Interview
"Dr House" : la productrice reconnaît que la série est "parfois allée trop loin"
Publié le 11 juin 2013 à 12:42
Par Charles Decant
Actuellement à Monte-Carlo pour le Festival de Télévision, Katie Jacobs revient sur la fin de "Dr House" après huit ans, les négociations difficiles et le départ de certains acteurs.
Hugh Laurie dans "Dr House" Hugh Laurie dans "Dr House"© NBC Universal
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Depuis hier, acteurs et producteurs de séries se sont donné rendez-vous à Monte-Carlo pour le 53ème festival de Télévision. C'est dans ce cadre que puremedias.com a pu rencontrer Katie Jacobs, co-créatrice et productrice de "Dr House", dont la huitième et dernière saison s'est terminée l'an dernier aux Etats-Unis, et dont le dernier épisode a été diffusé en France, sur TF1, le 19 mars dernier, avec un bon bilan d'audiences là où les scores aux Etats-Unis avaient considérablement chuté. L'occasion de faire le point avec Katie Jacobs sur les hauts et les bas qu'a connus la série, les négociations difficiles à la fin de la saison 7 ou encore et plus simplement ce qu'implique son rôle de productrice.

Propos recueillis par Charles Decant.

Commençons par une question très simple : en quoi consiste le rôle de producteur ou de productrice ? Quelle était votre implication dans "Dr House" ?

C'est une très bonne question ! Parce que, quand on regarde la série, on voit énormément de noms de gens qui sont producteurs. L'idée de la série "Dr House" vient de moi. Il y a plusieurs types de producteurs, et moi, je suis productrice créative. L'idée de la série m'est venue après avoir lu un article dans le magazine du New York Times, cette idée d'une série médicale qui est aussi un mystère : qu'arrive-t-il à ce patient ? Gail Berman dirigerait Fox à l'époque et je me suis souvenue que, plus tôt cette année-là, elle m'avait dit "Je veux une série médicale mais je ne veux pas voir des blouses blanches qui courent dans les couloirs !". J'avais travaillé avec David Shore sur une série auparavant, j'avais un contrat avec lui. Lui était avocat avant d'être scénariste, et il m'a dit "Mais je ne peux pas écrire une série médicale, je suis avocat !". Je lui ai dit que si ! En tant que productrice non-scénariste, j'ai dû trouver les réalisateurs, organiser les castings, trouver les équipes...

Tout ça, c'est ce que vous avez dû faire au début, pour lancer la série. Mais vous êtes restée productrice pendant les huit saisons : que faisiez-vous sur la série ?

J'étais très impliquée. J'interagissais beaucoup entre la chaîne et le studio. Et puis il y avait aussi l'esthétique du show. Il fallait trouver des réalisateurs parce qu'il y avait 24 épisodes par saison. Il faut donc embaucher les gens qualifiés pour retranscrire à l'écran l'esprit de la série. Et puis il fallait suivre la construction des décors, il y avait le marketing, la publicité, la post-production...

Et vous avez réussi à continuer à vivre à côté de tout ça ?

J'ai vécu là-bas, sur place ! Ils ne me laissaient pas beaucoup sortir ! (Rires) Certains partaient faire des enfants, revenaient, et moi j'étais toujours là ! Mais c'était un boulot fantastique. J'ai travaillé avec des scénaristes phénoménaux, des équipes talentueuses, des acteurs magnifiques...

"Parfois, on est allé trop loin"

Vous avez vendu l'idée de la série à Fox. A l'époque, les héros aussi négatifs n'existaient pas vraiment, en tous cas pas sur les grandes chaînes. Ca a été difficile ?

Oui. C'était nouveau et c'était compliqué. Mais l'une des forces d'un acteur aussi talentueux que Hugh Laurie, c'est que, en plus d'être intelligent, sarcastique et arrogant, il est surtout drôle ! Ca rend les choses plus faciles. Et il a une vraie profondeur d'âme ! C'est le genre d'acteurs qui peut être une chose à l'extérieur et une autre à l'intérieur quand on braque la caméra sur lui. Il peut être arrogant, méchant même, mais si on regarde dans ses yeux, il vous invite à le découvrir. On voit qu'il y a autre chose derrière que sa méchanceté. Si on avait casté le mauvais acteur, je pense qu'on n'aurait pas pu lui pardonner autant de choses.

Justement, au fil des saisons, House a fait des choses assez affreuses. Les fans étaient parfois très critiques sur les actions du personnage, certains trouvaient qu'on ne pouvait plus lui pardonner. Est-ce que vous vous posiez souvent la question de savoir jusqu'où il était possible d'aller ?

On se posait sans cesse cette question ! Côté médical, il ne pouvait jamais aller trop loin tant qu'il ne tuait pas le patient. S'il le sauvait, tous les trucs fous qu'ils s'étaient permis étaient justifiés. Qu'il stoppe leur coeur, qu'il leur retire tout leur sang, qu'il provoque des convulsions... Tant qu'il survit, il peut aller aussi loin qu'on veut. Mais sur le plan émotionnel et social, c'est une question très différente. Je pense que, pendant plusieurs saisons, le fait de garder une certaine distance avec les gens était compréhensible parce que ça venait d'une faiblesse, en fait. Au début de la série, évidemment, le fait qu'il ait un handicap n'était pas arbitraire. Il disait qu'il n'aimait pas voir les patients, mais en réalité, il n'aimait pas être vu par eux. Parce que c'est difficile d'avoir confiance en un médecin qui est handicapé, selon lui. Il se cachait beaucoup. Parfois, on est allé trop loin. Et les fans nous l'ont fait savoir.

"La fin de la série a été dure"

Quand on a un personnage central aussi fort, comment fait-on pour développer malgré tout des intrigues intéressantes pour les personnages qui l'entourent ?

Ce qui est amusant, c'est que chaque personnage qu'on met en contact avec House est une manière d'en apprendre plus sur lui, en fait. Et c'est l'une des choses que j'ai le plus aimées quand on a introduit de nouveaux personnages dans la saison 4. C'était une nouvelle façon de découvrir ses réactions face à des personnages différents. On ne savait jamais à quoi s'attendre. On a eu la chance que les autres acteurs aient la force et la stature de porter des personnages forts. Ce que j'adorais quand on faisait des table reads - on s'asseyait autour d'une table avant chaque épisode pour lire le scénario -, c'est que les acteurs comme Robert Sean Leonard ou Omar Epps ou Lisa Edelstein avaient leur voix à eux. On n'a jamais eu des personnages faibles ou similaires. On n'aurait jamais pu confondre Cuddy et Cameron, qui sont deux personnalités très différentes.

Mettre un terme à tout ça après huit saisons, ça a été difficile ?

Ca a été dur. Parce qu'on est un peu devenu une famille. On ne pense qu'à ça. Donc ça fait un changement énorme. On n'a pas l'habitude d'avoir des boulots qui durent si longtemps ! Jamais en fait ! Donc ça a été doux-amer. J'étais très reconnaissante, fière de ce que j'avais accompli. Mais c'était aussi un vrai adieu.

"Je pourrais raconter l'histoire de House qui ouvre une pharmacie !"

Y avait-il encore des histoires à raconter ?

C'est difficile de savoir quand il faut s'arrêter. Mais ça dépend à qui vous posez la question. David Shore, par exemple... Il a travaillé comme un fou. Il dirigeait la salle des scénaristes, il était aussi producteur... Il était fatigué ! (Rires) Pour moi, ce n'était pas le cas. Le personnage de House est un personnage que j'aimerai toujours, et je continuerai à rêver de ses aventures, de ce qu'il pourrait faire aujourd'hui. J'aurais sans doute pu continuer un peu plus longtemps. Je me rappelle du double épisode qui ouvre la saison 6, on n'était même pas dans l'hôpital. C'était intéressant pour moi, ça m'a permis d'imaginer ce qu'on pouvait faire en dehors de ce lieu. J'aurais pu continuer parce que j'étais vraiment investie, que j'étais fascinée et que j'aimais vraiment ce personnage. Je pourrais raconter l'histoire de House qui ouvre une pharmacie !

Vous êtes satisfaite de la fin de la série ?

Pour moi, c'est un peu flou. La fin de la série est floue pour moi parce qu'il y avait des émotions contradictoires. J'ai vu moins de la fin de la série que de toutes les autres saisons. Un jour, je regarderai vraiment, à fond. Je me souviens que Hugh m'a parlé du documentaire "Swan Song" qu'il a fait à propos de la série, juste avant la fin. Un jour, j'ai vu que je l'avais enregistré automatiquement et ça m'a rendue triste... ! C'est dur !

Est-ce que Wilson est finalement l'âme soeur de House ?

Je crois oui. En tous cas dans la version que l'on a vue, avec la fin qu'on connaît. Mais plus loin, je pense qu'il doit y avoir une âme soeur féminine pour lui, quelque part. Mais si Wilson est son âme soeur, ça ne me dérange pas ! En revanche, ce n'est pas Cuddy. Je ne pense pas, non.

"La baisse de moyens a été un défi"

Pour en revenir à la fin, on a beaucoup entendu parler lors des deux dernières saisons des négociations financières, pour que "Dr House" ait une saison 8. En tant que productrice, vous avez dû vous battre pour la série. On imagine que c'était devenu plus amer que doux, du coup...

C'est un peu à ça que je faisais référence quand je parlais de la fin qui était un peu floue pour moi, en fait. Ces choses-là ne sont pas arbitraires. J'ai un regard un peu unique, puisque j'étais productrice exécutive. A la fin de la saison 7, les audiences ont chuté. Donc pour la saison 8, on a eu moins d'argent. Mais c'est comme ça ! Mais pour moi, à partir du moment où je connais le coeur de ma série, qui ici est House, si on me donne dix noix pour faire la série, je la ferai pour dix noix. Mais si on ne m'en donne que deux, je trouverais un moyen de la faire pour deux noix. Pour moi, l'important, ce sont les personnages. Le fait qu'on ait eu moins d'argent, pour certains, c'est scandaleux et injuste, mais pour moi, c'était un défi. Les audiences ont chuté à la fin de la saison 7, donc c'était à nous de nous débrouiller ! Je sais que ce n'est pas un point de vue habituel, mais c'est le mien.

C'est très pragmatique !

Oui, c'est vrai. Donc pour moi, c'était une période un peu bizarre. Et je ne suis pas du genre à être remplie de colère. J'étais encore heureuse d'avoir la chance de pouvoir imaginer ce personnage et ses aventures.

Quels sont vos projets maintenant que "House" est fini ?

D'abord, je suis ravie d'être ici, sans rien produire ! Ca me permet de sortir un peu de mon bureau et de quitter le pays ! Je travaille sur un film pour Sony en ce moment. Et peut-être une nouvelle série, j'en suis au tout début mais je ne suis pas sûre que ça va se faire. Mais quoi qu'il arrive, il y aura toujours un thème un peu fil rouge dans mon travail, qui est de m'intéresser à la rédemption de personnages, s'ils le méritent ou non. De gens dont l'attitude ne reflète pas ce qu'ils sont. Je suis un peu fleur bleue, comme ça.

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