L'éléphant a-t-il accouché d'une souris ? Les sénateurs ont présenté ce jeudi à la presse leur rapport final de 380 pages, fruit des travaux de la commission d'enquête sur la concentration des médias. Pendant trois mois, cette commission créée à l'initiative du groupe Socialiste, Ecologiste et Républicain, a auditionné pas moins de 82 personnes, dont des grands industriels tel Vincent Bolloré pour Vivendi, dont le groupe Canal+ est une des filiales ou Bernard Arnault pour LMVH.
Le rapport final contient 32 propositions parmi lesquelles l'idée d'assurer "une ressource fiscale autonome et pérenne pour le financement de l 'audiovisuel public". Les élus se sont également prononcés pour un "grand chantier de la réforme complète de la loi de 1986 (loi relative à la liberté de communication, ndlr) pour créer enfin un cadre de régulation adapté au XXIe siècle". Il ne s'agit en l'état que de propositions, charge ensuite au futur gouvernement de les appliquer ou non.
Mais pour certains membres de la commission, le résultat est loin d'être à la hauteur des attentes. C'est ce que pense notamment Jean-Raymond Hugonet, sénateur Les Républicains de l'Essonne et vice-président de la commission qui avait pour rapporteur le socialiste David Assouline. Dans un communiqué, l'élu a résumé sa pensée en reprenant le titre d'une pièce de William Shakespeare : "Beaucoup de bruit pour rien". "Les travaux de la commission d'enquête ont permis d'établir que la concentration des médias n'était pas excessive en France et que le pluralisme de l'information était pleinement respecté", assure-t-il.
Et de déplorer : "Les sénateurs du groupe Les Républicains considèrent que le rapport de la commission d'enquête – au-delà des analyses utiles concernant l'évolution du secteur – a manqué sa cible et ne permet pas de répondre aux défis que posent des plateformes américaines ultra-dominantes à des médias français trop petits, trop réglementés et trop peu soutenus par les pouvoirs publics".
Comme le rapporte "Le Monde", les débats entre sénateurs de gauche et de droite autour des propositions de ce rapport final ont été peu sereins avec pas moins de six heures d'échanges. "L'ambiance était un peu belliqueuse", témoigne ainsi la sénatrice LR Evelyne Renaud-Garabedian dans les colonnes du quotidien du soir. Parmi les principaux points de crispation, le camp de droite a peu apprécié de voir le rapporteur David Assouline qualifier CNews de "chaîne d'opinion" estimant que la commission d'enquête n'avait pas permis de trancher s'il s'agissait plutôt d'une "chaîne de débats" comme elle le revendique. "Le rapport montrait beaucoup de mansuétude à l'égard de l'audiovisuel public, et menait un réquisitoire disproportionné contre Vivendi, compte tenu de l'audience de CNews", juge dans "Le Monde" le sénateur LR Max Brisson.