Il n'aurait pas grand chose à faire là. Auditionné hier au Sénat par la commission d'enquête sur la concentration des médias en France, Vincent Bolloré s'est évertué pendant plus d'une heure à démontrer qu'il était largement étranger au sujet intriguant les parlementaires.
Se présentant comme un modeste "conseiller" de Vivendi sur le point de prendre sa retraite, il a présenté son groupe de médias comme un "petit nain" du secteur. "Contrairement à ce qui est écrit un peu partout, nous sommes encore tout petit (...) Le Vivendi d'aujourd'hui est infiniment plus petit que le Vivendi d'il y a 20 ans, et qui ne posait à l'époque aucun problème", a-t-il fait valoir. "Vivendi, c'est 15 milliards de capitalisation boursière, Sony, c'est 156, Disney 287, Tencent 586, Apple, 2.812", a-t-il énuméré ensuite, slide de Power Point à l'appui.
Alors que les sénateurs s'inquiètent du risque pour la démocratie que fait peser une trop grande concentration des médias privés en France, le tycoon d'Ergué-Gabéric a tâché de les rassurer sur ses intentions. Il a notamment promis que le projet de Vivendi était "exclusivement économique" et sans "intérêt politique". "Contrairement à ce que pourrait croire les gens, c'est un secteur qui peut gagner beaucoup d'argent. C'est le deuxième secteur le plus rentable dans le monde, après le luxe", a-t-il affirmé pour justifier la boulimie d'acquisitions de Vivendi depuis qu'il en a pris les commandes.
Quant aux accusations d'intervention dans les choix éditoriaux de ses médias, Vincent Bolloré les a balayées. "Ce sont les trois mêmes vieilles histoires qui se répètent indéfiniment", a tranché l'homme d'affaires, pour qui ces critiques sont de basses représailles au plan d'économies mis en oeuvre à son arrivée à Canal+. "J'ai été le bouc émissaire", n'a-t-il pas hésité à déclarer, récusant toute "gestion brutale" de Canal+ au profit d'un simple "courage de dire les choses".
Vincent Bolloré est allé jusqu'à affirmer n'avoir quasiment aucune influence sur ce qu'il se passe dans ses médias. "Je n'ai pas le pouvoir de nommer qui que ce soit à l'intérieur des chaînes. Je peux proposer. Je peux donner mon avis. Si quelqu'un n'a pas envie de le faire, il ne le fait pas (...) Ma capacité personnelle à aller imposer des choses n'est pas très importante, contrairement à ce que vous pensez", a-t-il tenté de faire croire.
Relancé par un sénateur sur ses liens avec Eric Zemmour, qui révèle dans son dernier livre avoir été recruté sur CNews par Vincent Bolloré en personne, l'homme d'affaires a de nouveau minimisé. "Je n'ai déjeuné qu'une seule fois avec Eric Zemmour, quand on lui a proposé de rejoindre CNews. Son programme ne me regarde pas, je n'ai jamais fait de politique. Je ne ferai jamais de politique", a-t-il évacué, se présentant comme un "démocrate-chrétien" dont l'ADN est "la liberté".
Quand certains parlementaires ont de nouveau pointé du doigt la ligne droitière adoptée par certains de ses médias, Vincent Bolloré a assuré que "toutes les expressions" avaient au contraire droit de cité. Et d'ironiser : "On pourrait dire que je suis déconstructionniste et woke ! Vous avez vu la polémique sur 'iel'. 'Iel', c'est 'Le petit Robert', 'Le petit Robert' c'est Editis (propriété de Vivendi, ndlr). Editis c'est Vincent Bolloré".
Concernant le sort des médias du groupe Lagardère, sur lequel il s'apprête à lancer une OPA, Vincent Bolloré a enfin expliqué attendre le feu vert de la commission européenne. "Avant, nous n'avons rien le droit de faire", a-t-il rappelé, tentant ensuite de rassurer les salariés du "Journal du dimanche", qui craignent un rapprochement avec CNews. "Il y a une telle pression faite par les médias en disant : 'Vincent Bolloré est un épouvantable Boogeyman (croquemitaine, ndlr)', que c'est normal que 'Le journal du dimanche' ait peur (...) Ils n'ont pas à se sentir menacés" a-t-il assuré. Avant d'ajouter : "C'est un avis personnel".