre dans les médias, de la reprise en main de Canal+ par Vincent Bolloré à l'émergence de "l'empire Patrick Drahi".
Première priorité de cette proposition de loi : mieux protéger les journalistes des pressions de leur direction. Le texte prévoit ainsi de graver dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse le principe selon lequel "tout journaliste a le droit de refuser toute pression, de refuser de signer un article, une émission, partie d'émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté". Un journaliste ne pourra plus "être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle".
En écho aux récentes polémiques touchant Canal+, le texte veut aussi généraliser les comités d'éthique dans l'ensemble des radios et télévisions nationales "diffusant des émissions d'information politique et générale". Les nouvelles structures seront chargées de veiller à "l'honnêteté, l'indépendance, le pluralisme de l'information et des programmes". Ils pourront s'autosaisir mais surtout être "consulté(s) pour avis" par tout un chacun, "une disposition qui fera sans doute débat" selon Patrick Bloche. Les comité d'éthique devront aussi signaler au CSA tout dérapage et rendre public leur bilan annuel.
Alors que l'indépendance du nouveau comité d'éthique de Canal+ a été récemment remise en cause, le législateur veut désormais s'assurer de la fiabilité de leur composition. Ne pourra ainsi être membre d'un comité d'éthique d'une chaîne de télévision, une personne qui a eu, "pendant ses fonctions et dans un délai de trois ans avant sa nomination", un quelconque intérêt ou lien avec la chaîne, l'un de ses actionnaires, ou une quelconque société dans laquelle la chaîne ou un actionnaire détient une participation. "Soit on respectera ces dispositions et on sera dans la légalité. Soit on ne les respectera pas et on sera dans l'illégalité", souligne Patrick Bloche. A bon entendeur, salut.
La composition et les modalités de fonctionnement de ces comités d'éthique seront gravées dans le marbre des conventions signées entre les chaînes privées et le CSA. Ce dernier veillera au respect des principes d'honnêteté, d'indépendance et de pluralisme à l'occasion des renouvellements des conventions de chaînes ou lors de l'attribution de nouvelles autorisations à émettre.
La proposition de loi de Patrick Bloche veut enfin lever le voile sur les actionnariats des organes de presse particulièrement opaques pour l'instant. Si elle est adoptée telle quelle, la proposition de loi forcera ainsi les journaux à dévoiler publiquement chaque année l'identité de leurs actionnaires et la part qu'ils détiennent dans la société de presse. Si elle est véritablement mise en oeuvre, cette disposition pourrait réserver de nombreuses surprises...
Patrick Bloche s'attend à un débat "chaud" autour de sa proposition de loi. "Ca va un peu remuer. Certains vont bientôt se mettre en mouvement pour obtenir la modification de certaines dispositions", prédit-il. Plusieurs groupes comme Canal+ et NextRadioTV (BFMTV, RMC) ont en tout cas déjà fait part de leur volonté d'être entendus prochainement par les parlementaires dans ce dossier. Alors que le texte devrait être déposé la semaine prochaine sur le bureau de l'Assemblée nationale, Patrick Bloche espère boucler sa première lecture devant la Chambre basse "avant le printemps".