Axeptio est une "adtech" dont le nom parle de plus en plus aux internautes, grâce à un style et un ton qui sortent du lot (dont la fameuse accroche "Coucou, c'est nous... Les cookies !"). Cette solution permet aux sites - notamment ceux des médias - de collecter les précieux consentements de leurs visiteurs, dans le but d'affiner la mesure d'audience et d'optimiser les revenus publicitaires. Explications.
Propos recueillis par Benoit Zante
Purémédias : Les "cookies box", popups et bannières se sont multipliés sur les sites médias ces dernières années, avec des interfaces de plus en plus complexes. Comment l'expliquer ?
Romain Bessuges-Meusy : En réalité, les sites ont rarement leur mot à dire sur le sujet, car ce ne sont pas eux qui dictent les règles du jeu. Pour collecter les consentements, les éditeurs sont en effet pris entre le marteau et l'enclume : d'un côté le RGPD [Règlement Général sur la Protection des Données, entré en vigueur en Europe en 2018], de l'autre les contraintes de l'industrie publicitaire, qui se base sur les données personnelles recueillies pour valoriser les inventaires des éditeurs.
À chaque connexion d'un internaute, l'objectif est donc de récupérer le plus rapidement possible le consentement de l'utilisateur pour lui afficher au plus vite une publicité ciblée... Résultat : l'image de marque des médias en pâtit. Tout l'enjeu pour les éditeurs est aujourd'hui de sortir de cet étau, en reprenant le contrôle sur l'expérience de collecte du consentement, mais aussi sur la monétisation.
Sur le web, les éditeurs de solutions de collecte des données personnelles - les CMP, pour "Consent Management Platforms" - avancent souvent masqués. Chez Axeptio, vous avez fait le choix d'apparaître explicitement. Pourquoi ?
Effectivement, nous voulons faire d'Axeptio une marque connue du grand public, en endossant la responsabilité de l'expérience de collecte des consentements. Notre équipe vient du e-commerce et du gaming, plus que de la publicité. Depuis le début, nous avons donc abordé la question sous un angle différent, en prêtant une grande attention à l'expérience utilisateur et en faisant le choix d'un style conversationnel et convivial.
Notre but est de rendre la collecte des consentements la plus agréable possible, alors que dans la plupart des cas, dès qu'on se connecte à un nouveau site, on a l'impression d'avoir le couteau sous la gorge pour accepter les cookies... Au final, nous constatons que notre approche bénéficie à tout le monde, puisque les marques avec une bonne image profitent de performances plus importantes.
A plus long terme, nous entendons jouer un véritable rôle de tiers de confiance sur ce marché. Nous préparons d'ailleurs la sortie à venir de "Taste", une extension à installer sur son navigateur, qui permettra de simplifier la gestion des consentements, tout en laissant à chacun la main sur ses données.
"Avec "Axeptio for Brands", nous avons aujourd'hui atteint un bon niveau de maturité, ce qui nous a décidé à développer notre propre solution pour les médias"
Jusqu'à présent, Axeptio ciblait plutôt les marques et les annonceurs. Aujourd'hui, vous proposez votre solution aux médias : pourquoi ?
Avec "Axeptio for Brands", nous avons aujourd'hui atteint un bon niveau de maturité, ce qui nous a décidé à développer notre propre solution pour les médias. Dans le cadre du RGPD, ceux-ci doivent en effet répondre à des règles spécifiques. Notre solution "Axeptio for Publishers" est donc conforme aux règles du TCF 2.2 définies par l'IAB [l'organisation qui représente les intérêts des acteurs de la publicité en ligne]. Elle donne notamment la capacité à l'internaute de choisir un par un chaque intermédiaire autorisé à accéder à ses données et offre des capacités de personnalisation importantes, pour l'adapter au style et à la charte graphique du site web.
Par le passé, nous avons toujours été très critiques de la version 1 du TCF, qui représentait pour l'internaute un vrai problème de respect de ses préférences. C'est d'ailleurs ce que la justice belge a confirmé récemment. Mais l'IAB a depuis revu sa copie pour proposer un standard bien plus acceptable, cohérent avec les valeurs que nous défendons : transparence, respect des internautes, absence de "dark patterns", etc.
Quels sont les conseils que vous donneriez aux médias pour améliorer l'expérience sur leurs sites ?
Ils ont tout à gagner à penser à l'expérience de consentement comme une expérience d'"onboarding" : quand on arrive sur un site internet et qu'on y trouve une invitation qui ne reprend ni les codes du média, ni son ton, avec un texte totalement juridique et dépersonnalisé, les performances de consentement sont bien moindres... A l'inverse, nous cherchons à créer une expérience qui crée de la confiance et engage les visiteurs dans une logique de long terme, de l'acceptation des cookies vers la création d'un compte, jusqu'à l'abonnement.
Il y a aussi un enjeu pour les marques médias de réduire le nombre de partenaires publicitaires. La décision du TCF 2.2 qui implique d'afficher le nombre d'intermédiaires amenés à traiter les données collectées va dans ce sens. Ne pas pré-cocher toute la liste des partenaires, c'est déjà une marque de respect pour les visiteurs. Mais il faut aller plus loin pour recréer la confiance, en réduisant le nombre d'intermédiaires : cela permet de montrer que l'on a pas sacrifié la vie privée de ses internautes pour quelques centimes de revenus additionnels.
Plus généralement, tout doit être mis en oeuvre pour rééquilibrer les sources de revenus. Aux côtés des revenus de la publicité programmatique, les revenus liés aux données propriétaires et aux abonnements doivent être développés pour sortir de la dépendance à la publicité ciblée et aux plateformes. C'est aussi ça le rôle d'une CMP : aider les médias à mieux connaître leurs visiteurs et à collecter des données "first party", grâce à la création d'un lien de confiance. L'enjeu de la CMP dépasse donc la simple question de la conformité au RGPD et de la monétisation publicitaire pour toucher à des questions de modèle économique.
"La fin des cookies tiers marquerait un vrai retour en arrière en matière de vie privée"
Quelles évolutions anticipez-vous sur ce sujet de la collecte des données personnelles pour les années à venir ?
Il va y avoir encore des changements... Sur le plan réglementaire, en particulier, il y a deux sujets à suivre avec attention : la validation ou non du TCF 2.2 par l'équivalent belge de la CNIL et la mise à jour de la directive ePrivacy au niveau européen. Il est probable qu'on s'oriente vers un durcissement de la législation...
A cela s'ajoutent des évolutions techniques, avec la fin des cookies tiers et l'arrivée de la Privacy Sandbox de Google, qui vont représenter un bouleversement majeur pour tout le secteur. Sur ces sujets, il faudra regarder du côté de la Grande-Bretagne, au niveau de la Competition and Markets Authority : celle-ci va déterminer si Google peut mettre fin aux cookies tiers de manière unilatérale sans que ce soit considéré comme un abus de position dominante.
A noter que pour nous, le cookie tiers est la moins pire des solutions : il est auditable et bien plus transparent que les solutions alternatives qui sont souvent des boîtes noires. La fin des cookies tiers marquerait un vrai retour en arrière en matière de vie privée.