Un reportage suivi d'effets ? "Envoyé spécial" relatait, ce jeudi 20 juin 2024 sur France 2, le calvaire de Divine Kinkela. Cette aide-soignante, établie à Montargis dans le Loiret "depuis près de 30 ans", "dit subir les insultes racistes de ses voisins" depuis la victoire de la liste du Rassemblement national, menée par Jordan Bardella, aux élections européennes du 9 juin dernier. "C'est comme si les élections avaient libéré la parole (raciste). C'est une autorisation, une porte ouverte à dire aux immigrés que voilà, vous n'êtes pas les bienvenus, vous n'êtes pas chez vous, que l'on va vous foutre à la porte", analyse-t-elle.
Ce sentiment de rejet est renforcé par la présence de drapeaux français aux fenêtres de ses voisins. Surtout, une pancarte, sur laquelle on peut lire "Avec Marine et Jordan" et orientée uniquement vers la terrasse de Divine Kinkela, ne laisse aucun doute des intentions du couple. "Des opinions politiques qui nous visent, nous", constate la témoin du reportage. Le tout serait accompagné d''agressions verbales et de cris de singes'. Une scène, dont "Envoyé spécial" va être témoin, confirme les dires de la plaignante.
Après avoir assuré face caméra que "les Moustapha" ne respectent pas la France – parce qu'ils "voient à la télé comment ça se passe" – Didier et sa femme, arrivée entre temps, vont déverser leur mépris et leur haine à l'égard de Divine Kinkela. "Te voilà là encore toi ! Tu viens ici là ? On t'a invitée ? Non, tu dégages. Tu pars !", s'est déchainée la femme de Didier. Avant de reprendre : "J'ai quitté les HLM à cause de gens comme toi. On en était entourés de gens comme ça". Sous-entendus noirs.
À LIRE AUSSI : Rachida Dati qualifiée de "petite beurette" par Yves Thréard : Leïla Kaddour "consternée", Aïda Touihri fustige "une analyse de caniveau"
La discussion est impossible, le sentiment d'impunité est total. "On fait ce qu'on veut, on est chez nous, d'accord ? Alors tu dégages. On est en France, on fait ce qu'on veut en France. Tu l'apprendras si tu ne le sais pas", a-t-elle poursuivi, en rejetant explicitement Divine Kinkela qu'elle déshumanise allant jusqu'à la siffler et lui ordonner à trois reprises d'aller "à la niche". La scène d'une violence insensée se termine par des menaces à l'attention de l'équipe de tournage : "Arrête avec ça (la caméra), sinon j'appelle la police !".
Ces propos sont arrivés jusqu'aux oreilles du parquet de Montargis, qui a annoncé, ce vendredi 21 juin 2024, s'être saisi. "Le parquet de Montargis a été informé, ce jour, de la diffusion le 20 juin 2024 dans l'émission 'Envoyé spécial' d'une séquence enregistrée à Montargis rapportant des propos discriminatoires", a-t-il écrit dans une lettre.
"Les paroles et comportements constatés pouvant revêtir les qualifications pénales d'injures publiques et non publiques à caractère raciale, provocation publique à la discrimination et violence sans incapacité à caractère raciale, le parquet de Montargis s'est saisi de ces faits (...) La peine maximale encourue pour ces délits et contraventions est de trois années d'emprisonnement et 45.000 euros", a-t-il rappelé.
Avant de conclure que "l'une des personnes susceptibles d'être mises en cause appartenant au tribunal judiciaire de Montargis, le parquet a immédiatement décidé de formaliser, en application de l'article 43 du code de procédure pénale, une requête en dépaysement au parquet général d'Orléans en vue de confier cette enquête à une autre juridiction".
Mise à jour : Dans la matinée de ce samedi 22 juin 2024, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a confirmé, sur X, que la femme que l'on entend tenir "des propos absolument inadmissibles" dans le reportage d''Envoyé spécial' est "fonctionnaire du tribunal de Montargis".
"J'ai demandé aux chefs de la Cour d'appel d'Orléans un rapport immédiat en vue de (sa) suspension à titre conservatoire", a-t-il ajouté. Avant de conclure que "la haine n'aura jamais sa place dans nos tribunaux".