Info ou intox ? Depuis plusieurs semaines, de nombreux médias français relatent les actions d'un mouvement de très nombreuses femmes algériennes, qui se rassemblent sur les plages en bikini pour éviter d'être importunées par des hommes. Ces rendez-vous sont apparus comme une forme de militantisme contre l'islamisme. Hier, plusieurs médias tels que BFMTV, le "Grand Soir 3", RTL ou encore "Marie Claire" ont évoqué une "baignade républicaine géante" à Tichy, ville de Kabylie près de Béjaïa, rassemblant "jusqu'à 3.000 femmes".
Mais selon Kamel Madjdoub, journaliste à Béjaïa pour le journal "El Watan" contacté par l'AFP, "aucune 'baignade républicaine' n'a eu lieu" le 7 août. "C'était une journée ordinaire avec son lot de maillots ordinaires de toutes sortes", a-t-il assuré. Il a aussi précisé qu'aucune tenue n'était interdite sur les plages algériennes, que ce soit le maillot une-pièce, le bikini ou même le burkini.
Cette "baignade républicaine" était censée faire écho aux "opérations bikini", lancées début juin dans la ville d'Annaba et visant à imposer par de grands rassemblements le bikini sur les plages. Problème, l'AFP a noté qu'aucun journaliste algérien ou étranger n'avait pu constater la réalité de ces opérations et seule une photo, sans légende et censée illustrer les "opérations bikini", circulait sur les réseaux sociaux, avant d'être reprise dans les médias.
Ces "opérations bikinis" ont été évoquées dans les médias à la suite d'un article du 10 juillet d'un journal local d'Annaba, "Le Provincial". L'article évoquait "un groupe de 2.876 femmes" sur les réseaux sociaux, qui "proteste de manière pacifique en se baignant en maillot de bain sur les plages de la ville", en réaction à une "campagne" islamiste appelant à photographier les femmes en maillot et les diffuser sur le web.
Un groupe baptisé "Quelle plage à Annaba ?" existe réellement sur Facebook, mais selon Sarah, une de ses membres, à l'AFP, il n'a pas été fondé pour lutter contre le harcèlement de certains hommes sur la plage et pour défendre le droit de porter un bikini en Algérie. "Je trouvais que nous n'étions pas à l'aise pour nager. Nous ne voulions pas être dérangées (...) Jusqu'à présent, nous nous sommes retrouvées à une vingtaine de femmes sur la même plage", a-t-elle expliqué, assurant qu'il "n'y a jamais eu de baignade à 3.000 femmes."
Enfin, l'Agence France Presse a échangé avec l'auteure de l'article initial, Lilia Mechakra, qui a indiqué avoir "parlé d'un groupe de femmes de 3.000 membres, sans dire qu'elles allaient à la plage toutes ensemble", ajoutant que ses propos avaient été déformés et ses chiffres repris sans vérification. "Pour nous, peu importe que la femme soit en bikini, en voile, en maillot une-pièce ou autre, l'essentiel est de pouvoir nager à l'aise sans être embêtées", a conclu Sarah.