C'est un choc dans le monde des médias allemands. Le célèbre hebdomadaire "Der Spiegel" a révélé hier dans un long article sur internet que l'un de ses journalistes, Claas Relotius, avait imaginé un grand nombre de ses reportages en Syrie. Ce grand reporter vedette d'outre-Rhin, âgé de 33 ans, avait reçu le 3 décembre dernier le prix du meilleur reportage de l'année pour une enquête sur la guerre en Syrie parue en juin dans le prestigieux titre de presse.
"Beaucoup de choses sont purement imaginées, inventées, mensongères. Citations, lieux, scènes, personnages soi-disant de chair et de sang. Fake !", a écrit "Der Spiegel", affirmant que "toutes les sources" de l'article pour lequel Claas Relotius a été primé sont "douteuses". Le journal allemand a précisé qu'il y aurait au moins 14 articles parmi les 60 qu'il a écrits, qui seraient "en partie falsifiés". Ce nombre pourrait être encore plus grand puisque le journaliste a collaboré avec d'autres titres de presse avant d'intégrer la rédaction du "Spiegel" en 2017.
Comment l'hebdomadaire est-il parvenu à découvrir la supercherie ? A la suite d'un reportage publié à la mi-novembre, un journaliste de la rédaction du "Der Spiegel" a alerté la direction après avoir eu des doutes sur l'authenticité des sources citées par Claas Relotius dans un article qu'ils avaient co-signé. Les deux reporters avaient écrit sur une milice de citoyens américains patrouillant le long de la frontière avec le Mexique pour empêcher les migrants d'accéder aux Etats-Unis.
"Après avoir commencé par nier, Relotius a finalement avoué en fin de semaine dernière", a poursuivi "Der Spiegel" sur son site internet, ajoutant que Claas Relotius a désormais quitté le journal : "Il a trompé avec intention et de façon méthodique (...) il n'a jamais rencontré nombre de protagonistes qu'il cite". Concernant les "descriptions" dans ses reportages, le reporter menteur s'est "beaucoup inspiré d'autres médias ou d'extraits vidéos".
Face à ces accusations, le grand reporter a plaidé "la peur de l'échec" et la volonté d'enjoliver ses articles pour les rendre plus plaisants à lire. "La pression que je me mettais à ne pas m'autoriser à échouer grandissait au fur et à mesure que j'avais plus de succès", aurait-il déclaré à la direction du journal, selon "Le Monde". Et de lancer : "Je suis malade et j'ai besoin qu'on m'aide". L'hebdomadaire a tenu à présenter ses excuses à ses lecteurs et la direction a annoncé la création d'une "commission de trois journalistes expérimentés" afin d'enquêter sur les "falsifications qui ont eu lieu".