Critique. Un téléfilm qui mériterait d'être diffusé dans les collèges et lycées de France. C'est ce que proposera TF1 ce soir, à 21h10, avec "Le jour où j'ai brûlé mon coeur". Produite par Ango Productions (Lagardère Studios) et réalisée par Christophe Lamotte, ce téléfilm en 2x52 minutes est une adaptation libre de "Condamné à me tuer" (XO Éditions), livre-témoignage de Jonathan Destin. En 2011, victime de harcèlement scolaire depuis l'école primaire, le jeune homme, âgé de 16 ans, avait tenté de mettre fin à ses jours en s'immolant par le feu. Deux ans plus tard, rescapé de cette tentative de suicide extrême, il avait décidé de raconter son histoire, afin d'encourager les enfants à parler et à sensibiliser les adultes à la question du harcèlement scolaire.
Après avoir librement adapté les histoires de Karen Aiach ("Tu vivras ma fille") et Sophie Serrano ("Ils ont échangé mon enfant") et après avoir épousé la vision de Jacqueline Sauvage dans l'affaire du même nom ("Jacqueline Sauvage, c'était lui ou moi"), la Une proposera donc son quatrième téléfilm de la saison inspiré de faits réels. Comme avec Jacqueline Sauvage, un dispositif de soirée continue est mis en place. Le téléfilm sera ainsi suivi, à 23h, du documentaire "Harcèlement scolaire : Le calvaire de Jonathan", produit par CAPA et avec le témoignage de Jonathan Destin et de ses proches.
Présenté comme un "13 Reasons Why" à la française, "Le jour où j'ai brûlé mon coeur" ne saurait être réduit uniquement à cela, malgré la présence indéniable d'éléments scénaristiques communs. Contrairement à la série de Netflix, le téléfilm de TF1 n'est pas strictement issu de l'imagination d'un auteur mais bien inspiré du vécu d'un adolescent dont une souffrance et un désespoir réels l'ont poussé à s'infliger un geste d'une violence terrible. Ce vécu douloureux, parfaitement saisi dans l'écriture, la réalisation et le jeu des acteurs confère un hyperréalisme à la fiction de la Une, bien éloigné de la "romantisation" du geste suicidaire et de ses conséquences sur l'entourage dans la série américaine.
Du côté du cast, après ses performances convaincantes dans "Les Bracelets Rouges" et "Deux gouttes d'eau", Michaël Youn surprend, une fois encore, dans un rôle dramatique qui lui va comme un gant. Dans la fiction de la Une, il incarne le CPE du collège, qui est aussi le père de l'un des camarades de classe de Jonathan. En quête de vérité, son personnage n'occulte pas sa propre part de responsabilité dans le drame et se reproche d'avoir fait partie de ceux qui ont vu les signes avant-coureurs mais n'ont pas su les décrypter pour intervenir à temps. Un rôle, imaginé pour la fiction, qui semble directement inspiré de celui du responsable pédagogique dans "13 Reasons Why".
Plus habituée au cinéma et au théâtre, Camille Chamoux incarne ici, avec beaucoup de sobriété, Sabine Destin, la mère de Jonathan. Comme le CPE, son personnage oscille entre culpabilité et révolte, sentiments auxquels s'ajoute la peur insurmontable de perdre son fils. Son personnage est le premier à être confronté à la radicalité du geste de Jonathan en pénétrant dans la chambre dans laquelle il est hospitalisé au sein d'une unité dédiée aux grands brûlés. Autour d'eux, évolue une myriade de personnages dont le très effacé père de Jonathan (incarné par Clément Manuel, ndlr), sa grande soeur habitée par un désir de vengeance, ses bourreaux au collège qui ne prennent pas la mesure de leurs actes, et la jeune fille dont Jonathan est amoureux.
Les jeunes personnages, victimes ou bourreaux voire victimes et bourreaux à la fois, sont crédibles et devraient facilement permettre l'identification auprès du jeune public, cible principale de ce téléfilm, qui pourra se reconnaître dans un monde adolescent où les interactions sont violentes et le téléphone portable, nouvelle arme redoutable à la disposition des harceleurs, omniprésent. Face à ce téléfilm réaliste et juste sur ce qu'il se passe dans les cours d'école, c'est toute la famille qui pourra se sentir concernée. Des enfants, victimes ou harceleurs, aux parents qui sont eux-mêmes passés par ce territoire violent que peut être une cour d'école.
La diffusion de ce téléfilm intervient alors que se tiendra jeudi la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, phénomène dont on estime qu'il concernerait un enfant scolarisé sur dix, soit 700.000 jeunes. Si TF1 s'engage à travers cette nouvelle soirée continue - la campagne "Non au harcèlement" mise en place par le ministère de l'Éducation nationale l'année dernière sera d'ailleurs rappelée à l'antenne -, France 4 consacrera, elle, demain à 21h, la première de sa nouvelle émission "Suite parentale" à ce sujet. En direct, ce programme dérivé de "La Maison des Maternelles", présenté par Agathe Lecaron et Benjamin Muller, proposera à des parents d'apprendre à décrypter les signes qui peuvent indiquer que leur enfant est harcelé.
Découvrez ci-dessous un extrait du témoignage de Jonathan Destin accordé à France 3 en 2016 dans le cadre du documentaire "Souffre-douleurs, ils se manifestent" et qui comptabilise plus de 24 millions de vues sur Facebook.