Service minimum. Deux jours après que Ronald Guintrange, journaliste de la chaîne, a surinterprété à l'antenne des propos de l'ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, BFMTV a présenté ses excuses à ses téléspectateurs dans un bref communiqué publié sur son site internet.
"À l'occasion de l'émission '120 minutes' du dimanche 26 novembre 2023, une formulation inexacte et malheureuse a été utilisée concernant des propos de Dominique de Villepin tenus dans la semaine", écrit la chaîne info. "BFMTV présente ses excuses à ses téléspectateurs. La vigilance de chaque instant est le gage de la confiance entre la chaine et son public", conclut-elle sans contextualiser davantage.
Un petit retour en arrière s'impose donc pour comprendre ce qui s'est passé ce dimanche 26 novembre 2023. Ronald Guintrange recevait, ce soir-là sur le plateau de "120 minutes", le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi, pour évoquer avec lui la libération en cours par le Hamas de 17 otages, 14 Israéliens et 3 Thaïlandais. Depuis ce vendredi 24 novembre 2023, date du début de la trêve entre Israël et le Hamas, les belligérants procèdent à la remise en liberté de captifs au compte-gouttes. Trois jeunes Franco-israéliens âgés de 12 à 16 ans ont ainsi été libérés ce lundi 27 novembre.
Aussi, le président du Crif a insisté sur la recrudescence des actes antisémites en France : 1.800 cas ont été recensés entre l'attaque du Hamas du 7 octobre et le 20 novembre 2023, selon des chiffres relayés par BFMTV. Dans la foulée, Ronald Guintrange a soumis à son invité des propos attribués à Dominique de Villepin. L'ancien Premier ministre (2002-2004) avait participé à "Quotidien" le jeudi 23 novembre sur TMC.
"Voici ce qu'il déclarait", cite Ronald Guintrange. "Au départ, il parle des États-Unis. Il dénonce la domination de la finance juive sur les sociétés occidentales. Cette domination, dit-il, empêche les gens d'exprimer leur soutien aux Palestiniens victimes d'un effroyable nettoyage ethnique en direct. Il commente la situation américaine et il dit que c'est la même chose en France", surinterprète Ronald Guintrange.
Problème de taille : jamais, lors de sa réponse à une question de Yann Barthès sur l'hésitation des artistes à prendre la parole sur le conflit au Proche-Orient, l'ancien locataire de Matignon n'a fait de lien entre la "domination de la finance" et la religion juive. La phrase prononcée par Dominique de Villepin, mise en exergue à l'écran par BFMTV, ne fait d'ailleurs aucune référence à la religion juive.
Cette "formulation inexacte et malheureuse", dixit BFMTV, sous-entend néanmoins que les propos de Dominique de Villepin seraient antisémites. Ce dont convient le président du Crif en plateau. "Une partie de la bourgeoisie française a toujours considéré qu'on pouvait associer les Juifs à l'argent et au pouvoir. En faisant cela, Dominique de Villepin s'inscrit dans la lignée de Raymond Barre, qui, d'ambivalences en ambiguïtés, a lui aussi laissé une trace d'infamie par certaines de ses prises de position", a-t-il soutenu.
À l'erreur déontologique ont succédé des propos qui ont choqué. Pour inviter son interlocuteur à réagir à une supposée condamnation de l'antisémitisme à deux vitesses, Ronald Guintrange de s'interroger : "Est-ce que quand on parle, excusez-moi du raccourci, d'un petit arabe en banlieue en disant qu'il a des propos antisémites, c'est facile, et là on parle d'un ancien Premier ministre de la France et on a du mal à comprendre ce qu'il veut vraiment dire".
Le choix de ces mots a provoqué la colère de Djamel Mazi. L'ancien présentateur de "Sur la ligne" sur France 2 (2022/2023), aujourd'hui journaliste sur Franceinfo, a dénoncé, sur X (nouveau nom de Twitter) ce lundi 27 novembre 2023 "du racisme à l'état pur de la part d'un confrère". "En direct. C'est quoi la prochaine étape ??? Inacceptable", a-t-il conclu.
Dans son communiqué, BFMTV n'a pas fait mention de ces propos.