Un nouveau visage à la tête de "Libération". Après le départ cet été de Laurent Joffrin, qui a fondé son mouvement politique Les Engagé.e.s., le journaliste franco-israélien Dov Alfon est devenu mercredi le nouveau directeur de la rédaction du quotidien. Sur proposition de Denis Olivennes, cogérant et directeur général du titre, sa candidature a été plébiscitée par les journalistes, qui lui ont accordé 90,8% des suffrages. Agé de 59 ans, Dov Aflon est un professionnel respecté, réputé pour son fort caractère et dont le travail a déjà été salué par plusieurs récompenses internationales. Il a déjà pu prendre le pouls de la rédaction depuis le mois de juin dernier après avoir été recruté par Denis Olivennes qui lui a confié au départ une mission sur le numérique.
"'Libération', c'est un titre fort, unique, avec des valeurs d'indépendance et d'humanisme auxquelles je suis profondément attaché", a déclaré Dov Aflon dans un communiqué. Sur son compte Twitter, publiant une photo de lui en 1985 en train de lire le quotidien, le journaliste a promis à sa rédaction : "On ne va pas s'ennuyer !". Dans son projet présenté à la rédaction, le nouveau patron a assuré vouloir s'impliquer beaucoup plus que ne l'était Laurent Joffrin, omniprésent sur les plateaux télé.
Avant "Libération", l'homme a travaillé pour le quotidien de gauche israélien "Haaretz", qu'il a dirigé pendant trois ans entre 2008 et 2011. Il en est par la suite devenu le correspondant à Paris depuis 2016. Comme le rapporte "Le Monde", le nouveau directeur de la rédaction entend mener plusieurs chantiers internes ambitieux. "L'objectif n'est pas de faire de 'Libé' autre chose que ce qu'il est aujourd'hui. Ce sera le même quotidien, mais d'abord numérique et qui développera en particulier l'investigation, le reportage et l'opinion", résume Denis Olivennes dans une interview accordée au "Point".
Sur le numérique, la volonté est de muscler le contenu publié en temps réel et d'accroître le nombre d'abonnés ; en passant à 110.000 abonnés en 2023, contre 40.000 aujourd'hui. Sur l'investigation, prenant pour exemple l'enquête remarquée concernant le harcèlement chez l'éditeur de jeux vidéo Ubisoft, Dov Aflon veut en faire la pierre angulaire de "Libération". Le professionnel estime que c'est un domaine à même d'attirer de nouveaux lecteurs, quitte à développer les articles sous forme d'épisodes comme le font déjà "Mediapart" ou "Les Jours" sur internet.
Cette nomination intervient alors que "Libération" est devenu ce mois-ci un fonds de dotation pour la presse, statut comparable à celui d'une fondation, censé assurer son indépendance. Cela acte son départ du giron d'Altice ; le groupe ayant promis de combler le passif cumulé de "Libération" et de doter le fonds des "moyens nécessaires au financement de son exploitation future". Diffusé à 70.000 exemplaires, le quotidien a enregistré 8 millions d'euros de pertes en 2019 et ne désespère pas de renouer à terme avec l'équilibre financier. "Notre business plan est solide et sérieux", assure Denis Olivennes au "Point".