Fin de partie pour "Ebdo". Selon les fondateurs Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry à l'AFP, le journal s'arrête deux mois après son lancement et son éditeur s'est déclaré en cessation de paiement. Toutefois, le magazine a fait savoir qu'il sortira demain son dernier numéro. Dans un communiqué, "Ebdo" a souligné que "la rédaction avait réussi de belles choses" en deux mois et s'est félicité des "20.000 lecteurs qui ont acheté ou reçu chaque semaine ce journal de poche qui ne ressemble à aucun autre."
"Un journal sans publicité ne peut pas vivre sans lecteurs. S'il ne se vend pas, il meurt. C'est la règle du jeu et nous la connaissions avant de nous lancer dans l'aventure d'un journal indépendant et sans publicité", a poursuivi le communiqué du journal, avant de conclure : "Il reste le formidable espoir suscité par ce journal, ces mois intenses de préparation, l'innovation de la source et de grandes émotions vécues ensemble, malgré quelques tempêtes."
A l'AFP, les fondateurs ont reconnu un "échec commercial", en raison de ventes décevantes qui se sont ajoutées au retrait d'investisseurs et de deux banques. Rollin Publications a demandé la nomination d'un administrateur judiciaire pour "préserver l'activité" des revues XXI et 6mois qu'il édite également, et sauvegarder une partie de ses 63 emplois.
L'hebdomadaire, créé par l'équipe des revues "XXI" et "6 mois" et édité par Rollin Publications, avait vu le jour à l'issue d'une campagne de financement participatif auréolée de succès : un peu plus de 400.000 euros avaient été récoltés pour un objectif affiché au départ de 150.000 euros. "Ebdo" comptait même près de 6.000 abonnés avant la sortie de son premier numéro le 12 janvier dernier.
Près d'un mois après son lancement, "Ebdo" s'était retrouvé au coeur d'une polémique pour son enquête controversée sur le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, accusé de violences sexuelles par le journal. Le principal intéressé a déposé plainte pour diffamation contre le titre. "Ce n'est pas du journalisme et pour l'instant, ma seule réponse sera judiciaire", estimait mi-mars le ministre sur France Inter. La méthode employée par "Ebdo" avait été critiquée par ses confrères, notamment par "Le Canard Enchaîné".
Le 15 mars dernier, "Libération" faisait part des difficultés financières d'"Ebdo" et citait les rumeurs de liquidation judiciaire, de plan social ou encore de cessation de parution qui circulaient en interne. Selon le journal, l'affaire Hulot avait même fait fuir un investisseur individuel. Les résultats obtenus par "Ebdo" étaient en-deçà des espérances avec 8.000 abonnés et des ventes au numéro qui stagnaient entre 8.000 et 10.000 exemplaires chaque vendredi, loin des 70.000 abonnés et des 20.000 exemplaires écoulés attendus.
A toutes ces déceptions étaient venues se greffer les difficultés économiques du distributeur de presse Presstalis, qui a dû décaler ses paiements, mais aussi des tensions en interne. "Le choc des cultures à l'intérieur de la rédaction a été mésestimé, et son effet sur le temps qu'il faut pour créer un collectif", témoignait Patrick de Saint-Exupéry, co-directeur de la rédaction de "Ebdo" dans "Libération".
- Christophe Gazzano et Florian Guadalupe