De lourdes accusations. Ce jeudi 23 mai 2024, "Cheek" et "Mediapart" publient conjointement une enquête dans laquelle six femmes dénoncent des faits de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle de la part du comédien Edouard Baer. Plusieurs d'entre elles pointent des comportements plus que déplacés de l'acteur lorsque celui-ci travaillait à France Inter et à Radio Nova.
En novembre 2016, alors qu'il est choisi pour animer la matinale de Radio Nova, Camille*, alors hôtesse d'accueil de la station, raconte comment Edouard Baer l'a approché. "Camille , on pourrait rester juste à la regarder", aurait dit le présentateur, qui se serait installé à plusieurs reprises derrière elle. "C'étaient des comportements étranges. Une fois, je me suis retournée pour lui demander si tout allait bien, il s'est approché près de moi, a pris ma tête dans ses mains et m'a fait un baiser sur le front", confie la jeune femme qui avait 21 ans à l'époque.
La témoin évoque le jour où le matinalier l'aurait invité dans la matinale à réciter un poème et celui-ci l'aurait mordu : "Au moment de la coupure pub, avant mon passage, Edouard s'approche de moi, il prend mon bras et il me mord". Interrogé par les deux rédactions, un salarié de Nova précise : "J'ai appris qu'il l'avait mordue, comme ça, pour s'amuser. Ce n'était pas un sujet pour les gens autour qui avaient assisté à la scène, c'était banal : 'C'est Edouard, il déconne'. Il est brillant, donc on lui passe tout'".
Toujours en 2016, une journaliste de 24, Liv*, aurait approché la radio pour intégrer la matinale d'Edouard Baer pour tenir une chronique. Après avoir participé à une soirée, durant laquelle le présentateur aurait multiplié les poèmes à son encontre, celui-ci aurait lancé à la jeune femme : "Toi, clairement, t'as pas un physique de radio". Quelques jours plus tard, lors d'un déjeuner en tête-à-tête, il lui aurait posé des questions intimes sur sa vie amoureuse et lui aurait fait des avances. Elle explique avoir ensuite reçu plusieurs messages par jour : "A chaque fois, ce n'est jamais pour parler de l'émission".
Quelques temps plus tard, Liv lui aurait fait comprendre qu'elle souhaitait qu'il cesse ce comportement. Ce à quoi elle n'aurait pas eu de réponse, ni d'autres messages. Convoqué par la suite par la rédaction en chef de la matinale, elle aurait appris que sa chronique est supprimée. Joints, plusieurs collaborateurs précisent qu'elle n'est pas la seule chroniqueuse remerciée à l'époque dans le cadre d'un remaniement de l'émission et qu'il n'y a pas de lien avec les messages reçus. Toutefois, elle l'aurait croisé de nouveau. "Edouard me tient la porte et me dit : 'Dans la vie, quand on veut éconduire un homme, il y a des façons de le faire", témoigne Liv, sans autre témoin.
En mai 2018, Anne*, une stagiaire à Radio Nova, témoigne de questions personnelles gênantes, que lui aurait posé le comédien lorsque celle-ci était seule dans un bureau, comme son âge et son "type d'hommes" : "Et puis il me demande si la différence d'âge me dérange car lui a 51 ans". La jeune femme de 21 ans à l'époque aurait répondu "oui" avant qu'il ne réplique : "C'est dommage quand même". Il l'aurait ensuite "embrassée dans le cou", avant de partir de la pièce et finalement revenir pour s'excuser. "Je ne savais plus où me mettre, j'étais choquée, crispée et j'ai eu des sueurs froides".
A France Inter, en février 2019, alors qu'il occupait la tranche du dimanche soir, l'animateur aurait porté son dévolu sur une auditrice présente dans le public lors de l'enregistrement, Emma*. Edouard Baer l'aurait convié à sa table et lui aurait mis "des mains sur la cuisse". "Mais je vois ça comme un geste paternaliste", indique-t-elle dans un premier temps.
Un mois plus tard, alors qu'elle est retournée assister au programme avec une amie, elle serait tombée "nez à nez" avec le comédien français près des toilettes. Celui-ci lui aurait "parlé de tout et de rien", "fait son show en quelque sorte tout en lui faisant des accolades". Puis, il aurait "essayé de (l)'embrasser dans le cou et sur la bouche". "Je le repousse", assure Emma. "Non, je ne suis pas un porc, je suis un vieux satyre", aurait réagi Edouard Baer. Deux autres femmes témoignent dans "Cheek" et "Mediapart", l'une lors d'une approche sur Instagram et l'autre, lorsqu'il travaillait au théâtre Liberté à Toulon.
Contacté, Edouard Baer réagit aux diverses accusations dans les enquêtes : "C'est avec stupeur et une grande tristesse que je découvre les témoignages que vous me rapportez. Je ne me reconnais pas dans les mots ou les gestes qui me sont attribués, mais je ne peux qu'exprimer mes regrets que mon comportement ait mis mal à l'aise ou blessé ces femmes". "J'ai n'ai pas eu l'intelligence de le percevoir. J'en suis profondément désolé. Je n'ai jamais cherché à les heurter intentionnellement. Je leur présente toutes mes excuses", souligne-t-il. Et d'affirmer : "Que des femmes m'en veuillent à ce point-là, je ne l'aurais jamais imaginé".
*Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes citées à "Mediapart" et "Cheek"