18h50, sous-sol de France Télévisions lundi. Debout sur un canapé rouge en plein milieu d'un large couloir, Thomas Thouroude, à peine sorti de la première d'"AcTualiTy", tient à s'adresser à ses équipes : "On dit souvent quand ça ne va pas. Ca me paraît important de dire aussi quand ça va bien", commence l'animateur encore sous l'effet de l'adrénaline du direct. "Je pense qu'on a réussi cette première émission au regard de tout ce qu'il s'est passé et des efforts qu'on a faits ces dernières semaines et ces derniers mois. Bravo à tous. Longue vie à 'AcTualiTy' !", lance-t-il ensuite sous les applaudissement de ses troupes, cinq minutes seulement après l'accouchement à haut risque de cette nouvelle émission censée lancer l'access de France 2, une case ô combien stratégique.
Légère, l'ambiance tranche avec celle, plus tendue, qui régnait une heure et demi plus tôt dans ce même couloir où puremedias.com avait pu se glisser. Techniciens s'affairant aux pas de course pouvaient alors croiser des chroniqueurs jetant un dernier coup d'oeil fébrile à leurs notes, le tout dans une joyeuse cohue dont l'écho était seulement couvert par le chauffeur de salle de l'émission en train de gonfler à bloc le public du jour.
A 17h47 précisément, le coup d'envoi d'"AcTualiTy" était finalement donné par un générique jazzy très efficace. "L'émission qui éclaire l'actualité" avait choisi lundi d'attaquer par deux sujets sérieux : l'affaire Bygmalion et la jungle de Calais. L'occasion pour l'animateur et son équipe de montrer d'entrée de jeu l'ambition journalistique du programme mais aussi d'afficher leur parti pris : celui de se mettre à hauteur du téléspectateur et de "prendre le temps d'expliquer l'actualité". Pour ce faire, une méthode simple et efficace : une question posée au début de chaque thème et une réponse en une phrase apportée à la fin. Avec en bonus, un Thomas Thouroude se mettant dans la peau du téléspectateur moyen.
Après des débuts un brin hésitants, l'émission trouve progressivement son rythme. De plus en plus à l'aise sur son plateau boisé rappelant "Le Grand Journal" de l'ère Denisot, son animateur bateleur se libère totalement avec l'arrivée de Michel Cymès, premier invité de l'émission, qui fait parfaitement le job comme on pouvait s'y attendre. Les séquences s'enchaînent sans bug majeur et à un rythme juste. Après une dernière pastille particulièrement réussie signée Mathieu Madénian et Thomas VDB, c'est déjà la fin de la première de l'émission. "A domani 'AcTualiTy' !" conclut Thomas Thouroude avant de rendre l'antenne.
Commence alors la pêche aux avis dans les coulisses. Ceux des réseaux sociaux tout d'abord, les plus immédiats. Dès la fin du direct, la plupart des chroniqueurs, des équipes de production et de France Télévisions sont ainsi rivés sur leurs smartphones, tentant de dégager une première tendance, avant que ne tombe le jugement de la presse et surtout les audiences du lendemain matin. "Les réseaux sociaux t'aiment", lance en loges, amusé, un cadre d'Elephant à un Thomas Thouroude en pleine redescente. "Ma mère a dit que ça allait marcher. Pourtant elle est très critique d'habitude !", veut croire la chroniqueuse Nathalie Schuck, avant de s'éclipser.
Assailli de toutes parts, Thomas Thouroude préfère se focaliser sur ce qu'il peut contrôler : la qualité de son émission. "On a fait une émission digne, qui tient debout, qui a une vraie structure (...) Les éclaireurs ont été très bons. On a eu la chance d'avoir Michel Cymès... Non, je trouve que c'est une première réussie", décrypte à chaud l'animateur, visiblement satisfait même s'il y a "mille trucs" à améliorer. Une analyse que semble partager Vincent Meslet, présent à ses côtés en loges après avoir assisté en coulisses à l'émission. "Il y a plein de bonnes choses. C'est un bonne première même s'il y a évidemment des choses à ajuster, comme toujours", estime le patron de France 2, visiblement soulagé lui aussi.
Difficile de donner tort aux deux hommes. Si l'émission ne révolutionne pas la télévision et reste perfectible, elle parvient en tout cas à rassurer et tient surtout sa promesse de départ : celle "d'apprendre des trucs et de se marrer de temps en temps" comme le résume Thomas Thouroude.
Reste maintenant à savoir si les téléspectateurs répondront présents à cette nouvelle proposition d'actu programmée dans une case sinistrée et marquée par l'échec fracassant de Sophia Aram en 2013. Lundi soir, ils n'étaient que 438.000 curieux devant leur poste, soit 4,2% de l'ensemble du public, un faible démarrage. A Thomas Thouroude et à ses équipes désormais d'en faire venir d'autres, jour après jour. "On est là jusqu'à ce que la chaîne en décide autrement", aime à dire Thomas Thouroude. Le plus tard sera le mieux.