France Inter, première radio de France. La vague d'audience de Médiamétrie, portant sur la période septembre/octobre 2019, a apporté son lot de bonnes nouvelles pour la station publique, qui réalise la meilleure rentrée de son histoire en étant écoutée chaque jour par 6,37 millions d'auditeurs en audience cumulée, pour une part de marché de 12,5%, à seulement 0,1 point d'écart de RTL, qui culmine à 12,6%. puremedias.com a invité Yann Chouquet, directeur des programmes de France Inter, à commenter ces bons résultats.
Propos recueillis par Christophe Gazzanopuremedias.com : France Inter est de nouveau première radio de France avec une performance historique à la clé : ça vous étonne ou ça vous rassure ?
Yann Chouquet : Ca ne m'étonne pas, parce que ça confirme la tendance qui s'est installée sur ces deux dernières vagues. Et ça me rassure parce que ça veut dire qu'à l'heure de la défiance à l'égard des médias, on peut prouver qu'une radio de service public qui a vraiment pour but de faire de la réconciliation générationnelle, de faire place publique, de créer le débat, parle à de nombreux auditeurs.
Concernant les programmes, cela me rassure sur les changements opérés, sur le rajeunissement qu'on essaie de maintenir en permanence, un virage amorcé il y a cinq ans avec la venue de nombreux humoristes et la mise en ligne de contenus d'humour sur les réseaux sociaux. Nous avons également pris un virage pop culture il y a deux ans avec Antoine de Caunes.
Vous avez également installé un nouveau rendez-vous à 13h30 avec "La Terre au Carré", sorte de spin-off de "La Tête au Carré" dédié à l'environnement.
C'était un pari. Je ne vous cache pas que j'ai eu un peu peur sur le fait d'envoyer chaque jour un message anxiogène aux auditeurs. Mais comme le disait très bien quelqu'un dans la matinale d'hier, on peut parler d'environnement en parlant de la beauté de la planète et on n'est pas obligés d'envoyer un signal négatif tous les jours. Ce qui est certain, c'est que la programmation de cette nouvelle émission rejoint les préoccupations de nos jeunes auditeurs, qui sont de plus en plus nombreux. Sur cette vague, Mathieu Vidard rassemble aujourd'hui 1,16 million d'auditeurs*, soit 212.000 de plus que l'année dernière. Et "La marche de l'histoire", déplacée à 14h30, monte aussi. Elle rassemble 514.000 auditeurs* (+33.000 sur un an).
"Nous sommes la seule généraliste qui rajeunit"
Est-ce-que cette vague d'audience fait apparaître d'autres hausses notables ?
Oui. Le "5/7", qui était en difficulté et qui se cherchait, progresse de 18%. On est leaders à partir de 6h30. La dernière demi-heure avec cette table ronde de chroniqueurs économiques et politiques fonctionne très bien. C'est la première émission de bande de la journée sur France Inter. Derrière, la matinale est la première de France avec une progression de 200.000 auditeurs. Et encore une fois, ce qui est intéressant, c'est le recrutement sur les jeunes auditeurs, qui profite à la matinale. Les 13/34 ans sont aujourd'hui 582.000*, c'est 145.000 de plus qu'il y a un an. Nous sommes la seule généraliste qui rajeunit.
Sur l'ensemble de la journée, quelle performance réalisez-vous auprès des 13/34 ans ?
Ils représentent 1,10 millions d'auditeurs*, soit 113.000 de plus sur un an. Ca, c'est un signe de bonne santé alors que le média radio souffre (avec une perte de 776.000 paires d'oreilles sur un an pour les généralistes, ndlr). Dans un paysage général assez catastrophique, on s'en sort bien donc c'est bon signe.
"En quelques années, la concurrence est passée de strictement radio à audio"
Dans l'univers des radios généralistes, qui considérez-vous comme votre concurrent le plus sérieux aujourd'hui ?
RTL est évidemment un concurrent très sérieux, très solide, très installé, qui fait de la bonne radio. C'est vraiment une belle machine. Après, ils sont sur une autre logique. Ce matin, ils revendiquent la part de marché (la station communique sur son leadership sur ce point, ndlr), c'est normal. La PDA, c'est l'indicateur qui intéresse les régies commerciales. Nous, c'est l'audience cumulée car en tant que radio de service public, ce qui nous intéresse, ce sont les points de contact avec l'auditeur. Mais la concurrence se diversifie. J'ai tendance à dire que RTL est un concurrent historique mais qu'aujourd'hui, quand on voit la baisse du média radio, je regarde plutôt les nouveaux acteurs digitaux que sont Spotify, Deezer, Apple et des plus petits tels que Majelan ou Sybel. En quelques années, la concurrence est passée de strictement radio à audio. C'est évidemment dû à la multiplicité des usages, avec des auditeurs qui s'éparpillent. Nos auditeurs nous écoutent de plus en plus sur smartphone et la concurrence disponible sur un smartphone est différente. La concurrence évolue dans ce sens-là, sur l'univers digital.
France Inter arrive-t-elle néanmoins à tirer son épingle du jeu dans cet univers digital ultra-concurrentiel ?
Notre avantage, c'est d'être une radio généraliste qui rassemble plusieurs générations. On est très solides sur les auditeurs âgés de 34 ans et plus tandis que les nouveaux acteurs sont très solides auprès des jeunes, des 13-34 ans. La radio de service public a encore de beaux jours devant elle et il y aura toujours des moments où l'auditeur aura besoin de radio, d'information. A date, ces acteurs ne sont pas encore capables de fournir de l'information, des émissions de divertissement et des magazines qui nécessitent un savoir-faire et des besoins financiers particuliers pour les produire. Pour l'instant, ils se concentrent sur la musique et c'est donc du côté des radios musicales qu'il y a urgence à transformer le modèle.
"'Affaires sensibles' est le plus gros podcast français"
Comment se portent les podcasts de France Inter ? Y a-t-il des émissions qui fonctionnent davantage sur le numérique qu'à l'antenne ?
Le parfait exemple, c'est "Affaires sensibles", qui est diffusée entre 15h et 16h, c'est-à-dire au moment le plus creux de la journée en radio. C'est le plus gros podcast français avec 4,2 millions d'écoutes en différé pour le mois d'octobre. "Le Moment Meurice" fait 2,8 millions, "Par Jupiter !" 1,7 million...
Que pensez-vous de la mesure d'audience des podcasts que s'apprête à mettre en place Médiamétrie ?
J'attends de voir, mais il est intéressant de pouvoir mesurer la profondeur d'écoute.
Depuis la rentrée, vous avez lancé une nouvelle émission dédiée aux séries chaque samedi à 20h, "Une heure en séries". Etes-vous satisfaits des premiers retours ?
Complètement, même si je me méfie toujours des résultats des audiences le week-end sur les premières vagues, surtout des vagues aussi courtes. Mais on voit un réel engouement du côté des podcasts et l'émission est leader le samedi soir avec 533.000 auditeurs*, soit 144.000 de plus que l'année dernière.
"A chaque publication de sondage, il y a une bataille de la communication pour sortir numéro 1 quelque part".
Pour revenir sur la concurrence, quand on voit que France Inter et RTL sont toutes deux engagées dans une bataille de communication ce matin pour se revendiquer "première radio de France", ne trouvez-vous pas cela un peu ridicule au fond ?
C'est du jargon professionnel. C'est vrai que c'est un peu ridicule, mais RTL est une radio commerciale donc il est normal qu'elle se base sur son indicateur d'audience qui est la PDA. Nous, on a toujours communiqué en audience cumulée et vous remarquerez que tous les chiffres qui sortent dans la presse se font toujours en audience cumulée. A chaque publication de sondage, il y a une bataille de la communication pour sortir numéro 1 quelque part.
Il y a quelques jours, une polémique est née autour du partenariat entre France Inter et Roman Polanski pour son dernier film "J'accuse" suite à une nouvelle accusation de viol visant le réalisateur. Envisagez-vous de revoir les conditions de vos futurs partenariats ?
Ce n'est pas évident. Cela signifie qu'il faudrait instruire un dossier sur le passé de chaque auteur, de toutes les oeuvres. Mais les partenariats ne concernent pas seulement le cinéma, ils concernent aussi les livres, les disques, les expos... C'est un dossier sans fin. Laurence Bloch (patronne de la station, ndlr) a exprimé sa position sur l'affaire Roman Polanski, qui est de soutenir une oeuvre mais pas particulièrement l'artiste ou en tout cas son passé.
"On ne parle pas assez de l'univers du jeu vidéo"
Sur quels projets travaillez-vous pour les prochains mois ?
On réfléchit à des choses pour l'été, qui est toujours une période de test et surtout pour la rentrée prochaine. Ce qui est important, c'est toujours d'observer l'époque. Ce qui caractérise vraiment France Inter, c'est l'époque. Par exemple, je trouve qu'on ne parle pas assez de l'univers du jeu vidéo. Aujourd'hui, on passe un peu à côté de cette industrie qui est la première dans le monde en matière de divertissement. C'est un chantier.
Un chantier qui pourrait donner lieu à l'avenir à une émission dédiée à l'antenne ?
Oui, comme on l'a fait pour les séries. Ou alors une déclinaison sur une autre antenne numérique. C'est à étudier, mais ça fait partie des signaux massifs de l'époque quand on voit tout ce qui s'est passé il y a quelques jours autour de la finale de "League of Legends". Et puis aujourd'hui, le jeu vidéo parle beaucoup plus de la société et du monde que simplement du jeu vidéo.
La tradition veut que l'équipe de France Inter se rende sur le plateau de "Quotidien" sur TMC pour commenter ces bons résultats. Est-ce-que ce sera de nouveau le cas ce soir ?
Je ne pense pas, ce n'est pas prévu. Mais ça peut changer dans la journée.
* Chiffres en audience cumulée