C'était le 15e procès opposant le patron de Vivendi à des journalistes en deux ans. Mécontent du portrait que lui avait consacré "Complément d'enquête" sur France 2 le 7 avril 2016, Vincent Bolloré avait saisi le tribunal de commerce pour atteinte à ses intérêts commerciaux après sa rediffusion par la chaîne publique. L'industriel breton avait alors réclamé à France Télévisions 50 millions d'euros. A l'issue d'un premier procès le 12 juin dernier, le tribunal de commerce de Paris avait relaxé France 2. L'actionnaire de Vivendi avait annoncé qu'il faisait appel de la décision.
Ce mercredi, la Cour d'appel de Paris a donné une nouvelle fois raison à "Complément d'enquête". Une victoire pour France 2 et son journaliste Tristan Waleckx, qui s'est accompagnée d'une condamnation de Vincent Bolloré pour "procédure abusive". Vivendi avait déjà été condamné pour la même raison le 7 mars dernier pour avoir poursuivi le journaliste Nicolas Vescovacci, co-auteur du livre "Vincent tout-puissant" (éditions Lattès), paru en janvier 2018.
Ce n'est pas la seule procédure qui oppose Vincent Bolloré à France 2 et notamment Tristan Waleckx, l'auteur du portrait de l'industriel breton. Le mardi 5 juin dernier, le tribunal de grande instance de Nanterre avait décidé de relaxer France 2 et Tristan Waleckx après la plainte en diffamation déposée par Vincent Bolloré fin novembre 2016. Toutefois, l'industriel breton a également fait appel de cette décision, et l'affaire a été de nouveau jugée le 12 février dernier. Par ailleurs, une troisième procédure est toujours en cours au Cameroun, après la plainte déposée en novembre 2016 par la Socapalm, filiale camerounaise de Socfin, dont le groupe Bolloré est actionnaire, contre France Télévisions et Tristan Waleckx.
Le reportage de Tristan Waleckx se concentrait notamment sur les activités camerounaises du groupe Bolloré et avait mis en lumière le cas de la Socapalm, accusée d'avoir recours à de la main d'oeuvre mineure. Un autre extrait du reportage décrivait les conditions dans lesquelles le groupe s'était vu confier l'attribution de l'exploitation du port de Kribi, au Cameroun. Cette enquête avait valu à ses auteurs d'obtenir le prix Albert Londres 2017.
Vincent Bolloré avait publiquement accusé l'équipe de "Complément d'enquête" de bidonnage et estimé que les jeunes témoins interrogés dans le reportage avaient menti. Selon l'homme d'affaires, l'un d'entre eux serait bien majeur, tandis que l'autre ne travaillerait pas pour la Socapalm. "Quand vous êtes (...) dans une mauvaise foi, dans un mensonge qui a pour but de déstabiliser, de décrédibiliser, il y a un moment où malheureusement, vous êtes obligé de dire 'Halte au feu !'. On arrête de parler. On laisse passer. Et je le regrette franchement", s'était épanché l'industriel devant ses actionnaires en juin 2016. Le reportage intitulé "Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien ?" avait été rediffusé sur France 2 le 21 juillet de la même année, provoquant la fureur de l'industriel.